Filtrer les PFAS peut s’avérer utile et profitable

Tim Bonds, Columbia Threadneedle Investments

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Pour les entreprises, les substances chimiques à base d’éthylène et de polyfluoroalkyle présentent à la fois des risques et des opportunités sur toute la chaîne de création de valeur.

Les substances chimiques à base d’éthylène et de polyfluoroalkyle (PFAS), ou «produits chimiques éternels» comme on les appelle aussi communément, font de plus en plus souvent la une des journaux. Comme les tests environnementaux permettant de détecter ces composés sont effectués de plus en plus fréquemment, on en décèle désormais presque partout: chez l’homme, dans la nature ainsi que dans les produits et les processus de fabrication. Leur large diffusion, leur résistance à la décomposition et leur mobilité dans l’environnement signifient que les PFAS peuvent désormais être trouvées chez la plupart des êtres humains et des animaux sauvages, dans le monde entier, constate l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).

Un nombre croissant de composés PFAS font actuellement l’objet d’études épidémiologiques et d’expériences sur les animaux. Celles-ci révèlent qu’il existe un lien avec des effets négatifs sur la santé, notamment des troubles du système hormonal, des lésions hépatiques, un taux de cholestérol élevé, un risque accru de certains cancers, des problèmes de thyroïde, un poids plus faible des bébés à la naissance et une moins bonne réponse immunitaire aux vaccins.

Les PFAS sont omniprésentes dans la nature, car elles sont employées dans un grand nombre de produits et de processus de fabrication largement répandus dans l’économie mondiale, notamment dans les semi-conducteurs, les capteurs solaires et les systèmes hydrauliques des avions, de même que dans les équipements médicaux, les emballages alimentaires et les textiles. A chaque étape de la fabrication des divers produits, de leur utilisation et de leur élimination, les PFAS sont libérées dans l’eau et les sols environnants, principalement par les sites industriels, les déchetteries et les stations d’épuration.

L’Europe projette de faire retirer tous les composés PFAS du marché

L’Union Européenne tente de bannir toute la classe des composés PFAS. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) est en discussion sur un calendrier proposé de deux ans, avec toutefois des exemptions allant jusqu’à 14 ans pour un petit groupe d’applications spécifiques comme les appareils médicaux ou la fabrication de semi-conducteurs, indique Reuters. La raison qui a conduit à cette proposition est l’inquiétude suscitée par la très grande longévité des composés PFAS. Comme le montrent les études scientifiques, nous n’en sommes encore qu’au stade de la recherche sur les effets néfastes que ces substances peuvent produire à long terme sur la santé. L’ECHA cherche également à empêcher les tentatives de substitution, qui consistent à remplacer des composés de PFAS connues pour leur nocivité par d’autres formes de PFAS - qui pourraient s’avérer tout aussi nocives en fin de compte.

L’ECHA estime par ailleurs que la filtration de l’eau est à la fois coûteuse et insuffisamment efficace. Par conséquent, la pollution doit être évitée autant que possible à la source. Mais cela n’est pas facile à réaliser non plus, car pour certaines applications, il n’existe pas d’alternatives appropriées, et compte tenu de l’utilisation généralisée des composés PFAS, il est difficile de faire progresser rapidement la recherche et le développement dans ce domaine.

Présence des PFAS en Europe


 

Le besoin d’agir exige des moyens colossaux

Malheureusement, l’élimination des PFAS n’est pas aisée et ne peut pas se faire à peu de frais. Pour l’eau potable, les technologies de filtration telles que le charbon actif en grains, les résines échangeuses d’ions, l’osmose inverse et la nanofiltration sont généralement efficaces, mais elles nécessitent toutes des dispositifs techniques coûteux, qui occupent par ailleurs un espace précieux et doivent aussi convenir à différents types de PFAS. En outre, il ne faut pas négliger le fait que dans tous les cas, ces interventions résultent en des déchets contaminés par les PFAS - soit des résines ou du charbon actif usagés, soit de l’eau résiduelle filtrée. Ces déchets doivent alors être éliminés de façon adéquate, ce qui entraîne des coûts supplémentaires.

Le développement de l’infrastructure nécessaire posera de gros problèmes à de nombreuses villes et communes, en particulier en matière de mise à niveau urgente de l’infrastructure hydraulique dans le contexte du changement climatique. Or, des entreprises telles que Jacobs, AECOM, Stantec et TetraTech pourraient en tirer profit, car les besoins en ingénierie, en conseil et en planification de la construction pour les infrastructures hydrauliques ne cessent de croître.

Il vaut la peine de s’intéresser de plus près aux entreprises de recyclage

Les investisseurs pourraient se pencher sur les technologies innovantes qui permettent d’éliminer les PFAS de manière plus économique et plus simple, c’est-à-dire en décomposant les PFAS sur place, dans les sites industriels, les déchetteries et les stations d’épuration des eaux usées, réduisant ainsi le besoin de filtration en aval ou d’élimination des déchets dangereux en dehors du site concerné. Les technologies telles que l’oxydation supercritique ou électrochimique sont en cours de développement, mais n’ont pas encore atteint le stade de l’exploitation commerciale. De plus, leur mise en œuvre se fait au prix d’une forte consommation d’énergie.

En attendant que les technologies évoluent, les entreprises de gestion des déchets et celles spécialisées dans le traitement des déchets dangereux devraient être les plus à même de répondre à la forte demande attendue dans le domaine de l’élimination des déchets de PFAS. L’injection dans des puits profonds, les décharges pour déchets spéciaux et éventuellement les dispositifs spéciaux d’incinération auront sans doute un rôle à y jouer.