La ressource suprême

Andrea Biscia, DECALIA

2 minutes de lecture

Offre limitée et demande croissante: telle est la dynamique du marché de l'eau.

Avec la guerre en Ukraine, l'accès à l'énergie et aux produits agricoles est une préoccupation immédiate et, à juste titre, un sujet très médiatisé. À plus long terme, cependant, c'est une autre ressource qui pourrait faire défaut – dont dépend non seulement le fonctionnement de l'économie, mais la survie même de l'humanité. Il s’agit bien évidemment de l'eau.

L'agriculture compte aujourd'hui pour 70% environ de la consommation d'eau douce, et sa demande devrait doubler d'ici à 2050 pour pouvoir nourrir (et habiller) une population mondiale croissante. L'approvisionnement en eau, quant à lui, n'est pas illimité – du moins pas partout. Certaines des principales cultures en termes de valeur commerciale ou de volumes, le blé, le riz et le coton notamment, poussent dans des pays qui manquent d'eau. Si l'on ajoute le facteur «changement climatique», l'équation entre offre et demande d'eau ne peut que s'aggraver. De fait, près de la moitié des humains devraient vivre dans des zones soumises à un stress hydrique d'ici à 2030. Ce qui induira un risque de conflits ou de troubles sociaux, et un prix plus élevé pour ce qui est généralement encore considéré comme bien public.

Intégrer l’eau dans le screening ESG

Ce renchérissement devrait encourager l’investissement en infrastructures hydrauliques (en particulier dans les pays en développement) et soutenir les efforts visant à réduire le gaspillage et la pollution, respectivement améliorer l'efficacité en eau tant de la production que de la consommation. Autant de pistes intéressantes pour les investissements en actions.

Les entreprises «pureplay» sont peu nombreuses, mais comment ne pas mentionner le mastodonte Veolia-Suez, qui réalise près de 50% de son activité dans la gestion de l'eau avec une présence sur la plupart des continents. Parmi les autres acteurs notables, citons Advance Drainage Systems, actif – en ses propres termes – sur l'ensemble du «cycle de vie d'une goutte de pluie» (capture, transport, stockage et traitement), Evoqua Water Technologies, spécialiste du traitement de l'eau et des eaux usées, NX Filtration, fabricant de membranes de nanofiltration, ou encore Xylem, dont les solutions technologiques visent à «rendre l'eau plus accessible et plus abordable». Un mot également sur l’entreprise suisse Geberit, leader des produits sanitaires, dont nombreux sont conçus pour économiser l'eau grâce à des processus plus efficaces.

Plus généralement, dans une perspective d’investissement ESG, le fait que l'eau soit de plus en plus – et à raison– considérée comme un risque matériel pour les entreprises doit également être mieux intégré dans les processus analytiques. Précisons que ce risque englobe bien plus que la simple question de l'accès à l'eau. Les évolutions réglementaires sont également à surveiller, de même que les questions de réputation. C'est pourquoi nombre de sociétés, et pas seulement dans le secteur agricole, s'emploient à mettre en place des programmes de gestion de l'eau – adoptant des stratégies d'approvisionnement plus diversifiées en termes de régions et s'engageant auprès de leurs fournisseurs pour atténuer les risques liés à l'approvisionnement. C'est également la raison pour laquelle le PRI, un réseau d'investisseurs soutenu par les Nations unies, a récemment coordonné un engagement de USD 6’000 milliards pour améliorer les informations relatives à l'eau.

La Journée mondiale de l'eau, le 22 mars dernier, est malheureusement passée presque inaperçue cette année, au sortir de la pandémie de Covid et en pleine tragédie ukrainienne. Puisse cela ne pas être le cas en 2023 et au-delà...