Investir en non coté: la solution est anglaise

Anna Bretschneider, Baillie Gifford

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Les investisseurs en quête de jeunes pousses prometteuses ne devraient pas négliger les fonds fermés.

Douze ans, c’est l’âge moyen des entreprises américaines qui entrent en bourse actuellement; deux fois plus élevé qu’en 2000! Cette évolution découle pour l’essentiel de deux facteurs. Le premier est la facilité avec laquelle les technologies modernes permettent aux entreprises d'atteindre une taille critique sans devoir recourir à des capitaux externes importants. Le second est la réticence croissante des créateurs d'entreprise à faire face aux pressions et à la dispersion des énergies qui découlent de la cotation en bourse. Ainsi, l’introduction en bourse n’est plus une étape incontournable dans le processus de maturation d’une entreprise.

A monde nouveau, nouvelle approche

Cette évolution devient un problème pour les investisseurs privés qui souhaitent se positionner très tôt dans les entreprises en forte croissance appelées à devenir les gagnantes de demain. En effet, pour accéder au vivier des entreprises non cotées, ces investisseurs ne souhaitent pas nécessairement utiliser un instrument tel que le private equity, généralement cher et assorti d’une durée de 7 à 10 ans, et ils ne disposent ni des capitaux, ni des réseaux propres aux bailleurs de capital-risque. La solution réside peut-être dans les fonds fermés (investment trusts), peu nombreux en Suisse, mais qui font partie intégrante du paysage de la gestion et de l’épargne britannique depuis plus de 150 ans. De fait, les plus importants fonds fermés sont inclus dans l’indice des 100 plus grosses capitalisations boursières du marché britannique (FTSE 100) et ils ont connu un véritable regain d’intérêt ces dernières années.

L’exemple anglais

Cela s’explique en partie par l’évolution des pratiques des jeunes entreprises à forte croissance. Depuis 2018, Baillie Gifford, le plus gros émetteur de fonds fermés en Grande-Bretagne, a lancé quatre nouveaux véhicules fermés destinés aux investisseurs privés. Et tous ont bénéficié d’une forte demande. Par ailleurs, la proportion d’entreprises non cotées dans les 12 fonds fermés du promoteur écossais augmente de manière significative. Ses prises de participation réussies dans des entreprises telles que Alibaba, Ant Group, Spotify et ByteDance avant leur introduction en bourse favorisent cette croissance. Le secteur des entreprises non cotées est celui dans lequel le gérant trouve de plus en plus fréquemment les entreprises de qualité capables de croître et d’assurer des performances sur le long terme. 

Dans sa forme moderne, le fonds fermé peut être comparé à une holding du type «Berkshire Hathaway». L’achat de parts d’un tel véhicule permet d’accéder à un portefeuille d’actions soigneusement sélectionnées, qu’elles soient ou non cotées en bourse. Parce qu’il est collectif, le fonds fermé est en mesure d’exploiter les économies d’échelles et de réduire les coûts imputés aux investisseurs tout en permettant à ces derniers de s’exposer aux entreprises qui, pour les gérants, comptent parmi les plus intéressantes dans leurs secteurs respectifs.

Le Scottish Mortgage Investment Trust dont les actifs représentent quelque 21 milliards de francs suisses (17 milliards de livres sterling) est un bon exemple des fonds de ce type, même si la part des entreprises non cotées qu’il détient (20% de ses actifs et un peu plus de la moitié des entreprises en portefeuille) est supérieure à la moyenne. Sa structure fermée lui permet de garder les titres en portefeuille sur de longues durées et, pour autant que les performances demeurent, de rester investi durant tout le cycle de vie de l’entreprise.

Des intérêts partagés à long terme

Cette stabilité de l’actionnariat est très appréciée par les fondateurs et par le management des entreprises non cotées. De plus, les fonds fermés gérés par un conseil d’administration (contrôlé par leurs actionnaires) s’avèrent généralement être des copropriétaires bien informés, patients et loyaux: ils ne s’alarment pas indûment des difficultés que peuvent rencontrer les entreprises en croissance. Par ailleurs, l’importance des capitaux détenus par certains fonds fermés rend plus aisées les levées de nouveaux capitaux par les propriétaires des entreprises non cotées.

Le financement des entreprises connaît actuellement de profonds changements, d’une envergure inégalée par rapport à ce qui a pu être observé depuis le début du XXe siècle. Ainsi, les «licornes»(1) dont la capitalisation boursière dépasse les 1’800 milliards de dollars ne peuvent plus être considérées comme un phénomène marginal. Cette évolution exige des investisseurs qu’ils adoptent une nouvelle approche vis-à-vis de leurs investissements, peut-être en recourant à un véhicule tel que le fonds fermé à l’anglaise qui, bien que remontant à l’époque victorienne, s’avère particulièrement bien adapté au Nouveau Monde.

 

(1) Une licorne est une entreprise en démarrage dont la valorisation est supérieure à 1 milliard de dollars. Sa croissance est si forte qu’elle peut lever plusieurs millions en un tour de table pour financer son développement. Ce statut de licorne disparaît dès qu’elle entre en bourse ou qu’elle est rachetée.