Investir durablement exige un dialogue actif

Zürcher Kantonalbank

4 minutes de lecture

L'Investment Stewardship que signifie ce terme? Et pouvons-nous améliorer le monde grâce à l'Investment Stewardship?

Fabio Pellizzari, Head of ESG-Strategy & Development (à gauche) et Rocchino Contangelo, Head of Research, Global ESG Integrated (à droite).  © Zürcher Kantonalbank/David Ramseier

Fabio Pellizzari et Rocchino Contangelo, spécialistes du développement durable à l'Asset Management de la Zürcher Kantonalbank répondent aux questions les plus importantes sur le thème de l'Investment Stewardship.

L'Investment Stewardship fait partie intégrante de la stratégie de durabilité de l'Asset Management de la Zürcher Kantonalbank. Il comprend le dialogue avec les entreprises (engagement) et l'usage des droits de vote (vote). L'engagement et le vote s'appliquent aux fonds de placement Swisscanto aussi bien actifs que passifs. L'Asset Management de la Zürcher Kantonalbank a récemment publié à ce sujet l'«Active Ownership Report», qui fournit des informations complètes sur les activités.

Le pouvoir que chaque investisseur détient par son vote devient plus efficace s'il peut combiner plusieurs droits de vote pour atteindre des objectifs durables. C'est pourquoi l'Asset Management de la Zürcher Kantonalbank participe à des initiatives d'engagement mondiales telles que la Climate Action 100+, la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) ou encore la Climate Bond Initiative. Récemment, il a également rejoint l'initiative climatique du Forum pour l'Investissement Responsable (FIR). Cette initiative et l'Association des investisseurs basée en France aident les investisseurs à inciter les entreprises françaises cotées en bourse à accroître leurs efforts en matière de protection du climat et de transparence.

Fabio Pellizzari, comment l'engagement de l'Asset Management de la Zürcher Kantonalbank influe-t-il sur le programme de durabilité des entreprises?

Fabio Pellizzari (FP): Nous entretenons un dialogue direct avec 100 à 200 entreprises suisses. Une réunion initiale a lieu, puis différentes réunions de suivi, au cours desquelles les objectifs sont définis et mis en œuvre. Lors des entretiens avec la direction et le conseil d'administration, nous abordons les éventuelles infractions au Pacte mondial des Nations unies, définissons les objectifs de réduction du CO2 ou abordons les thèmes de la bonne gestion d'entreprise. En cas d'échec à moyen ou long terme d'un dialogue, nous envisageons, par exemple, la non-réélection d'administrateurs par l'exercice des droits de vote, le rejet des demandes de rémunération ou la non-délivrance de la décharge. De plus, nous pouvons bloquer l'apport de capital supplémentaire à la société ou sous-pondérer sa part d'actions dans le portefeuille, et en dernier recours, vendre ces dernières. Enfin, nous avons défini pour nos fonds de placement durables une trajectoire de réduction des émissions de CO 2 à laquelle nous sommes tenus.

Comment communiquez-vous avec les entreprises étrangères?

FP: Nous déléguons en partie des activités d'engagement et de vote à des partenaires renommés tels que Sustainalytics. Pour notre compte, Sustainalytics entretient un dialogue avec la direction de plus de 300 entreprises actives à l'échelle mondiale. Lorsque cela est nécessaire ou judicieux, l'Asset Management de la Zürcher Kantonalbank soutient des initiatives d'investisseurs sur des thèmes ESG dans le cadre de ses affiliations et participe ainsi à des engagements collaboratifs.

Rocchino Contangelo, votre équipe mène elle-même des entretiens d'engagement avec des émetteurs suisses. Pouvez-vous citer quelques-unes de vos réalisations concrètes?

Rocchino Contangelo (RC): Depuis plusieurs années, nous sommes en contact avec la direction de Holcim. Le groupe cimentier est considéré comme le plus gros émetteur de CO 2 du pays. Grâce à l'engagement de notre équipe et d'autres investisseurs, Holcim s'est engagée dans une stratégie ambitieuse de décarbonation, avec l'initiative Science Based Targets (SBTi) et pour la neutralité en CO2.

Nous avons été en contact avec Gurit, un fournisseur de l'industrie éolienne, pour son rapport sur la durabilité. Nous avons pu convaincre l'entreprise de l'utilité d'un reporting de durabilité complet, d'autant plus que les produits de Gurit sont hautement durables. Grâce à cette publication sur les aspects ESG, Gurit a amélioré sa notation ESG auprès d'un fournisseur de notation ESG respecté. Cela lui a permis de gagner en attractivité pour les investisseurs.

Depuis 2019, nous menons régulièrement des entretiens d'engagement avec Volkswagen. Les premiers entretiens ont mis l'accent sur la sensibilisation aux véhicules électriques et aux stratégies de décarbonation dans le secteur de la mobilité. Grâce à notre engagement également, le constructeur automobile a défini des objectifs ambitieux de réduction des émissions. En septembre 2020, VW a reçu de la SBTi la confirmation que les objectifs climatiques du groupe remplissaient les conditions pour limiter le réchauffement climatique à «nettement moins de 2 degrés Celsius».

