Des germes de reprise partout dans le monde

Philipp Bärtschi, J. Safra Sarasin Asset Management

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La vigueur des données macroéconomiques et la consolidation des taux d’intérêt soutiennent les marchés.

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La reprise économique se poursuit, tout comme le redressement du marché du travail américain. Avec 916'000 emplois créés le mois dernier, un plus haut en sept mois, la  croissance de l’emploi a dépassé les attentes du marché. La plupart des emplois ont été créés dans le secteur des services, sur fond d’allègement des restrictions économiques et du succès de la stratégie vaccinale. Cette embellie s’est traduite par une forte demande de crédits à la consommation, qui ont enregistré en février la plus forte hausse de- puis la fin 2017. Parallèlement, les indicateurs avancés tels que l’indice ISM soulignent l’amélioration des perspectives économiques pour les mois à venir. La composante des services a atteint 63,7 points, son niveau le plus élevé jamais enregistré. Les hausses les plus fortes ont été observées dans les nouvelles commandes et l’activité commerciale.

Cette évolution se reflète dans les prévisions de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui table sur une croissance économique de 6,5% cette année. Ce chiffre est d’autant plus remarquable que la Chine, a annoncé un objectif de croissance pour cette année de 6%. Si ces prévisions se matérialisent, l’économie américaine croitra plus vite que celle de la Chine pour la première fois depuis les années 1970. Cette évolution s’explique en grande partie par des effets de base. Alors que la croissance américaine en 2021 viendrait compenser une contraction de plus de 4% en 2020, en Chine le taux de 6% est un retour au rythme de croissance d’avant la COVID-19. Contrairement à l’Europe et aux États-Unis, en Chine, la production ne s’est pas contractée en 2020, mais a augmenté de 2%. La Chine n’a aussi pas pris de mesures budgétaires et monétaires d’une ampleur comparable. L’Europe, quant à elle, reste sur la touche avec une croissance du PIB estimée à 3,7%. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la récession de 2020 a entraîné une baisse du PIB plus importante (-7%) que celles observées en Chine et aux États-Unis. Cela est dû à la lenteur de la réponse budgétaire et aux choix sous-optimaux de l’Europe pour sa stratégie vaccinale. Pour autant, ces facteurs n’ont pas pesé sur les indicateurs avancés. Les indices des directeurs d’achat européen sont atteint un niveau record, dépassant les attentes des intervenants du marché. En effet, les perspectives d’embellie de la conjoncture au second semestre sont prometteuses.

Malgré les prévisions de croissance élevées, la Fed part du principe que l’inflation réalisée dépassera son objectif d’inflation, mais pas de façon importante. Il en va de même pour la croissance économique. Malgré les vastes programmes budgétaires et les mesures de soutien monétaire, la Fed ne craint pas de surchauffe de l’économie. Si tel est le cas, cela est de bon augure pour l’économie américaine en général et pour les valeurs financières en parti- culier, car cela permettrait une normalisation en douceur de la politique monétaire avec une hausse progressive des taux d’intérêt. Toutefois, l’incertitude à cet égard est grande. La Fed reste à l’aise avec le fait d’être «en retard» sur son programme de hausse des taux. Elle considère que la hausse de l’inflation au deuxième trimestre sera temporaire et souhaite prendre le temps nécessaire pour que le marché du travail se redresse de manière significative.

Obligations – Consolidation des rendements

Depuis la réunion de la Fed à la mi-mars et face à la vigueur des données économiques, les marchés financiers ont anticipé que la première hausse des taux interviendrait encore plus tôt. Selon les contrats à terme sur les fonds fédéraux, les participants au marché anticipent une première hausse des taux dès la fin 2022, soit plus d’un an avant ce qu’indique le «dot plot», une représentation graphique des prévisions de taux d’intérêt des différents membres du FOMC. Reste à savoir si le marché obligataire évoluera dans le sens de la Fed ou si la Fed ajustera ses réactions aux anticipations du marché. En tout état de cause, la hausse des rendements sur la partie longue de la courbe a récemment marqué une pause. Les obligations d’État américaines à 10 et 30 ans se trouvent actuellement dans une phase de consolidation, après avoir atteint leurs plus hauts niveaux depuis l’apparition de la pandémie de COVID-19, à 1,75% et 2,5% respectivement. Le rythme  de la hausse sur la partie longue de la courbe devrait maintenant se modérer. Les risques semblent toutefois orientés à la hausse en raison de la solidité des fondamentaux et nous prévoyons une augmentation des taux d’ici la fin de l'année, tant aux États-Unis qu’en Europe.

