L’or et l’argent: le scénario de la planche à billets

Carsten Menke, Julius Baer

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Actuellement, l’or et l’argent conviennent aux spéculateurs mieux qu’aux investisseurs en quête d’un refuge.

La dernière étape de la récente hausse de l’or reflète plus que de la crise du coronavirus. L’accent est mis aujourd’hui sur une crise monétaire potentielle. Nous avons du mal à partager cette vision des choses et restons réticents à prendre le train en marche. Aux niveaux actuels, tant l’or que l’argent conviennent aux spéculateurs davantage qu’aux investisseurs en quête d’un refuge. 

Après avoir atteint son vieux record historique il a quelques semaines, le métal jaune n’a pas tardé à franchir un nouveau cap. Les cours ont continué à grimper sur un marché de plus en plus haussier, passant même la barre des 2’000 dollars l’once pour la première fois dans l’histoire boursière. Alors que la pandémie du COVID-19 fait encore rage dans de nombreux endroits du monde, nous avons la nette impression que la dernière étape dans la récente hausse est plus que le «simple» reflet de la récession produite par les réactions à la pandémie. Nous restons convaincus que les cours intégraient une brève et intense récession et que les niveaux actuels ne sont plus en rapport avec la réalité économique. Dans l’intervalle, l’argent a commencé à surperformer l’or. 

L’accent des marchés de l’or et de l’argent s’est davantage déplacé vers les conséquences potentielles à long terme de la crise du coronavirus, avec des endettements encore plus lourds et des bilans des banques centrales encore gonflés en raison des mesures de relance massives mises en place, souvent comparées à des «planches à billets». Certains voient dans l’augmentation rapide de l’inflation et la perte de confiance dans les monnaies mondiales (le dollar plus particulièrement) une conséquence inévitable de cette crise, qui entraîne une chute des monnaies par rapport à l’or et à l’argent. Le fait que l’argent ait récemment surperformé l’or confirme ce scénario. Compte tenu de ses applications industrielles, l’argent n’est pas un actif refuge en période de crise économique. Il le serait néanmoins en cas de crise monétaire – c’est-à-dire si le système monétaire actuel devait s’effondrer. 

Si le dollar a fléchi ces derniers temps, nous pensons que c’est pour des raisons cycliques et non structurelles. Pour parler simplement, les Etats-Unis gèrent moins bien la crise du coronavirus que l’Europe, ce qui explique que le billet vert ait perdu du terrain par rapport à l’euro. Même si la faiblesse du dollar soutient fondamentalement l’or et l’argent, cela ne justifie pas un mouvement haussier aussi marqué. Nous sommes donc réticents à suivre ce mouvement car de notre point de vue, l’or tant que l’argent se négocient dans une fourchette haute fondamentalement justifiée. Nous avons l’impression que les suiveurs de tendance et les traders techniques se sont installés dans le siège du conducteur, un peu comme dans les derniers temps du marché haussier du début de siècle. 

Le climat de marché pour l’or et l’argent devient de plus en plus haussier, ce qui devrait être considéré comme un signal d’alerte, même si cela ne signifie pas que la hausse ne puisse pas se poursuivre. Il est toutefois clair pour nous que l’assurance que l’or fournit à un portefeuille est devenue très onéreuse et qu’aux niveaux actuels, l’or comme l’argent s’adressent plus aux spéculateurs qu’aux investisseurs à la recherche d’un actif refuge. Avec des fondamentaux globalement favorables, nous maintenons notre position neutre pour l’or et l’argent. La prudence n’est pas encore de mise.