Le dilemme net zéro de l’extraction des matières premières

Daniela Jaramillo, James Richards, Sam Heithersay, Patrick Graham, Fidelity

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La façon dont les entreprises minières gèreront les risques sociaux, politiques et écologiques sera déterminante pour la neutralité carbone.

Peu de détails sont connus sur le récent accord à 5 milliards de dollars de Tesla pour l’achat de nickel en Indonésie. En revanche, la conclusion d’un tel accord nous dit déjà quelque chose d’important.

Outre une série de problèmes environnementaux, la production indonésienne de nickel produit en effet près de trois fois plus de dioxyde de carbone par tonne que la moyenne mondiale. Si Tesla a probablement acheté le nickel le plus pauvre en carbone du pays, l’empreinte écologique reste bien présente, pour une entreprise qui se targue de respecter l’environnement. Comme fabricant de véhicules électriques, Tesla doit pourtant assurer l’approvisionnement à long terme du précieux métal pour ses batteries.

Avec le passage à l’électricité et aux énergies renouvelables, la demande en matériaux comme le nickel, le lithium et le cobalt va bondir au cours des 30 prochaines années.

Le dilemme de Tesla est celui du monde entier. Comme la transformation met sous pression l’approvisionnement en matières premières critiques, l’exploitation et l’expansion de l’industrie minière deviennent toujours plus compliquées. Les communautés aux alentours sont en effet de plus en plus sensibles aux coûts sociaux et écologiques.

En tant qu’investisseurs, nous devons admettre que les sociétés minières présentant les meilleurs bilans de durabilité ne pourront pas répondre à la demande. Nous devons aussi investir dans des entreprises qui peuvent être incitées à s’améliorer. Si elles ne parviennent pas à gagner la confiance des communautés et des parties prenantes locales, tous les acteurs, depuis les constructeurs de voitures électriques jusqu’aux fournisseurs d’électricité locaux, risquent de se retrouver à court de métaux.


 

Dans le jardin de qui?

La résistance locale aux nouvelles mines pose toutefois un défi accru. La récente tentative de Rio Tinto d’installer une mine de lithium dans la vallée serbe du Jadar en est un exemple. Le projet était certes soutenu par le gouvernement central, mais il s’est heurté à d’importantes protestations d’organisations non gouvernementales et de groupes de la population locale. Ces derniers craignaient la pollution et un éventuel déplacement des habitants. Par la suite, le gouvernement serbe a retiré son autorisation à Rio Tinto en janvier 2022. Or Jadar n’est pas un cas isolé. Aux États-Unis également, des recours juridiques ont stoppé depuis 2019 d’importants projets liés au cuivre.

Désormais, le seul respect des dispositions légales ne suffit plus à mener à réaliser un projet. Pour conserver leur licence d’exploitation sociale, les sociétés minières doivent respecter des normes beaucoup plus élevées et gagner la confiance des communautés.

De nouveaux gisements dans des zones géographiques difficiles

L’autre défi est naturellement l’environnement. L’Indonésie devrait fournir la plus grande partie du nickel supplémentaire qui arrivera sur le marché ces prochaines années.


 

Le pays est toutefois encore largement dépendant du charbon thermique pour son approvisionnement en électricité. Les mines ont aussi des conséquences sur la déforestation et la biodiversité. Les investisseurs actifs sont déjà en contact avec certaines des entreprises impliquées et fixent des améliorations en matière de communication et de pratiques. Ces tâches sont cependant loin d’être terminées et les gestionnaires de capital font face à des décisions difficiles.

Le pouvoir de la collaboration

Pour les nouvelles mines, les investisseurs peuvent s’engager en faveur de mesures de politiques publiques et d’entreprise, qui concilient les avantages économiques et la décarbonisation avec les conséquences sur un large groupe de parties prenantes. Un soutien financier ou juridique de l’État peut aussi être nécessaire, car tous les aspects de la décarbonisation ne sont pas économiquement viables à court terme. Dans certaines des zones les plus difficiles, il n’est même guère envisageable de parvenir aux objectifs sans un prix mondial du carbone.

Pour améliorer l’image de l’industrie minière, il faudra peut-être aussi adopter des approches inhabituelles. Les grandes entreprises minières qui ont fait leurs preuves pourraient gagner à soutenir leurs concurrents plus petits en leur apportant leur savoir-faire. En effet, un scandale concernant l’environnement ou la sécurité dans une entreprise minière touche finalement toutes les entreprises. Ce qui est déterminant, ce n’est pas seulement la licence sociale accordée aux entreprises minières pour opérer au sein d’une communauté donnée, mais aussi l’autorisation de l’industrie d’opérer à l’échelle mondiale. Sans celle-ci, le monde n’atteindra pas ses objectifs de neutralité carbone.