Le véhicule électrique, objet de toutes les convoitises

Marouane Bouchriha, Edmond de Rothschild Asset Management

3 minutes de lecture

Une offensive cruciale pour l’Europe.

BYD, MG Motor ou encore Nio sont des noms qui ne vous parlent peut-être pas encore. Pourtant, ils pourraient bien devenir les fabricants de votre prochaine voiture. Ces trois groupes chinois sont les premiers à se lancer dans l’export de véhicules électriques depuis l’Empire du Milieu vers le Vieux Continent, mais ils ne devraient pas être les derniers.

Longtemps barrée par la domination des acteurs occidentaux sur les moteurs thermiques, la Chine a fait le choix de soutenir massivement la transition vers l’électrique. Depuis 2009, la Chine a commencé à développer l’écosystème des véhicules électriques avec des subventions et un soutien au travers d’achats pour les flottes publiques Le développement de la chaîne de valeur de la batterie, composant essentiel dont la fabrication était jusque-là le domaine réservé des Coréens et des Japonais, a permis en quelques années le développement de CATL, un mastodonte qui pèse désormais 90 milliards de dollars en Bourse et contrôle près du quart de la demande mondiale de batteries pour les voitures électriques1.

Des trajectoires opposées

Les énergies renouvelables offrent un parallèle historique intéressant pour analyser la politique industrielle européenne. L’Europe a été pionnière pour développer les industries de l’éolien et du solaire en soutenant la demande locale. Les deux industries ont cependant suivi des trajectoires opposées.

Plusieurs champions européens de l’éolien se sont imposés au niveau mondial, et ce malgré la délocalisation de nombreux composants en Chine. Les sites d’assemblage, de R&D et une bonne partie de la valeur ajoutée sont restés en Europe. Au sein du secteur de l’énergie solaire, on ne se souvient plus des SolarWorld ou Q-Cells qui en quelques années sont passés de géants mondiaux au dépôt de bilan suite au dumping chinois. Aujourd’hui plus de 80% des panneaux solaires fabriqués dans le monde le sont par des acteurs chinois2. D’autres paramètres expliquent ces parcours opposés, notamment la taille des pales d’éoliennes qui limite le risque de délocalisation et le besoin en électricité bon marché pour fabriquer le polysilicium à la base du solaire photovoltaïque. Mais il ne faut pas se montrer naïf: la Chine, de par la taille de son marché domestique et son électricité au charbon à bas prix, pourrait répliquer le scénario du solaire concernant la chaîne de valeur du véhicule électrique.

Le risque est important car le secteur de véhicules électriques emploie 5,8% de la population active de l’Union européenne. Au-delà de ce chiffre, sont concernés également tous les emplois indirects, tandis que l’impact social déjà criant de la désindustrialisation se renforcerait.

Apprendre de ses erreurs

Une myriade de nouvelles «start-ups» du véhicule électrique se sont lancées aux Etats-Unis et en Chine. Ces sociétés ont su profiter de l’engouement du marché pour financer des sites de production et on retrouve désormais des noms prometteurs et bien établis comme Li Auto, Xpeng en Chine ou Rivian, Fisker et Lucid aux Etats-Unis. Rien de tel en Europe alors que la région concentre une bonne partie de l’écosystème automobile et de ses ingénieurs. Ce triste constat devrait nous interroger sur le manque de dynamisme entrepreneurial en Europe et la faiblesse des structures de financement.

La Commission européenne semble prendre la mesure de ce risque et passe à l’offensive avec le plan baptisé «Airbus des batteries». Saft, le spécialiste français des batteries, dont Total a pris le contrôle en 2016, s’est allié à PSA pour la création d’un premier site de production en France. Le site devrait démarrer la production en 2023 avec une capacité initiale de 8GWh par an.

Plus encourageant encore, Verkor, soutenue par Schneider Electric, n’a pas hésité à voir grand en lançant un projet d’une Gigafactory capable de produire plus de 16GWh par an. Il sera cependant nécessaire de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’avec l’industrie du solaire car l’Europe devra faire preuve du même pragmatisme que la Chine pour permettre à ces jeunes pousses de grandir.

Un argument rationnel et aligné avec l’objectif climatique de la transition vers la mobilité électrique serait de prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre sur tout son cycle de vie car la fabrication de la batterie est un poste important de ces émissions. Les émissions du mix électrique sont de 555gCO2/kwH en Chine contre 387g en Allemagne et 48g en France3. L’Hexagone, avec son mix électrique décarboné, se doit donc de se positionner comme un pivot industriel dans la stratégie européenne du véhicule propre.

 

1 Source: Bloomberg. Données au 23/11/2020.
2 Source: Bloomberg. Données au 23/11/2020.
3 Source: NGO Climate Transparency
 
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