La souveraineté de l’Europe passera par le contrôle de ses paiements

Aymeric Gastaldi, Edmond de Rothschild Asset Management

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Alors que le COVID-19 accélère le recul des paiements en espèces au profit des paiements par carte, la dépendance à l’égard des systèmes de paiements n’en est que plus forte.

Mars 2014: suite à l’invasion de la Crimée par la Russie, certains dignitaires russes se voient privés de moyens de paiements. Impossible de retirer des liquidités ou de procéder à des achats. Le «coupable» est le gouvernement américain. Celui-ci a ordonné à Visa et Mastercard de geler les opérations d’une poignée de banques russes au sein desquelles des responsables politiques détenaient leurs comptes. 

Deux sociétés à capitaux privés, cotées en bourse, ont donc constitué le bras armé de la diplomatie américaine sur ordre gouvernemental. Dans un monde qui voit le multilatéralisme fondre comme neige au soleil, une telle mesure de représailles ne saurait être qualifiée d’anecdotique.

Un pays qui utiliserait majoritairement la technologie d’un autre pour le bon fonctionnement de ses paiements serait donc à sa merci. C’est aujourd’hui le cas de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis. 

Il existe une autre menace, celle de l’accès aux données. Les opérations qui transitent sur les réseaux Visa et Mastercard constituent des informations ultra-sensibles. Aujourd’hui, elles paraissent cloisonnées, mais des autorités gouvernementales font déjà pression auprès de prestataires de paiements pour y accéder. Elles pourraient un jour éveiller des intérêts malveillants ou se transformer en intelligence stratégique. 

Un projet vital

En Europe, la majorité des transactions domestiques transite par les réseaux Visa et Mastercard (et la quasi intégralité des opérations internationales). Pour le Vieux Continent, il s’agit d’une vulnérabilité structurelle. 
Portée par des acteurs privés (majoritairement des banques) et adoubée par la BCE, l’EPI (European Payment Initiative) vise à créer de toute pièce un réseau de paiements paneuropéen remplaçant Visa et Mastercard sur le front des paiements domestiques. Elle couvrirait un grand pan de la chaîne de valeur, allant des paiements de Pair-à-Pairs jusqu’aux «wallets». Ce projet est précieux et vital pour l’avenir de l’Europe. 

Son succès est encore très incertain. Il fera face à un défi technique et commercial. Le défi technique pourra être relevé grâce aux montants engagés (plusieurs milliards d’euros) et peut capitaliser sur la technologie de paiements instantanés déjà développée par la BCE (TIPS). L’aspect commercial est plus aléatoire. Il faudra convaincre commerçants et porteurs de cartes de l’utilité du nouveau réseau. Côté marchands, les frais de réseaux pourraient diminuer, mais cela risque de ne pas être une raison suffisante pour initier un changement. Côté utilisateur final, les habitudes changent lentement et l’adoption d’une carte EPI risque d’être poussive. 

Si l’EPI garde son ambition originale et ne la cantonne pas à une simple interopérabilité, chaque pays doté d’un réseau propre devrait accepter de l’éliminer. Les Etats devront choisir entre préserver un réseau domestique propriétaire et épouser un réseau européen garant d’une véritable souveraineté. Cet effort est le prix à payer pour une Europe véritablement indépendante. 

En harmonisant les règles européennes, unifiant l’écartement des rails à travers l’Europe, l’EPI permettra l’émergence de champions européens. L’Europe a la chance d’abriter de nombreux candidats légitimes au rang de leader mondial des paiements. Il ne tient qu’à elle de leur en donner les moyens.

 

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