De plus en plus, les données en matière de durabilité sont une source d’informations essentielle pour les investisseurs. Se concentrer sur les enjeux pertinents en matière de durabilité permet d’obtenir une meilleure compréhension des opérations des entreprises dans lesquelles nous investissons et de prendre de meilleures décisions de placement.

Les investisseurs en actions s’appuient sur une multitude de sources pour éclairer leurs décisions de placement. Les informations issues des états financiers vérifiés des entreprises restent toujours la clé de voûte de toute analyse financière. Cependant, les états financiers présentent deux lacunes majeures qui font obstacle à la bonne compréhension d’une entreprise. Premièrement, les données sont hautement standardisées pour faciliter la comparaison entre les entreprises. Cette comparabilité est très importante car elle confère un point de référence en termes de compréhension. Toutefois, elle limite la capacité des entreprises à présenter les spécificités de leur modèle économique. Deuxièmement, les données des états financiers sont un assemblage de nombreux effets dans le processus de création de valeur d’une entreprise. Par exemple, la variation de la marge brute peut découler de meilleurs prix de vente, d’une meilleure composition des ventes, d’une baisse des coûts des intrants ou de gains d’efficacité de la fabrication.

Pour démêler ces effets et obtenir des informations plus précises, les analystes financiers s’appuient sur d’autres sources telles que les présentations aux investisseurs, leur dialogue avec les équipes dirigeantes, la concurrence, les clients ou des experts. Les autres sources permettant d’obtenir une image plus précise peuvent inclure des fournisseurs de données sectorielles et, de plus en plus, des informations en matière de durabilité. Comme mon collègue Michael Romer le montre dans son article, les données ESG totalisées améliorent déjà notre capacité à prévoir la performance opérationnelle et le risque des entreprises. En outre, des informations détaillées en matière de durabilité couvrant des enjeux particuliers peuvent apporter un éclairage sur les causes spécifiques des écarts de performance et permettre de suivre l’évolution de ces causes.

Un exemple de la meilleure capacité à comprendre la performance opérationnelle des entreprises est la relation entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’efficacité opérationnelle, en particulier dans le cas des entreprises manufacturières. Si les émissions de GES sont normalisées par le chiffre d’affaires de l’entreprise, une plus grande intensité carbone est synonyme de coûts plus élevés. L’intuition est qu’un niveau plus élevé d’émissions de catégorie 1 (ressources utilisées durant le processus de production) et de catégorie 2 (l’électricité utilisée) se traduit par des coûts plus élevés de matières premières et d’électricité et, partant, une moindre efficacité de la fabrication. L’intensité carbone donne une indication directe de l’efficacité de la fabrication d’une entreprise. Cet effet se vérifie pour un vaste éventail d’entreprises manufacturières.

Dans le cas des entreprises dont les collaborateurs génèrent la majeure partie de la valeur créée, nous pouvons examiner leur capacité à attirer et conserver le personnel clé, mesurer leur propension à faire grève ou à quitter l'entreprise et estimer dans quelle mesure le développement du capital humain permet d'obtenir une plus grande efficacité de la main d’œuvre. Dans un contexte de tension sur le marché de l’emploi, gagner la «guerre des talents» n’a jamais été aussi important. Pour une entreprise comme Google qui se targue d’être à la pointe du secteur en termes de développement des ressources humaines et de motivation de ses équipes, une diminution de l’efficacité dans le développement du capital humain constitue une évolution inquiétante. Le graphique ci-dessous montre que cet atout concurrentiel relatif dont jouit Google s’est réduit ces dernières années, ce qui est susceptible d’avoir une incidence négative sur l’entreprise.

En intégrant la durabilité dans notre analyse des entreprises, nous sélectionnons les enjeux et les défis les plus pertinents à cet égard pour chaque entreprise: approvisionnement en matières premières durables dans le cas de Colgate-Palmolive et Barry Callebaut, problèmes de production dans la chaîne d’approvisionnement chez Logitech et Asos, et gestion du personnel chez Deere et Amazon. Parmi les nombreuses sources d’information à la disposition des investisseurs, celles relatives à la durabilité revêtent une importance croissante et leur analyse apporte un éclairage direct sur la performance opérationnelle des entreprises concernées. Alors qu’elles se généralisent, les informations en matière de durabilité complètent l’analyse financière et permettent de prendre de meilleures décisions d’investissement.