Le rallye des obligations d’entreprise chinoises a encore de la marge

Alvin Cheng, Fidelity International

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Les obligations d’entreprise de Chine continentale ont connu une trajectoire haussière cette année, contrairement aux actions locales.

Cette année, les rendements des obligations chinoises ont battu bon nombre de leurs homologues dans le monde, la Chine assouplissant sa politique monétaire alors que la plupart des autres pays la durcissaient. Au sein du pays, la surperformance des crédits continentaux a présenté un net contraste par rapport au sentiment morose sur les actions locales, au ralentissement du marché immobilier et à l’affaiblissement du renminbi. Certains signes montrent que le rallye des obligations chinoises pourrait se poursuivre malgré les problèmes économiques.

Le programme d’échange de dettes du gouvernement central pour aider les véhicules de financement des gouvernements locaux («local government financing vehicles» ou LGFV) a ravivé la demande pour ces obligations. Sur le marché secondaire, le spread de crédit moyen - soit la prime de rendement par rapport aux obligations gouvernementales à maturité comparable - de la municipalité de Tianjin s’est resserré de plus de 450 points de base depuis août 20231, pour atteindre 66 points de base (pb). Une tendance similaire a été observée pour les LGFV de la province du Yunnan, où les spreads de crédit moyens se sont resserrés de près de 250 pb sur la même période pour s’établir à 297 pb.

Même le secteur immobilier, à court de liquidités, a connu quelques bonnes nouvelles. Le groupe public Shenzhen Metro, le plus grand actionnaire du promoteur China Vanke, s’est engagé en novembre à fournir de l’aide au géant de l’immobilier, en reprenant notamment certains projets de rénovation urbaine de Vanke. Combinée aux mesures de soutien continues du gouvernement au logement, cette annonce a apporté un certain soulagement aux investisseurs préoccupés par un dérapage incontrôlable de la crise du logement.

Le rallye a déjà poussé les spreads de crédit vers leurs niveaux les plus bas depuis novembre 2022, où les signes de sortie de la Chine des confinements liés au Covid avaient déclenché une rotation rapide des obligations vers les actions. Et bien que le récent assouplissement budgétaire et la vague d’offre d’obligations d’État qui en a résulté aient provoqué une brève hausse des taux d’intérêt à court terme fin octobre, les rendements des obligations les mieux notées devraient continuer à baisser à moyen terme, car la reprise économique difficile de la Chine pousse les investisseurs vers des actifs plus sûrs et incite la Banque populaire de Chine (PBOC) à assouplir davantage sa politique monétaire.

Attention aux ralentisseurs

Les risques concernent notamment les investissements en infrastructures, qui pourraient ne pas être en mesure de stimuler suffisamment l’économie en raison d’un manque de financement pour les gouvernements locaux dont les ventes de terrains ont baissé. Au lieu de multiplier les investissements dans les routes, les métros et d’autres projets d’infrastructures, les LGFV sont préoccupés par la gestion des risques de liquidités et le remboursement de la dette. Le gouvernement central est intervenu pour alléger la pression sur les liquidités à court terme des gouvernements locaux, mais les responsables politiques sont toujours incités à limiter les emprunts de ces gouvernements sur le moyen terme.

Ensuite, le secteur immobilier pourrait se stabiliser, mais la demande restera faible. Tant que les consommateurs n’auront pas retrouvé confiance dans les perspectives de croissance de leurs revenus, leur disposition à emprunter et à acheter de nouveaux logements restera en berne.

Baisse des défauts

Des problèmes structurels de fond comme ceux-ci pourraient peser sur l’économie et entraîner d’autres mesures d’assouplissement de la PBOC. Cet environnement monétaire accommodant continuera à offrir une certaine marge de manœuvre aux entreprises emprunteuses. Lors des 10 premiers mois de 2023, seuls 8 emprunteurs ont connu un premier défaut sur le marché continental, par rapport à 39 lors de la même période de l’année précédente2. Mais la prudence est de mise en descendant la courbe de crédit. D’abord, l’avantage de rendement des obligations moins bien notées sur des titres de maturité similaire n’est pas assez élevé pour justifier le risque de crédit. Ensuite, le crédit bon marché est seulement une solution temporaire. Sans amélioration solide des fondamentaux sous-jacents du crédit, les émetteurs faibles seront inévitablement confrontés à de nouveaux problèmes liés à leur dette, dès que les responsables politiques commenceront à réduire l’argent facile.

Certaines sorties de fonds de la part d’investisseurs internationaux ont eu lieu cette année, à mesure que la prime de rendement des bons du Trésor américain à 10 ans s’élargissait par rapport aux obligations d’État chinoises de maturité similaire, mais il s’agissait de mesures tactiques plutôt que d’un tournant structurel. De plus, comme les positions des investisseurs étrangers représentent seulement environ 2% des obligations de Chine continentale, leur effet sur le marché dans son ensemble reste minime. Les faibles corrélations entre les obligations continentales et les autres classes d’actifs continuent à fournir des avantages de diversification attrayants aux portefeuilles mondiaux. À long terme, les efforts de la Chine pour internationaliser le renminbi, couplés avec les mesures d’ouverture et de développement du marché domestique pour les notations de crédit et la recherche sur les obligations permettront d’améliorer la transparence et la détermination des prix sur le marché, ce qui soutiendra finalement l’augmentation de la demande en titres à revenu fixe chinois.

 

1 Selon les données compilées par Fidelity International et Dealing Matrix.
2 Selon l’analyse de Fidelity International des données compilées par Wind Information.