Bien planifier son 2e pilier surobligatoire

Jean-Marc Morier, Vontobel

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La mise en place d’un plan de prévoyance professionnelle est un processus qui devrait reposer sur une analyse et une planification patrimoniale solides.

Les solutions de prévoyance professionnelle surobligatoires, dites «plans cadres à stratégies de placements collectives» ainsi que les solutions hors-obligatoires, appelées «plans 1e à stratégies de placements individuelles» ont de plus en plus de succès grâce aux possibilités de diversification qu’elles offrent. Toutefois, leur mise en œuvre auprès des chefs d’entreprise, des dirigeants et des indépendants devrait être systématiquement précédée d’un examen approfondi de leurs situations personnelles.

De nombreux avantages mais aussi des contraintes

Ces plans permettent d’éviter le subventionnement des rentes par les actifs cotisants auquel on assiste dans la partie obligatoire. Ils offrent aussi une marge de manœuvre beaucoup plus importante que les plans LPP de base de type «enveloppant», notamment sur le plan fiscal grâce aux possibilités de rachats supplémentaires et sur le plan de la gestion des avoirs grâce à la possibilité de choisir entre différentes stratégies de placement. Cependant, ils ont aussi pour contrainte l’obligation d’inclure des prestations en cas d’invalidité et de décès dont les primes dites «de risque» doivent se monter à au moins 4% du total des cotisations, selon le «principe d’assurance» évoqué dans l’art. 1h de l’OPP2. Afin que ces couvertures d’assurance obligatoires soient utiles aux assurés et que ceux-ci, ainsi que leur employeur, ne paient pas des primes pour des prestations qui ne les concernent pas, il est recommandé à chaque assuré de faire préalablement établir une analyse de prévoyance et une planification patrimoniale. Cela permettra de découvrir les besoins réels en termes de couverture des risques invalidité et décès et de définir clairement les objectifs de retraite.

Une analyse de prévoyance comme point de départ

L’analyse de prévoyance constitue la première étape. Elle se fonde sur les besoins définis par l’assuré et a pour but de calculer les différentes prestations dont il bénéficie en cas d’invalidité, de décès et pour sa retraite. Elle permet de voir très précisément où se trouvent les éventuelles lacunes. Les éléments pris en compte sont l’âge de l’assuré, son état civil, sa situation familiale, ses données salariales, son statut professionnel, les prestations des assurances de personnes offertes par son employeur ou celles qu’il a lui-même mises en place, ses contributions à l’AVS, le dernier certificat de sa caisse de pension, ses avoirs dans le 3e pilier ainsi que ses contrats d’assurances privées.

Qu’est-ce qu’une planification patrimoniale?

Une fois l’analyse de prévoyance réalisée vient la phase de planification de la retraite. On commence par tout mettre à plat afin d’établir un état des lieux, puis on élabore une stratégie globale sur la base de la situation familiale et financière individuelle ainsi qu’en fonction des objectifs et souhaits personnels. C’est ce processus que l’on appelle «planification patrimoniale». Ce document final montre la situation financière dans sa globalité ainsi que l’évolution probable et constitue une aide à la prise de décision qui peut s’avérer cruciale. C’est un fil rouge que l’on peut suivre, mais duquel on doit pouvoir s’écarter si les circonstances de la vie, par exemple des événements imprévus, l’exigent. Il s’agit d’évaluer la marge de manœuvre dont on disposera le cas échéant ou de se donner les moyens de pouvoir anticiper ces imprévus, ce qui est le gage d’une plus grande liberté future. La planification patrimoniale a pour but d’intégrer dans le processus de conseil les différents éléments complexes et interdépendants que sont par exemple la fiscalité, la prévoyance et les assurances sociales, le financement immobilier, les objectifs de retraite, les projets, la protection et la transmission du patrimoine privé, la transmission de l’entreprise, les questions d’ordre juridique ainsi que le vaste domaine des placements et de la gestion de patrimoine.

Processus de planification

Lors du processus de planification, il s’agit dans un premier temps d’évaluer précisément la situation financière et de déterminer les recettes ainsi que les dépenses. A ce stade, des pistes d’optimisation peuvent déjà être abordées. L’étape suivante consiste à établir une étude personnalisée, à proposer des mesures d’optimisation, à analyser l’impact des différentes propositions sur l’évolution du patrimoine et à établir un échéancier des démarches à entreprendre.

Concept de prévoyance

Une fois cette analyse et cette planification effectuées, les besoins en prévoyance sont alors connus et on peut établir un concept de prévoyance global tenant compte du plan de base déjà existant. A cet effet, on détermine de manière objective le cercle des personnes assurées en respectant les critères énumérés dans l’art. 1c de l’OPP2 traitant du «principe de collectivité», puis la solution la plus adéquate, à savoir soit un plan «collectif» possible déjà à partir d’un salaire AVS de CHF 86'041.-, soit un plan «1 e», possible dès CHF 129'061.- de salaire AVS. Il s’agira ensuite de définir la part du salaire AVS à assurer entre CHF 3'585.- et CHF 860'400.- (montants-limites 2022) ainsi que les types et niveaux de prestations à assurer dans le plan sur- ou hors-obligatoire envisagé.

Mise en place du plan

Lors de la mise en œuvre de cette prévoyance professionnelle complémentaire, ou facultative pour les indépendants, il est impératif de vérifier «l’adéquation» du plan en vertu de l’art. 1 de l’OPP2. Ceci fait, il n’y a alors plus qu’à fixer la répartition des contributions entre salariés et employeur, la part à la charge des collaborateurs ne pouvant être supérieure à 50%, puis à choisir la ou les stratégies de placement des cotisations d’épargne en fonction de la capacité et de la propension au risque de chaque assuré. A noter qu’un même contrat peut inclure plusieurs cercles d’assurés, ayant chacun son propre plan. Enfin, il est important, avant de s’affilier à une Fondation de prévoyance spécialisée et de choisir son partenaire bancaire, de bien se renseigner et de comparer les frais prélevés ainsi que les solutions d’investissements. Ces démarches étant complexes, il est vivement recommandé de s’adresser aux spécialistes des Fondations et des banques actives dans ce domaine, puis de se laisser conseiller et accompagner tout au long de ce processus.

Comme on le voit, les chefs d’entreprises, dirigeants et indépendants bénéficient aujourd’hui d’une grande liberté dans l’organisation de leur prévoyance professionnelle et de celle de leurs cadres. Les dispositions légales leur donnent la possibilité d’individualiser cette prévoyance partiellement ou totalement, ce qui leur permet d’atteindre plus facilement leurs objectifs de retraite. Dans le contexte actuel d’un retour de l’inflation et d’un renforcement du franc suisse, il apparaît néanmoins plus que jamais indispensable d’analyser sa situation et de bien planifier sa retraite avant de mettre en place un plan sur- ou hors-obligatoire.