Inflation: pas de quoi paniquer

Nicola Grass, Swisscanto Invest

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Quels sont les différents scénarios possibles à envisager et les perspectives de marché dans un futur proche?

Les derniers chiffres sur l’inflation américaine sont nettement supérieurs aux attentes. Si certaines évolutions entraîne en effet les prix à la hausse, nous continuons de penser que la courbe d’inflation ne sera pas forcément aussi raide qu’on ne le prédit, du moins dans les trois ans à venir.

La normalisation, autrement dit, la hausse des prévisions d’inflation n’est guère surprenante et faisait déjà partie de notre scénario de base l’été dernier. Depuis lors, les récents chiffres sur les Etats-Unis publiés en avril ont cependant nettement dépassé les prévisions (4,2% en glissement annuel contre 3,6% attendus). Le taux de base est désormais à 3%, soit au même niveau qu’en 1995. Il faut noter toutefois que la réaction des marchés financiers est restée relativement modérée en dépit d’un énorme écho médiatique (voir graphique 1). Cela montre qu’une partie de l’inflation est déjà intégrée dans les prix. De plus, cette augmentation du taux de base ne fait que renouer avec la tendance qui prévalait avant la pandémie. Il n’y a donc pas de quoi paniquer.

L’inflation fait la une des journaux

La hausse des prix: une tendance provisoire ou durable?

Actuellement, la grande question est de savoir si les chiffres plus élevés de l’inflation aux Etats-Unis sont effectivement provisoires, comme le répète à l’envi la Fed, et ne sont que le simple rattrapage de la baisse à 0,1% liée à la pandémie de coronavirus en mai 2020. Pour y répondre, nous avons pris en compte les facteurs suivants:

  • Problèmes d'approvisionnement: les prix du fret ont littéralement explosé et ceux des véhicules d’occasion ont sensiblement augmenté en avril (+10%) en raison de la pénurie de semiconducteurs et du recul de la production automobile qui en découle. Cette situation est temporaire et se normalisera au cours de l’année. Le retour à la normale est cependant plus difficile que prévu.
  • Salaires: fait étonnant, les entreprises du segment des bas salaires (McDonalds, FedEx, Dominos) ont actuellement des difficultés à pourvoir les postes vacants, en dépit d’un taux de chômage toujours élevé, et sont contraintes de payer des salaires plus élevés. Cela s’explique principalement par les indemnités élevées accordées par le gouvernement (aides de 300 dollars versées par semaine en complément de l’allocation chômage). Ces subsides seront supprimées en septembre prochain.
  • Matières premières: la hausse des prix de nombreuses matières premières se poursuivra à moyen terme compte tenu de la tendance à la transition vers les énergies renouvelables. A court terme, les cours ont déjà atteint un niveau très élevé (+50% pour l’indice des matières premières de Bloomberg depuis mai 2020, prix au comptant proches des sommets historiques), si bien que nous ne prévoyons aucune nouvelle pression sur l’inflation. On observe ainsi de premiers signes de détente, par exemple sur le prix du bois, déjà corrigé de 20%.
  • Conjoncture: la forte reprise conjoncturelle aux Etats-Unis a suscité des craintes de surchauffe. Le pic semble cependant être atteint. Les indicateurs avancés tels que l’indice des directeurs d’achat aux Etats-Unis ou l’impulsion du crédit en Chine affichent d’ores et déjà un revirement de tendance. Par le passé, l’impulsion du crédit s’est révélé être un indicateur fiable des prix à la consommation aux Etats-Unis (voir graphique 2), fortement influencés par les prix de production en Chine.
Le pic de la conjoncture américaine semble dépassé

Une courbe plus raide que prévue pour le point mort d’inflation (break-even)

Nous partons toujours du principe que les mois à venir constitueront le point culminant de l’inflation américaine et que les chiffres diminueront progressivement pour s’établir à un niveau inférieur à 3% en 2022. En outre, dans le reste du monde, la pression inflationniste n’est guère perceptible (zone euro: 1,6%, Chine: 0,9%). Elle augmentera cependant avec un léger décalage.

Compte tenu des fortes prévisions d’inflation aux Etats-Unis (avec des taux de renchérissement supérieurs à 2,5% sur tous les horizons, de 2 à 20 ans), les obligations américaines protégées contre l’inflation sont désormais trop chères, en particulier à courte échéance. Nous avons donc en partie renforcé nos positions sur les obligations nominales. A moyen terme, nous sommes moins sereins quant à la pression sur les prix, car après plusieurs décennies, des facteurs structurels tels que la mondialisation et les évolutions démographiques ont à nouveau un effet inflationniste. La courbe du point mort d’inflation devrait donc se raidir.