Greenium: les nouveaux catalyseurs en 2022

Mirova

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Dans la continuité d’une précédente étude publiée en 2021, Mirova se penche sur ce qui lui semble être les nouveaux catalyseurs du Greenium en 2022.

Le Greenium – c’est-à-dire le rendement concédé par les investisseurs aux entreprises émettrices d’une obligation verte par rapport à celui qu’ils auraient exigé de ces mêmes entreprises pour une obligation conventionnelle de même maturité et de même coupon – a longtemps été perçu comme versatile, évoluant au gré des saisons dans un sens ou dans l’autre, pour finalement devenir une problématique incontournable de 2020. Depuis 2021, le Greenium tend à se réduire mais reste sensible au contexte d’aversion au risque croissante et de forte volatilité.

Au travers d’une étude récente, Mirova se penche sur ce qui lui semble être les nouveaux catalyseurs du Greenium en 2022: les taux positifs, la consécration qu’est la taxonomie européenne, l’émergence des Sustainability Linked Bonds1 et la «concurrence» qu’ils représenteraient pour les obligations vertes, et enfin le changement de notation moyenne des indices ou de l’univers.

GREENIUM: LA METHODOLOGIE DE MIROVA

Cette étude s’inscrit dans la continuité d’une précédente, publiée en 2021 et consultable sur le lien suivant Greenium Un allié, source d'opportunités. La méthodologie de calcul y est détaillée. Le Greenium est pour rappel exprimé en pb d’écart de rendement ou spreads de crédit dans l’univers libellé en euro (soit 460 Greenium calculés). Il s’agit du nombre de pb de rendement concédé du point de vue de l’investisseur, soit un Greenium de 3 pb2.

Greenium par secteur: une disparité liée au nombre d’obligations vertes et d’émetteurs

Appliquée à l’échelle du secteur d’émission, la relation offre/demande confirme nos attentes: le Greenium est moindre sur des secteurs au sein desquels les obligations conventionnelles sont amenées à devenir minoritaires, au profit des obligations vertes à savoir les services aux collectivités ou encore les financières. Le secteur des services aux collectivités étant au coeur de la transition énergétique et environnementale, il émet structurellement beaucoup d’obligations vertes. Les financières quant à elles ont d’importants besoins de financements et quantités d’actifs verts, le plus souvent immobiliers, à financer.

Un marché plus profond en 2021: cette tendance perdurera-t-elle en 2022?

Chaque année bat des records. Depuis 2012, la taille du marché se multiplie de 1,6 fois par an en moyenne. 2021 a vu les tendances constatées en 2020 se confirmer, et de nouveaux formats émerger. L’encours des émissions durables (qui combinent à la fois projets sociaux et verts) et sociales représentent chacune plus de 350 milliards de dollars sur le marché. De nouveaux secteurs se développent, à l’instar des cycliques. Les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs émettent régulièrement pour financer la fabrication de véhicules plus propres. Le secteur de la chimie a fait quelques incursions sur le marché des obligations vertes également. La plus forte évolution par volume d’émission reste celle des Sustainability-Linked-Bonds. Nous y reviendrons par la suite.

2022: Plus d’émissions mieux notées: qualité et quantité au rendez-vous?

Pour l’année à venir, nous prévoyons un volume d’émission toujours en forte croissance (près de 1000 milliards de dollars). L’Union Européenne se situe en tête de file avec ses programmes conséquents d’émissions NextGenEU, qui représentent près de 700 milliards d'euros au global. En outre, en juillet 2021, la Commission Européenne a présenté la série de propositions «Fit for 553» , visant à tenir l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% au moins en 2030 par rapport à 1990. Ces propositions ont confirmé l’intention de placer l’Europe à l’avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique, à la fois en termes d’horizon temporel et d’implications sectorielles, les objectifs touchant l’ensemble des secteurs de l’économie et devant pour la plupart être atteints à horizon 2030. Depuis le début de l’année, la guerre en Ukraine a souligné plus que jamais la nécessité de l’indépendance énergétique de l’Europe: la Commission a ainsi dévoilé le 8 mars dernier l'ébauche de plan «REPowerEU» 7 visant à rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes «bien avant 2030». L’émission de dettes communes «REPowerEU»4 par l’Union Européenne sous format vert nous semble possible après d’âpres négociations entre états membres.

CERTAINES CLASSES D’ACTIFS VONT FAIRE LEUR GRAND RETOUR QUAND D’AUTRES VONT SE RENFORCER.

