Investir dans l’IA: les risques ESG à identifier

Crystal Geng, BNP Paribas Asset Management

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L’IA suscite un grand intérêt, mais engendre aussi bon nombre d’inquiétudes quant à son impact sur l’ESG.

Les débats autour des avantages de la technologie basée sur l’intelligence artificielle (IA) sont accompagnés d’interrogations sur les effets qu’elle pourrait avoir sur l’environnement, le tissu social et la gouvernance d’entreprise (ESG).

L’IA pourrait avoir des répercussions de grande portée – du monde de l’emploi à la création de contenu, de la sécurité des données à la consommation d’énergie, en passant par la diversité et les approches inclusives. Hormis les aspects concernant le changement climatique, les questions d’équité sociale, la biodiversité et d’autres thèmes plutôt «classiques» des aspects ESG, l’arrivée en force de l’IA générative dans les chatbots tels que ChatGPT a suscité des réserves dans bon nombre de domaines. Elles portent par exemple sur la robotisation à grande échelle des lieux de travail, l’éviction progressive de la main-d’œuvre et le potentiel d’exploitation de l’IA à des fins subversives ou abusives.

Cela devrait inciter les gestionnaires d’actifs à revoir leur système interne d’évaluation des critères ESG afin d’y incorporer les opportunités et les risques potentiels liés à l’intelligence artificielle. Ils pourront ainsi s’assurer que les risques de cette technologie ne puissent pas saper les démarches de placement crédibles, axées sur la durabilité, tout en tirant parti des chances qu’elle offre.

Évaluer les chances et les risques découlant de l’IA

Sur le plan social, l’IA peut comporter plusieurs dangers en matière de considérations ESG. La protection des données, les partis pris envers l’IA et les questions de sécurité font depuis longtemps l’objet de débats au sein des autorités de régulation, dans le monde scientifique et parmi les acteurs de l’industrie. Des gouvernements et le monde de la finance ont déjà reçu les premières directives telles que les Principes sur l'IA de l'OCDE. Peu d’entre elles portent toutefois sur l’équité sociale et les risques à long terme pour le monde du travail.

Les estimations de McKinsey laissent supposer que les gains de productivité réalisés grâce à l’IA (un évènement fort probable si cette technologie est employée à grande échelle) pourraient représenter 6’000 à 7’900 milliards de dollars par année. Cela pourrait modifier fondamentalement la structure du travail tel que nous le connaissons actuellement et entraîner des délocalisations des postes de travail.

Alors que l’intelligence artificielle pourrait signifier que les entreprises profiteront d’une efficacité et d’une rentabilité accrues, elle pourrait également les amener à réorienter leur personnel afin qu’il soit en mesure d’employer l’IA, tout en lui garantissant une transition équitable dans le processus d’adoption de cette nouvelle technologie. Avant que ne soient édictées des lignes de conduite claires en matière d’intelligence artificielle, les entreprises seront invitées à effectuer une évaluation des risques susceptibles d’affecter le capital humain, y compris les coûts potentiels pour les mesures de réorientation professionnelle ou les dédommagements pour les licenciements inévitables.

Les salariés des secteurs tels que la fourniture de services spécialisés et les services juridiques, le fisc et la compatibilité, le commerce et le courtage de titres boursiers, devraient être parmi les plus touchés par l’impact de l’IA. Cela sera sans doute aussi le cas des prestataires de services de soutien aux entreprises, par exemple les agences de voyage.

Un défi supplémentaire à relever pour les investisseurs consistera à déterminer le degré d’engagement d’une entreprise dans la production d’images et de textes générés, voire faussés, par l’IA, ainsi que leurs conséquences financières potentielles - notamment dans le contexte d’une réglementation encore peu développée.

Sur le plan environnemental, l’IA comporte plusieurs risques. Selon un rapport publié dans la ‘Harvard Business Review’, 2 à 3% des émissions globales de gaz à effet de serre sont actuellement imputables à l’exploitation des centres de calcul. Or, on s’attend à ce que le volume mondial des données informatiques traitées double environ tous les deux ans.

Le stockage des données et le perfectionnement des modèles et algorithmes d’IA, effectués dans le cadre de milliers d’heures d’entraînement, est extrêmement énergivore. La concurrence croissante que se livrent les pays et les acteurs du marché autour de l’intelligence artificielle entraînera probablement une augmentation massive des émissions de gaz à effet de serre.

Les investisseurs sont appelés à évaluer les effets produits par l’usage de l’IA en termes d’empreinte carbone, ainsi que les possibilités dont disposent les acteurs du secteur pour réduire leurs émissions. On songe notamment à l’introduction de techniques plus efficaces de modélisation et d’entraînement, ou au recyclage thermique des centres de calcul.

Alors que l’impact financier du risque climatique émanant de la transformation technologique apparaît de plus en plus clairement, l’approche ESG des risques liés à l’IA représente encore un terrain inconnu pour bon nombre d’investisseurs.

Intégrer les risques liés à l’IA à un cadre ESG

Chez BNP Paribas Asset Management, nous mettons régulièrement à jour notre cadre d’évaluation ESG afin de prendre en compte l’évolution globale du contexte ESG. Notre modèle prend déjà en considération les risques liés à l’IA, par exemple en matière de protection de la sphère privée, pour les secteurs les plus exposés. Il s’agit par exemple des services informatiques et de certains établissements financiers.

Les possibles applications de l’IA exigent toutefois que celle-ci fasse l’objet d’une analyse d’intégration dans bon nombre d’autres secteurs. Pour les domaines de l’approvisionnement énergétique, de la santé publique, des services professionnels, des médias et de la publicité, de l’agriculture et de la protection de l’environnement, il est pertinent de se demander comment l’intelligence artificielle pourrait être intégrée à leur cadre ESG – aussi bien quant aux risques qu’elle comporte que pour les avantages qu’elle procure.

C’est précisément ce que nous nous efforçons de faire chez BNP Paribas Asset Management. En parallèle, nous analysons avec détail la réglementation proposée en matière d’IA et la recherche conduite dans ce secteur. Par ailleurs, nous réfléchissons aux possibilités de collaborer avec les entreprises dans lesquelles nous investissons, afin d’aborder ensemble les questions concernant les risques liés à l’IA.