Art nouveau dans la blockchain

Hussein Nassereddine, DECALIA

2 minutes de lecture

Et si les NFT n’étaient pas qu’une «combine» à enrichissement rapide.

FAANG, TINA, SPAC, PIPE, FOMO... vous pensiez maîtriser tous les acronymes de Wall Street? Eh bien, voici le dernier-né: NFT. Qui signifie jeton non fongible ou, dit plus simplement, données stockées sur la blockchain certifiant qu'un actif numérique est unique. Au-delà du buzz actuel, les NFT, sorte de passerelle entre le monde des cryptomonnaies et des marchés grand public comme l'art, le divertissement ou le sport, seraient-ils la prochaine étape de la révolution de la blockchain?

Il y a un an, rares étaient ceux (chanceux?) qui connaissaient les NFT, pour l’essentiel des amateurs de cryptomonnaies et des «gamers». C'est avec la première vente aux enchères de Christie's, mi-mars, qui a vu le monumental collage du graphiste américain Beeple être adjugé pour la somme faramineuse de 69 millions de dollars, que le marché des NFT a gagné en audience. Selon certains, le total des transactions a désormais franchi la barre du milliard de dollars.

C’est leur caractère unique qui distingue les NFT, une spécificité rendue possible par la technologie blockchain. Cela explique pourquoi, bien que tout puisse être (et soit) vendu sous cette forme, l'art numérique s’y prête particulièrement. Ces dernières décennies, les créateurs numériques ont peiné à monétiser leur travail, car trop facilement duplicable. Avec les NFT, leur statut se rapproche de celui des peintres ou sculpteurs. Les collectionneurs sont assurés de l'authenticité et de la provenance des œuvres qu'ils achètent. Avec une différence de taille toutefois: les images numériques restent généralement visibles sur internet, même lorsque vendues comme NFT. En d'autres termes, les acheteurs ont le plaisir de posséder une pièce unique – et l'espoir de voir sa valeur grimper – mais pas l'exclusivité de son exposition.

A l'origine, les NFT étaient utilisés dans le «gaming», où l'on a tendance à collectionner divers types d'artefacts. CryptoKitties, jeu de Dapper Labs consistant à collectionner, élever, adopter et vendre des images de chats, a contribué à populariser le concept. Les NFT ont ensuite été adoptés par le monde du sport: les clips vidéo Top Shot sous licence officielle de la NBA ont ainsi rapporté plus de 390 millions de dollars depuis leur lancement en octobre dernier.

Comme tout objet de collection traditionnel, les NFT ne relèvent pas vraiment d'un investissement rationnel, mais plutôt d'un (parfois coûteux !) coup de cœur. La rareté joue évidemment un rôle dans le renchérissement, et la pandémie, en forçant une grande partie de la population mondiale à rester chez soi, derrière un écran d’ordinateur, a sans doute contribué à alimenter la manie. La récente introduction en bourse de Coinbase, la plus grande bourse américaine de cryptomonnaies, s'est aussi avérée particulièrement opportune.

Outre le fait de voir les NFT comme une énième bulle, leurs détracteurs soulignent la nature peu écologique de la blockchain, qui consomme d'énormes quantités d'énergie informatique. Ils s'inquiètent également du retard pris par le cadre législatif, des risques de piratage et des barrières à l'entrée – les plateformes NFT prélevant une commission sur les ventes et exigeant un certain niveau de connaissances techniques.

Ce mélange d'excitation et d'inquiétude n'est pas sans rappeler l'avènement d'Internet il y a trente ans. A l'heure actuelle, personne ne peut savoir comment tout cela évoluera. Mais il se pourrait bien que les NFT entrent dans l'histoire comme jalon important de la révolution blockchain et qu'ils finissent par s'étendre à de nombreux autres domaines, comme la santé ou l'assurance. Cela dit, les investisseurs intéressés, ou plutôt les spéculateurs, ont aujourd'hui peu de moyens directs de s'y exposer. Sauf peut-être via Aavegotchi, une cryptomonnaie qui est au croisement de la finance décentralisée, du «gaming» et... de l'art.