Interview de Pascal Riégis: 18 ans de gestion avec la même équipe

ODDO BHF Asset Management

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Quels sont les ajustements qui ont été nécessaires en 2020, et quelle place pour l’investissement durable?

1) Pouvez-vous présenter le fonds ODDO BHF Avenir Europe et nous expliquer votre philosophie?

ODDO BHF Avenir Europe est un fonds d’actions européennes investi dans les valeurs de moyennes capitalisations. Je le gère avec la même équipe et avec le même processus d’investissement depuis 2003. Le fonds affiche 2,7 milliards d’euros d’encours et il y a environ 6,2 milliards d’euros dans les différents fonds ouverts ou par délégation que nous gérons sur cette classe d’actifs (au 30/09/2020).

Notre philosophie d’investissement est de trouver au sein de cet univers de sociétés de taille moyenne celles qui deviendront les multinationales de demain.

2) Qu’est-ce qui vous rend unique?

En premier lieu le fait que nous entrons mon équipe et moi-même dans notre 18ème année à la tête de la gamme Avenir. Et après 18 ans, nous sommes toujours aussi motivés par la perspective de dénicher les champions de demain!

Concernant notre manière de gérer la stratégie, nous sommes de purs «stock pickers». Ce qui nous rend unique, ici, est l’équilibre de notre approche, quel que soit le contexte de marché. Cela signifie que nous n’avons pas de biais de style et nous ne faisons aucun pari macro-économique. Certes, les fonds de moyennes capitalisations européennes ont souvent un fort biais «croissance». Cette approche a très bien marché depuis 2014 grâce à la chute des taux d’intérêt, dont nous avons également profité. Mais nous préférons ignorer ce que nous ne maitrisons pas (à quel niveau seront les taux d’intérêt dans un an? quel style de gestion adopter dans cet environnement?) pour nous focaliser sur ce que nous maitrisons vraiment, notre expertise fondamentale: la recherche de créateurs de valeur sur l'ensemble du cycle. Ainsi, nous essayons de choisir celles que nous jugeons comme les meilleures sociétés parmi les cycliques et les non cycliques.

Cette philosophie de gestion nous accompagne depuis la formation de l’équipe et nous sommes persuadés que cette approche est particulièrement pertinente pour les investisseurs de long-terme, qui ne veulent pas arbitrer leurs positions en fonction des évolutions à court terme du marché. Nos clients nous font confiance pour notre régularité et notre capacité à construire une performance tout au long des cycles économiques. Le fonds présente néanmoins un risque de perte en capital.

3) L’investissement responsable prend de plus en plus de place dans les critères de sélection des clients, pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche?

Notre stratégie intègre des exclusions sectorielles dans son processus d'investissement depuis 2003. Nous n’avons jamais investi sur le tabac, l’alcool, les jeux d'argent, l’industrie du charbon et le nucléaire et nous avons toujours évité les entreprises controversées ou les entreprises dont les priorités des dirigeants ou actionnaires n’étaient pas compatibles avec nos convictions. Nous avons formalisé cette approche en intégrant des critères ESG concrets en 2019. Outre les secteurs d’exclusion communément admis et ceux qui nous sont propres, nous excluons de notre univers d’investissement les sociétés les moins bien notées en termes ESG, qui représentent au moins 20% de notre univers d’investissement en Europe. En outre, parmi celles qui sont éligibles, nous nous interdisons d’avoir plus de 10% du portefeuille dans les actions ayant la notation la plus faible en termes ESG (notation 1, sur un barème de 1 à 5). Actuellement, nous n’en possédons aucune. Dans le cas où nous sommes investis dans de telles entreprises, nous engageons systématiquement un dialogue et, si aucun progrès n'est réalisé après 18 mois, nous vendons la position. Nous fûmes parmi les premiers fonds à recevoir le label ISR en France en 2019.

L’intégration de critères ESG stricts dans un processus d’investissement est un vrai challenge. Les questions ESG ne sont pas manichéennes, il existe de nombreuses zones d'ombre où les investisseurs doivent exercer un jugement indépendant. Nous avons la chance d'être aidés par une équipe ESG dédiée, dirigée par Nicolas Jacob, responsable de la recherche ESG chez ODDO BHF AM. Nous développons nos propres scores ESG grâce à notre modèle propriétaire, ce qui nous permet d'avoir une vision précise et indépendante de notre univers.

4) Comment êtes-vous positionnés aujourd’hui?
Données au 30/09/2020

Nous avons un portefeuille de sociétés résilientes qui devraient participer à la future reprise de manière dynamique selon nos analyses. Ce sont toutes des entreprises leaders dans leur domaine, ayant une activité internationale et disposant de forts avantages concurrentiels. Concrètement, elles ont toutes des Free Cash Flows positifs, sont capables d’autofinancer leur croissance et de rester rentables même en période de récession. L’année 2020 constitue un test grandeur nature.

