Le défi européen à l’heure des élections italiennes

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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L’Union est mise au défi par les chocs successifs de 2022: le résultat des élections italiennes pourrait en être un nouveau.

Les lignes de fractures historiques se sont déplacées, certaines se sont créées. Il faut en profiter pour avancer. L’année s’annonçait pourtant sous les meilleurs auspices. Dopée par le plan de relance commun de 750 milliards d’euros et soutenue par une politique monétaire toujours accommodante, l’Union européenne, et la zone euro en particulier, s’apprêtait à toucher les dividendes de l’après-COVID.

Les espoirs ont rapidement été douchés: le retour de la guerre sur le continent, l’explosion des prix de l’énergie et de l’inflation, la contraction chinoise qui met en panne le moteur exportateur allemand, l’Europe a subi une série de chocs violents qui a fait dérailler les perspectives de croissance. A ce jour, notre indicateur Montpensier MMS de Momentum économique de la zone euro, à 27, est au plus bas depuis mars 2020.

Ces chocs ont également fait évoluer les lignes de fractures traditionnelles de l’Union.

Depuis 2008, les alliances restructuraient en effet autour de deux frontières.

La première entre les frugaux du Nord, la nouvelle «Ligue Hanseatique» emmenée par la Finlande et les Pays Bas et soutenue par l’Allemagne, et les cigales du Sud, qui comptaient sur la France pour faire entendre leur voix.

La seconde, plus identitaire, entre le groupe de Visegrad articulé autour de la Pologne et de la Hongrie, soutenu par les pays du Sud en première ligne dans la crise migratoire, et une ligne historique franco-allemande d’ouverture. Avec parfois une porosité entre les deux frontières, cristallisée par les demandes de la commission européenne à la Hongrie pour débloquer les milliards d’euros prévus dans le plan de relance post COVID. Tout a changé en six mois. Le groupe de Visegrad a explosé entre la ligne polonaise, favorable au soutien inconditionnel à l’Ukraine, et la vue hongroise, beaucoup plus proche de Moscou.

Les conséquences énergétiques de la guerre ont également transformé les rapports entre les pays frugaux du Nord, souvent très dépendants du gaz russe, à l’image de la Finlande ou de l’Autriche, et les pays du Sud, en particulier l’Espagne et le Portugal, dont le système électrique est déconnecté du mode de fixation de prix européen et qui importent très peu d’énergie en provenance de la Russie. La solidarité européenne a ainsi été inversée: ce sont les pays du Nord, Allemagne en tête, qui demandent l’aide énergétique des pays du Sud.

Les équilibres financiers européens pourraient être bouleversés par cette nouvelle donne énergétique. Comment imaginer l’Allemagne, gravement menacée par les pénuries dès cet hiver et obligée de nationaliser en urgence Uniper pour éviter un effondrement de son système énergétique, pousser l’Union à des mesures d’austérité financières strictes, pesant en premier lieu sur les pays supposés l’aider à passer ce cap?

A l’inverse, cette situation pourrait être l’occasion de renouveler l’expérience du plan de relance conjoint post-pandémie en donnant de nouveau à l’Union des capacités d’endettement propre, cette fois destinées à renforcer sa souveraineté énergétique.

Le nouveau paysage européen donne également l’opportunité à l’Italie de reprendre un rôle pivot au sein des institutions. Le pays se situe en effet au barycentre des intérêts européens. Il est proche de l’Allemagne par sa dépendance au gaz russe – 40% de ses importations avant le déclenchement de la guerre – et par la densité et l’importance de son tissu industriel qui représente encore près de 20% de son PIB contre à peine plus de 10% pour la France.

Mais, il partage avec son voisin transalpin une pression considérable sur ses finances publiques avec une dette de plus de 150% du PIB, ce qui en fait un ambassadeur de premier plan des pays du Sud comme la Grèce ou l’Espagne. L’Italie est également une clé dans l’évolution du mix énergétique du Vieux Continent grâce à ses terminaux de gaz naturel liquéfié et à son activisme tous azimuts au Moyen-Orient et au Magreb pour diversifier ses sources d’approvisionnement.

Politiquement, les élections italiennes du 25 septembre ont marqué un tournant avec la fin du gouvernement d’union nationale de Mario Draghi. La coalition des droites et Giorgia Meloni, en tête des résultats, devra se positionner rapidement sur l’ensemble de ces sujets, énergétiques, financiers et géopolitiques. L’opportunité est belle de redonner au pays toute sa place de membre fondateur de l’UE.

Le virage européen sera délicat à opérer. Mais la construction européenne n’avance vraiment que dans les crises. Un nouvel équilibre devrait se mettre en place dans les mois à venir avec une Allemagne moins dominante.