Dissocier inflation et performance économique

Alexandre Nunes, Julius Baer

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Les valeurs pérennes dont l’investissement croit malgré les cycles économiques ne sont pas légion. Dissocier donc inflation et performance économique pour générer des profits.

Investir les marchés financiers est une question de tendance. Il s’agit de sélectionner les bonnes sociétés et diversifier son portefeuille afin de minimiser les risques de pertes en capital et maximiser sa performance. Cela semble évident à première vue, mais il n’en est rien. Les valeurs pérennes dont l’investissement croit malgré les cycles économiques ne sont en effet pas légion. Les distractions, elles, sont nombreuses; la faute d’abord aux bouleversements de nos économies. Les dynamiques profondes qui ont animé l’évolution de notre produit intérieur brut ont changé pour ne pas dire muté.  L’inflation, si chère à nos banquiers centraux, permettait autrefois d’évaluer la force de la progression économique d’un pays ou d’une zone géographique. Aujourd’hui, un tiers de la dette souveraine mondiale, près de 12'000 milliards d’actifs, présente un rendement inférieur à zéro. Difficile pour les investisseurs d’anticiper une inflation dans ces conditions.

Bouleversements technologiques

Les bouleversements sont également technologiques entrainant des gains en productivité ainsi qu’un déplacement de l’offre en matière de travail. Le secteur du «software» par opposition au «hardware» illustre très bien ces deux progressions. SAP conduit une stratégie de développement de ses programmes axés sur la facilité accrue de l’accès aux données, une capacité de stockage en croissance exponentielle (il suffit de penser à l’évolution de la capacité de nos clés de mémoire depuis dix ans) et la diminution de ces coûts de stockage de ces données. Promettre aux entreprises, toujours plus connectées, de mieux comprendre et mieux utiliser les dynamiques de leurs secteurs, de leur chaine de production ou de l’évolution de leur chiffre d’affaire mondial est une source solide de développement des affaires pour SAP et donc de performance. Ces bouleversements réorganisent des forces en action de destruction créatrice selon Schumpeter et ne sont donc pas le fait de cas isolés mais s’inscrivent dans un nouveau front de sociétés profitables à moyen et long terme qu’il faut identifier pour investir. Aux côtés de SAP s’établissent où se réinventent ainsi rapidement des entreprises à l’image de Amadeus IT Group, basé en Espagne. L’entreprise espagnole s’est spécialisée dans le domaine de la mobilité et du voyage connectant grâce à ses outils informatiques les différents acteurs du secteur. Sociétés de croisière, hôtels, entreprises aériennes ou agences de voyage, ils sont implantés dans près de 200 pays et utilisent les services d’Amadeus afin de développer des offres de réservations, des « package » et autres produits du voyage pour leur client. Balbutiante il y a quelques années encore, la société génère aujourd’hui plus de cinq milliard d’EUR de revenus pour 1 milliard de bénéfice net. Chaque année sans exception depuis 2009, la société a connu une progression de son chiffre d’affaire malgré les différentes crises européennes qui ont touché et touchent encore le continent. La mobilité s’est développée sur les générations passées et devrait voir encore plus de développement avec les nouvelles générations en quête d’expérience qui arrivent en âge de travailler et de générer leurs propres revenus. Ces évolutions démographiques participent également au développement de valeurs telles que Amadeus IT et modifient à long terme la structure de l’offre de travail offrant des métiers nouveaux en marge des postes perdus par la robotisation, l’automatisation et la digitalisation de nos économies au profit d’une meilleure productivité. Ces nouveaux secteurs offrent ainsi un choix suffisant à la diversification des actifs en portefeuille et permettent également d’élargir ses investissements à de nouvelles tendances.

Digitalisation de nos économies

Parmi ces tendances nouvelles, la digitalisation de nos économies tient une place particulière. Les banques de détails voient des transformations profondes s’opérer avec des impacts visibles sur tous les fronts de leur organisation. Le changement des habitudes de consommation traduit par la connectivité des consommateurs aux mobiles et aux plateformes en ligne offre de nouvelles sources de développement économique pour les entreprises. La digitalisation des paiements est alimentée par les nouvelles habitudes de consommation et représente l’une des tendances économiques la plus puissante. Plusieurs centaines de millions de nouveaux consommateurs alimenteront le marché du paiement digital. Peu d’activités offrent de telles perspectives de croissances dont l’industrie se caractérisent par des revenus récurrents, un levier opérationnel important et une génération de liquidités importante. Le secteur est toutefois complexe et requiert une lecture attentive des différentes opportunités d’investissement. Toutes les sociétés n’ont pas les mêmes marges et ne sont pas soumises à la même compétition, féroce. Ainsi Visa et Mastercard présentent un bilan extrêmement positif mais présentent des perspectives différentes. Visa continue d’augmenter ses parts de marchés, notamment en Europe, et vient de publier ses résultats pour le trimestre précédent. Une amélioration de sa profitabilité au-dessus des attentes du marché alimenté par l’évolution de son chiffre d’affaire illustre la qualité de son modèle. L’attractivité du titre se complète avec une valorisation 10% moins chères que son concurrent Master Card. Le management de Visa a ainsi pu augmenter ses prévisions de revenus pour l’année en cours et permet d’entrevoir 2020 avec une tendance probablement positive.

Les tendances permettent de dissocier un investissement spéculatif à court terme d’une gestion de son portefeuille personnalisée dont l’objectif est de réaliser des gains sur le long terme. Les échéances à court termes concernant la baisse des taux aux Etats-Unis ainsi que la saison des résultats amène de la volatilité sur les marchés. La volte face en 6 mois de la politique monétaire américaine résolument «hawkish» en décembre 2018 et «dovish» à la fin du premier semestre 2019 s’accompagne d’une saison des résultats dont les progressions sont moins spectaculaires qu’il y a douze mois. Nous évoluons dans un contexte de fin de cycle à l’instar des indicateurs de performance industrielle qui font frémir les économistes dont l’inversion de la courbe des taux a déjà bien entamé la confiance. Ces distractions alimentent la volatilité sur les marchés et non les dynamiques de fond qui contribuent à l’évolution positive d’une société. Ces dynamiques sur fond de révolution technologique et changements sociodémographiques nourrissent la performance des entreprises qui ont fait les bons choix et que tout investisseur souhaite identifier afin de bâtir son portefeuille.