En termes de secteurs, nos principales surpondérations portent sur la Santé (34,3% du fonds, +24,2% par rapport à l’indice de référence), la Technologie (21,5% du fonds, +14% par rapport à l’indice) et l’Industrie (25,9% du fonds, +1,4% par rapport à l’indice). Nous sommes sous-pondérés en particulier sur les Financières (0,8%, -19,4% par rapport à l’indice), les Services aux consommateurs (3,1%, -8,9% par rapport à l’indice) et les Matériaux de base (0%, -7,4% par rapport à l’indicateur de référence). Ces pondérations sont relativement stables au fil des ans. Il y a une sous-pondération structurelle de métiers peu créateurs de valeur et/ou purement domestiques au profit d’une surpondération structurelle d’autres secteurs présentant davantage d’opportunités d’investissement selon nous.

En termes d’exposition pays, notre surpondération la plus importante est la France, avec une pondération de 34,6% dans le fonds (+21,6% par rapport à l’indicateur de référence). C'est une pure conséquence de la sélection de valeurs. Il n'y a pas de vue macro-économique derrière ce positionnement, qui résulte exclusivement de notre processus d'investissement, qui se concentre sur les entreprises créatrices de valeur à dimension internationale. Or, la France recèle d’un bon nombre de sociétés de taille moyenne disposant d'avantages concurrentiels (technologie, IP, réseau de distribution, etc.) et performantes au niveau international. Nous sommes également aidés par une bonne connaissance de ces sociétés car nous les suivons depuis des années et nous rencontrons régulièrement leurs dirigeants. Par exemple, nous sommes investis dans Michelin (5,5% du portefeuille à la fin septembre), Alstom (5,51%), Ingenico (4,7%) ou encore Ipsen (3,6%).

En termes d’indicateurs financiers, le portefeuille de ODDO BHF Avenir Europe a un niveau d’endettement moins élevé que le marché, des retours sur capitaux propres plus élevés (ROE de 16,3% pour ODDO BHF Avenir Europe contre 13,3% pour le MSCI Smid Cap Europe, indicateur de référence du fonds), et un P/E (ratio cours sur bénéfices) légèrement supérieur au marché (22 pour le fonds contre 19,7 pour l’indicateur de référence).

5) Pouvez-vous rentrez plus en détail dans vos convictions? Des ajustements récents par rapport à la crise du COVID?

Parmi nos convictions actuelles, je pense par exemple à bioMérieux, une position de long terme du fonds, un des leaders mondiaux des tests pour le diagnostic des maladies infectieuses (infections bactériennes ou virales détectées à partir de prélèvements sur les patients et tests industriels pour les produits alimentaires et pharmaceutiques). L’entreprise a été l’une des premières sociétés à développer un test biomoléculaire fiable et en quantité industrielle pour le COVID-19 (dès avril). C’est le second plus gros contributeur du fonds depuis le début de l’année (performance de +68,9% au sein du portefeuille, contribution de +227 pb à la performance absolue). Cette valeur représente 4,5% de notre portefeuille à fin septembre.

Du côté du secteur technologique, nous sommes actionnaires de TeamViewer, l’une des rares entreprises qui fut investie par le fonds à son IPO en octobre 2019. C’est le leader mondial dans la prise de contrôle à distance des ordinateurs et autres objets connectés. Elle bénéficie à plein du développement du télétravail et des prises de commandes à distance. La concurrence est rude mais le logiciel développé par cette entreprise est le plus simple d’utilisation (pas besoin de déconnecter l’utilisateur et compatibilité avec tout type d’appareil). Outre les applications dans l’univers bureautique, l’entreprise se développe dans l’IoT («Internet of Things») pour des opérations industrielles. TeamViewer représente 2,5% du portefeuille à fin septembre.

6) Que répondre à des investisseurs inquiets face à la situation actuelle?

En tant qu’investisseurs en actions, il importe d’accepter la volatilité à court terme du marché et de garder une perspective de long terme. Mars et avril de cette année furent pour nous l’occasion de nous renforcer sur des entreprises de très bonne qualité à des niveaux de valorisation extrêmement attractifs. Je pense par exemple à Worldline (géant français des services de paiement) et Eurofins Scientific (laboratoires d’analyse).

Dans un monde où les incertitudes prévalent, seuls les champions conservent une longueur d’avance. Les sociétés de moyennes capitalisations peuvent encore croître de manière significative, même dans une économie mondiale en ralentissement, car elles sont suffisamment agiles pour bénéficier de niches en expansion, de nouvelles tendances et de nouveaux secteurs géographiques dynamiques. Le fait de construire un portefeuille articulé autour des meilleures d'entre elles devrait, selon nous, permettre de continuer à porter ses fruits sur la durée d’investissement recommandée, tant en termes absolus que relatifs.

 

ODDO BHF Avenir Europe présente notamment un risque de perte en capital et un risque actions.
Les performances passées ne présagent pas des performances futures et ne sont pas constantes dans le temps.
Les valeurs citées ne sont pas des recommandations d’investissement.