D'autres cas d'utilisation concrets figurent dans notre Active Ownership Report.

Quelle est la clé d'un entretien réussi?

RC: Nos capacités d'analyse en gestion d'actifs nous aident à mieux comprendre les modèles d'affaires et les secteurs. Dans ce contexte, nous publions en permanence des évaluations thématiques, par exemple sur la tarification du dioxyde de carbone, l'électromobilité ou les technologies propres. Nous analysons les entreprises et les Etats sur un total de 46 critères ESG, et les comparons à une référence sectorielle. L'évaluation ESG est globale. Si une entreprise obtient des résultats inférieurs à la moyenne dans un domaine, par exemple en ce qui concerne le «G» (gouvernance), cela ne justifie pas encore en soi une liquidation ou une exclusion. Nous cherchons plutôt à démontrer et à exploiter les opportunités d'optimisation identifiées dans le cadre de nos activités d'engagement et de vote.

Supposons qu'une entreprise ait un très mauvais score ESG. Que se passe-t-il?  

RC: Si une entreprise affiche un score ESG total bien inférieur à la moyenne de son groupe de pairs, il est conseillé de liquider la position, ou nous nous abstenons d'investir selon les cas.

Mais je voudrais souligner que le fait de contourner le problème en vendant les titres n'est pas une solution très efficace.  Nous essayons plutôt de rester investis et d'amener les entreprises à adopter des pratiques plus durables par le biais de nos activités d'Investment Stewardship. Qui plus est, les entreprises doivent discuter de leurs rapports ESG avec les fournisseurs de données ESG de manière active et transparente. Néanmoins, les entreprises qui font du lobbying à l'encontre de la décarbonation disparaîtront progressivement du portefeuille.

Dans quelle mesure l'intégration des critères ESG dans le processus de placement profite-t-elle réellement aux investisseurs?

RC: L'Investment Stewardship contribue à la réduction des risques financiers potentiels pour nos investisseurs, par exemple les risques liés au changement climatique. Dans le même temps, nous augmentons ainsi potentiellement les chances que les entreprises créent ou développent des modèles d'affaires durables. Les investisseurs devraient également en bénéficier à moyen et long termes.

Fabio Pellizzari, pourquoi les fonds de votre gamme de produits «Responsible» sont-ils investis dans des titres sujets à controverse comme Holcim?

FP: Il n'est pas nécessaire de préciser dans quelle mesure le béton est vraiment controversé. Les bâtiments dans lesquels nous habitons et travaillons sont en grande partie composés de ciment, d'acier et de verre, des matériaux de construction à forte teneur en CO2. On peut difficilement vivre sans toit au-dessus de la tête. Il en va de même pour un portefeuille. Pour un développement économique durable, il faut une phase de transition avec le changement de technologie correspondant. Le béton recyclé, utilisé par exemple dans le stade Letzigrund, est une solution. La gamme de produits «Responsible» met justement l'accent sur la transition vers une économie durable. Il serait contre-productif d'exclure par principe l'entreprise de la gamme de produits «Responsible».

Pourquoi? Les entreprises qui n'obtiennent pas ou pas assez de capitaux seront contraintes de s'orienter vers le développement durable, n'est-ce pas?

FP: Théoriquement, cela peut être le cas, mais dans la pratique, ces entreprises se procurent du capital auprès d'investisseurs pour lesquels le développement durable joue un rôle secondaire. C'est pourquoi il est plus pragmatique et donc plus efficace d'avoir un dialogue continu sur les objectifs de développement durable et d'utiliser pour cela notre pouvoir de vote. En 2022, nous avons voté contre les recommandations de la direction sur environ 15 % des points à l'ordre du jour. Notre comportement de vote est accessible au public. En fin de compte, il s'agit de démontrer les avantages d'une gestion durable pour les investisseurs, les entreprises et la société dans son ensemble.

Toutefois, de nombreux clients retail sont agacés, par exemple, de voir figurer des fabricants de ciment ou des groupes pétroliers dans un portefeuille «Responsible».  

FP: Transformer des modèles d'affaires conventionnels existants en modèles d'affaires durables est techniquement complexe et donc coûteux et chronophage. Le développement de produits et de services faibles ou neutres en CO2 nécessite des activités de recherche et développement, qui doivent être financées. L'ajustement de ces modèles commerciaux durables demande également du temps et de l'argent. Le financement doit provenir en partie de la vente de produits et services conventionnels. Ce dernier point est de toute façon incontournable. En effet, le remplacement de produits tels que les matériaux de construction conventionnels par des solutions alternatives neutres en CO2 a) dans les quantités nécessaires et b) à des coûts économiquement raisonnables ne peut se faire du jour au lendemain. Peu de gens comprennent l'ampleur et la complexité de cette transition. Il est toutefois important que les grands groupes accomplissent cette transition.

 

Vous trouverez de plus amples informations sur les fonds de placement Swisscanto durables sur:
Fonds deplacement durables pour investisseurs institutionnels en Suisse (zkb.ch)