Alors que les obligations à haut rendement ont résisté dans cet environnement, les émissions des pays émergents ont souffert. La classe d’actifs n’a pas absorbé la hausse des rendements américains. Les obligations des marchés émergents en monnaie locale ont aussi pâti de l’appréciation du dollar américain au premier trimestre. L’inflation a également obligé les banques centrales de pays tels que le Brésil, la Turquie et la Russie, à durcir leur poli- tique monétaire. La classe d’actifs offre de l’attrait, mais les risques idiosyncratiques imposent de se montrer sélectif.

Actions – Poursuite de la hausse

Ces dernières semaines, les inquiétudes des investisseurs en actions quant à une hausse des taux semblent s’être dissipées. Récemment, ce sont surtout les données macroéconomiques meilleures que prévu et l’embellie des perspectives de croissance qui ont alimenté la hausse des rendements à long terme. Il s’agit donc de bonnes raisons, qui expliquent que la dynamique positive des actifs à risque se soit poursuivie et que la rotation en faveur des actions cycliques ait accéléré. La volatilité des marchés des actions, qui est restée à un niveau élevé dans les mois qui ont suivi l’apparition de la pandémie de COVID-19, a diminué récemment. L’environnement reste donc propice aux actions.

La volatilité à son niveau d’avant la crise sanitaire

Sources: Refinitiv, J. Safra Sarasin, données journalières, 31.1.2019 - 14.4.2021
Allocation d’actifs – surpondération des actions

La rotation cyclique au sein et entre classes d’actifs est le thème dominant des marchés financiers cette année. Les progrès de la vaccination et les mesures monétaires et budgétaires ont accru la probabilité de reprise économique rapide, et pas seulement aux États-Unis. Cela profite surtout aux titres value et aux petites et moyennes entreprises. Ces deux segments du marché des actions présentent toujours des valorisations intéressantes et affichent une dynamique positive. Nous continuons de les surpondérer mal- gré leur récente bonne performance. Les replis temporaires pourront représenter des opportunités d’achat. Au niveau régional, nous surpondérons les actions des marchés développés, et privilégions les régions cycliques comme l’Europe et le Japon. Outre une valorisation plus attrayante par rapport aux actions américaines, la vigueur de la croissance américaine explique notre préférence pour les investissements hors États-Unis. En effet, une reprise de l’économie américaine devrait se traduire par une de- mande de biens importés et donc un creusement du déficit extérieur, ce qui devrait accroître les liquidités et la croissance dans d’autres régions et affaiblir le dollar. Hausse des taux d’intérêt oblige, le dollar a drainé d’importants afflux de capitaux. Avec le ralentissement de la hausse des taux d’intérêt, l’attrait relatif des valorisations hors États-Unis, et le potentiel de diversification qui augmente avec la démondialisation en cours, les investisseurs devraient se repositionner de plus en plus sur d’autres régions.

Pour les obligations, nous continuons de sous-pondérer la duration sur les obligations d’État et investment-grade. Le profil risque/rendement des obligations à haut rendement reste attrayant. Il en va de même de certaines émissions des marchés émergents. Malgré un début d’année difficile, elles peuvent être considérées comme un bon complément pour un portefeuille multi-actifs – pour ce qui est de la croissance et la diversification. L’impact de la hausse des taux et de la fermeté du dollar devrait s’amenuiser à moyen terme, et libérer un potentiel de rattrapage.