Banquiers: débarrassons-nous du patriarcat

Isabelle Jacob-Nebout, Indosuez Wealth Management

2 minutes de lecture

«Tout le monde veut monter avec vous dans la limousine, mais ce que vous voulez, c'est quelqu'un qui prenne le bus avec vous quand la limousine tombe en panne».

Cette parole d’Oprah Winfrey est un bon conseil pour les gestionnaires de patrimoine qui commencent à prendre conscience face à l'immense pouvoir d'achat des femmes du Moyen-Orient. Des femmes fortunées qui souhaitent investir et attendent de leurs conseillers qu’ils les accompagnent tout au long de leur parcours financier.

Modifier le parti pris patriarcal des conseillers, une urgence

De nombreuses études ont comparé les habitudes d'investissement des femmes et des hommes ces dernières années, d'autant que le marché a commencé à s'éveiller à l'indépendance économique croissante des femmes de manière plus générale.

Ces études tendent à montrer que les femmes investisseuses seraient plus conservatrices que leurs homologues masculins et qu'elles auraient généralement un horizon d'investissement plus long. Elles seraient également souvent perçues comme étant plus réticentes au risque et plus orientées vers les objectifs à moyen et long terme, que les hommes dans leur style d'investissement.

La prudence s'impose ici si le conseiller veut éviter de tomber dans le piège des idées préconçues lorsqu'il offre des conseils financiers à de nouvelles clientes.

Que l'on adhère ou non à des généralisations de ce type, il est difficile de contester le parti pris patriarcal historique du secteur et l'urgence de le modifier.

Une approche inclusive est donc nécessaire pour garantir que les gestionnaires de patrimoine restent pertinents et à l'écoute de tous leurs clients, indépendamment de leur genre.

L’indépendance financière des femmes au Moyen-Orient

L'évolution de l'émancipation économique des femmes n'est nulle part plus visible que dans les Etats du Golfe. Par ailleurs, la richesse des femmes rien qu’en Arabie saoudite est estimée à 224 milliards de dollars, selon un rapport du Boston Consulting Group. C'est à peu près l'équivalent du PIB de la Nouvelle-Zélande. Le même rapport prévoit que la richesse des femmes dans le Royaume atteindra un taux de croissance annuel composé (CAGR) de 5,1% jusqu'en 2023.

Dans les Emirats Arabes Unis, la richesse des femmes est estimée à 103 milliards de dollars et devrait atteindre un CAGR de 8,3% sur la même période.

Il s'agit d'une opportunité considérable pour les conseillers attentifs aux facteurs spécifiques en mouvement dans cette région.

Si l'augmentation de la richesse des femmes est un phénomène mondial, des facteurs spécifiques entrent en jeu au Moyen-Orient, où l'on observe un changement beaucoup plus spectaculaire dans l'indépendance financière des femmes.

L'éducation a été l'un des facteurs déterminants de cette tendance, les femmes étant désormais plus nombreuses que les hommes au niveau universitaire dans 15 des 22 pays arabes. La promotion des femmes s'inscrit désormais dans des plans économiques plus larges, comme le programme saoudien Vision 2030, qui vise à fournir un million d'emplois aux femmes saoudiennes d'ici à la fin de la décennie.

Dans le même temps, les femmes sont devenues plus visibles au niveau des conseils d'administration dans l'ensemble du Moyen-Orient et sont de plus en plus représentées dans des secteurs traditionnellement dominés par les hommes.

Pourtant, des hypothèses dépassées sur les rôles des hommes et des femmes tant sur le plan privé que professionnel persistent encore dans le secteur des services financiers.

Pour corriger ces déséquilibres, il ne suffit pas de concevoir des campagnes de marketing qui ciblent simplement les femmes avec une idée préconçue de la façon dont elles veulent investir leur argent et être conseillées.

Lorsque les attitudes sont institutionnalisées, il faut commencer par changer l'institution.

Le patriarcat, dans toutes ses formes, subtiles ou manifestes, doit être déraciné et remplacé par une culture de communication ouverte et inclusive, en phase avec les besoins de chaque client ou cliente.

Il s'agit d'une façon de faire des affaires, pas d'une stratégie de marketing, et pour qu'elle soit efficace, tout le monde doit monter dans le bus.