2022 sera également placée sous le signe du grand retour des senior preferred bancaires et des covered bonds green émis par les banques (ces instruments, considérés comme valeurs refuge financent des bâtiments verts). La fin supposée du TLTRO III (une opération monétaire de 1310 milliards d'euros de prêts consentis aux banques européennes par la BCE, à taux préférentiels, remboursables dès mi-2022) impliquera des émissions conséquentes. Ainsi, à mesure que les banques centrales deviennent moins accommodantes, les obligations sécurisées5 («covered bonds» dont plus de 50% sont notées AAA) et les dettes seniors bancaires6 (souvent notées au-dessus de A), qui domineront probablement les émissions des entreprises privées alors que de plus en plus de pays, inauguraux ou existants, placeront leurs dettes. Au niveau sectoriel, les énergéticiens et services d’utilités publiques seront, comme à l’accoutumée, de la partie. Le secteur automobile et ses fournisseurs ne devraient pas être en reste et émettre de manière soutenue.

Cette année marquera donc une évolution de l’indice qui s’articulera comme suit: une meilleure notation moyenne, avec plus de notations A et supérieures, vraisemblablement encore plus de financières donc un plus fort poids des actifs immobiliers dans les Use of Proceeds (ou utilisation des fonds7), possiblement plus d’obligations «taux» (souverains, supranationaux, agences auxquels nous ajoutons les covered bonds) par opposition aux obligations «crédit» (entreprises privées). Par conséquent, nous nous attendons à une convergence structurelle des indices Green Bond vers les indices «conventionnels» Global Aggregate.

Les Sustaibility Linked Bonds: ce «petit» détail vecteur de Greenium?

L’inconnue dans l’équation du Greenium reste la progression des Sustainability-Linked bonds qui ont submergé le marché primaire l’année dernière avec plus de 100 Md$ émis. Séduits par la flexibilité des SLBs dont les objectifs sont pour ainsi dire à la main de l’entreprise, certains se détourneraient des green bonds, sustainable ou social bonds. Après tout, n’importe quelle entreprise peut émettre un SLBs instantanément mais il n’en est pas de même pour un green bonds. Tout un chacun doit surveiller l’évolution de cette classe d’actifs, déterminante pour le Greenium. En effet, les secteurs émettant beaucoup de SLBs relativement aux green bonds creuseront le Greenium. Nous pensons ici aux industriels (exception faite de l’industrie automobile qui flèchera aisément ses CapEx «verts»), mais aussi la consommation, et aux secteurs pharmaceutique ou technologique, ou toute entreprise dont le levier opérationnel est faible, c’est à dire avec une dominante d’OpEx et de coûts variables. C’est également le cas sur le marché du haut rendement où finalement peu d’émetteurs (à part des entreprises de pays émergents) se sont essayés à émettre des obligations vertes, leurs préférant les SLBs.

Banques et SLBs: le mariage impossible?

A contrario, le secteur financier, notamment bancaire, risque de ne pas en émettre: la réglementation bancaire fait qu’il est déconseillé d’émettre des SLBs pour les banques ce qui les force de facto à jeter leur dévolu sur les obligations vertes en choisissant les formats (dans cet ordre): covered, senior, puis subordonnée s’il reste assez d’actifs fléchés à financer. Le fléchage des banques et donc des émissions ne sera qu’accru avec l’alignement sur la taxonomie européenne. Reste maintenant aux banques à défricher leurs bilans pour flécher leurs actifs verts.

Les primes SLBs: ou calculer l’incomparable?

Les SLBs sont moins uniformes et standardisés: infinités d’indicateurs clés de performance (Key Performance Indicators ou KPIs), ampleur de la pénalité qui diffère, pénalité qui est fonction de la difficulté d’atteindre les KPIs (plus cela est facile plus la pénalité est élevée, plus cela est difficile plus la pénalité est faible), horizons et temporalités de la pénalité et des KPIs, sans parler de la forme.

Le Greenium en 2022 devrait donc évoluer dans un nouvel univers de taux positifs, marqué par la consécration de la Taxonomie Européenne et par la convergence de la structure des indices Green Bonds vers des indices plus conventionnels Global Aggregate. En outre, l’émergence des Sustainability Linked Bonds pourrait constituer un frein au développement du marché des obligations, et ainsi à la diminution du Greenium sur certains secteurs.

 

1 Les SLBS, pour «sustainability-linked bonds», sont des obligations conventionnelles à ceci près qu’elles fixent un objectif «durable» à atteindre avant une échéance sous peine de payer plus d’intérêts, souvent mais pas toujours en lien avec les ODD, objectifs de développement durables de l’ONU. Leurs principes sont énoncés sous ce lien par l’ICMA (association de marchés de capitaux qui statuent sur des standards de marchés).
2 Source: Natixis
3 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_21_3541
4 https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_1511
5 Les obligations sécurisées sont des titres de créance émis par une banque ou une institution hypothécaire, garantis par un pool d’actifs tels que des prêts hypothécaires.
6 La dette senior se caractérise par une priorité de paiement et des garanties spécifiques par rapport à d'autres dettes dites “subordonnées“.
7 Les projets financés doivent être correctement décrits, et attester d’un bénéfice environnemental
 
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