L’hydrogène s’inscrit dans une dynamique favorable

DECALIA

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Interview d’Alexander Roose, responsable des fonds actions et co-lead PM de la stratégie DECALIA axée sur les secteurs innovants et les entreprises disruptives.

Dans cette première série sur l'écologie, l'accent est mis sur l'important potentiel inexploité de l'hydrogène. Il y a déjà plus de cinq décennies, l'hydrogène a fait les gros titres en tant que source de carburant essentielle qui a permis aux membres de l'équipage d'Apollo d'aller sur la lune. Compte tenu de l'urgence pour l'UE de réduire sa dépendance à l'égard des approvisionnements en gaz russe et du défi générationnel que représente la décarbonisation de notre planète, des facteurs catalyseurs sont enfin en place pour favoriser l'adoption de l'hydrogène sur divers (nouveaux) marchés finaux.

En quoi l’hydrogène présente-t-elle des propriétés intéressantes sur le plan énergétique?

Les propriétés de l'hydrogène en tant que vecteur énergétique sont stupéfiantes. Pour une même masse, il concentre deux fois plus d'énergie que le gaz naturel et trois fois plus que le pétrole.

Une autre caractéristique essentielle est qu'il ne dégage pas de dioxyde de carbone lorsqu'il est brûlé, contrairement aux hydrocarbures. C'est pourquoi il est appelé à jouer un rôle clé dans la transition énergétique qui prend forme en ce moment.

Selon vous, quels facteurs favorisent aujourd’hui cette montée en puissance de l’hydrogène dans le secteur de l’énergie?

L’hydrogène aujourd’hui est catalysé par de multiples opportunités. Il peut être employé comme carburant pour décarboner plusieurs industries lourdes, l’industrie du transport, comme mode de chauffage résidentiel ou encore comme solution pour stocker le surplus d’électricité renouvelable produit par le solaire ou l’éolien.

Entre le Green Deal, le Plan de relance post Covid axé sur l’urgence climatique et le récent REPower, voté pour s’extraire du carcan russe, l’Union Européenne s’est résolument engagée sur la voie d’une énergie propre et renouvelable.

Par exemple, la politique REPowerEU récemment annoncée prévoit d'augmenter l'utilisation de l'hydrogène de plus de 30 millions de tonnes. L’urgence pour l'Europe est de réduire au plus tôt sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Certains pays se fournissent en gaz russe à hauteur de 40%.

Source: “Clean Hydrogen Monitor 2020”, Hydrogen Europe

 

Que représente aujourd’hui la part de l’hydrogène dans le marché mondial de l’énergie?

A ce jour, l’hydrogène n’occupe qu’une place assez marginale. Pour reprendre les données compilées par l’Agence Internationale de l’Energie, la demande pour de l’hydrogène à l’échelle mondiale ne s’élevait en 2020 qu’à environ 90 millions de tonnes. Cette masse représente à peine 2% de toute l’énergie que la planète consomme en une année. Ses principaux utilisateurs sur le marché final sont les industries de l'ammoniac et du pétrole de raffinage.

Comment voyez-vous évoluer le marché de l’hydrogène à horizon 2050?

Selon un récent rapport de McKinsey, l'hydrogène pourrait couvrir un cinquième des besoins énergétiques mondiaux d'ici 2050.

Cela contribuerait à 20% de la réduction nécessaire pour limiter le réchauffement de la planète à 2° Celsius.

Quels sont les freins qui limitent encore aujourd’hui une adoption massive de l’hydrogène?

L’hydrogène a des qualités indéniables, mais il présente aussi de nombreux inconvénients. La production a une haute intensité énergétique, sa distribution est pour le moins complexe et son coût d’adoption est donc assez dissuasif.

Pour ce qui relève de sa production, les complications résident dans le fait que l’hydrogène n’existe pas à l’état naturel et qu’il faut donc l’extraire de sa formation atomique. A ce jour, 96% de l'hydrogène est produit à partir de combustibles fossiles.

C’est ce qu’on appelle l’hydrogène gris. Son prix est plutôt compétitif mais il a le défaut de rejeter beaucoup de gaz carbonique durant le processus de production.

Idéalement, il vaut mieux privilégier la production d’hydrogène vert en ayant recours à l’électrolyse de l’eau ou à la thermolyse de la biomasse, avec de l’énergie renouvelable comme source de courant.

Il coûte bien évidemment plus cher à produire mais, avec la flambée des cours du gaz, il commence à devenir concurrentiel.

L’autre inconvénient majeur de l’hydrogène concerne sa distribution. Pour le transporter, il faut d’abord le liquéfier à des températures très basses, de l’ordre de 250°, proches du zéro absolu.

 

D’un point de vue d’investisseur, où voyez-vous apparaitre les opportunités les plus attrayantes?

Il y a clairement de très belles opportunités qui se présentent, mais il faut savoir où mettre les pieds, car les pièges ne manquent pas.

Lorsqu’on aborde le thème de l’hydrogène, on pense forcément aux domaines des transports, de la construction des capacités d’électrolyse et du chauffage ou encore des combustibles industriels.

A mon sens, la façon la plus intelligente de capitaliser aujourd’hui sur l’hydrogène est de se positionner sur les producteurs d’ammoniac et les producteurs de gaz industriels qui contrôlent la chaine logistique.

Pour quelles raisons l’ammoniac vous semble-t-il si intéressant?

Le premier avantage de l’ammoniac (NH3) est de contenir une grande quantité d’hydrogène. Pour une molécule d’azote, l’ammoniac renferme en effet trois molécules d’hydrogène. Dès lors, l’ammoniac est un excellent moyen pour transporter de l’hydrogène sur de très longues distances, car, une fois liquéfié, il suffit de le maintenir à une température de -33° Celsius, loin des -250° Celsius que réclame l’hydrogène.

Ensuite, l’ammoniac s’avère un excellent carburant, d’usage très répandu, qui a lui aussi l’avantage de ne pas émettre de gaz carbonique lorsqu’il est utilisé. Il est appelé à un emploi de plus en plus important comme fuel maritime, en remplacement du diesel. Ce marché-là est quatre fois plus grand que celui de l’ammoniac agraire.

Il y a un dernier point à mentionner concernant l'ammoniac. Ses producteurs disposent d'installations qui peuvent être converties en ammoniac bleu (avec capture du carbone) ou vert. En outre, les procédés de production de l'hydrogène et de l'ammoniac partagent la même configuration technologique, qu'il s'agisse de la production grise (procédé de reformage du méthane à la vapeur) ou verte (basée sur l'électrolyse).

Les entreprises capables de gérer la chaîne d'approvisionnement peuvent être considérées comme une bonne opportunité d'investissement. Pouvez-vous expliquer?

L’hydrogène, il faut savoir le stocker et le transporter. C’est un point fondamental. Il y a énormément de valeur à créer dans ce contrôle logistique.

Des entreprises comme Air Products, Linde, Air Liquide, OCI et CF Industries se sont très bien positionnés sur ce créneau et elles sont donc appelées à jouer un rôle déterminant dans la transition énergétique. En Europe, Air Liquide contrôle par exemple 50% de la chaîne logistique de l’hydrogène.

En Europe, par exemple, Air Liquide contrôle plus de 50% de la chaîne d'approvisionnement en hydrogène (pipeline).

A propos du fonds DECALIA Sustainable Society
un fonds d'actions global multithématique, investissant dans des secteurs innovants et des entreprises disruptives qui façonneront notre société de demain
investit dans les 7 thèmes (Security, O2 & Ecology, Cloud & Digitalisation, Industrial 5.0, Elder & Well being, Tech Med, Young Generation) regroupés sous l'acronyme Society
gérés par une équipe expérimentée: Alexander Roose (ex-CIO du Fundamental Equity de Degroof Petercam AM) & Quirien Lemey (ex-Lead PM d'un fonds multithématique chez Degroof Petercam AM).