Année 2023: un contexte favorable au Private Equity?

Andreas Nicoli, Zürcher Kantonalbank

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Les banques centrales réagissent aux niveaux élevés d’inflation par des relèvements de taux d’intérêt et risquent ainsi une récession.

Une évolution rapide se dessine actuellement également pour les fonds Private Market qui mettent l’accent sur les thèmes environnementaux. (istockphoto.com)

Ce contexte offre de bonnes opportunités d’entrée dans des placements Private Equity à long terme qui protègent également contre l’inflation. Il ne faut cependant pas négliger les risques.

La combinaison d'une hausse surprenamment forte des chiffres de l’inflation et des taux d’intérêt et de craintes d’une récession a pris beaucoup d’investisseurs au dépourvu. Tant les actions que les obligations ont nettement perdu de leur valeur l’année dernière. Certes, l’inflation devrait ralentir au cours de l’année, ce qui devrait au moins freiner la hausse des taux d’intérêt. A moyen terme, il faut cependant encore s’attendre à une volatilité accrue et à des risques systémiques. En outre, il faut partir du principe que l’inflation restera supérieure aux niveaux de ces dernières années.

C’est justement cette configuration qui pose de bonnes bases pour les nouveaux engagements dans des placements Private Equity à ajouter aux portefeuilles. En effet, dans le cadre de la recherche de rendements réels positifs, ils ont démontré jusqu’à présent qu’ils fournissaient des rendements nets nettement supérieurs aux taux de l’inflation et aux actions.

Profiter des années de récession pour un premier placement

Si l’on regarde en arrière, le Private Equity a tendance à présenter une corrélation moins forte que les catégories d’actifs traditionnelles. Ainsi, le Private Equity a surperformé la performance moyenne (Internal Rate of Return, IRR) des indices d’actions mondiaux, comme le S&P 500, à court terme comme à long terme. Les placements sur les marchés privés ont également de meilleurs résultats que les petites entreprises cotées (Small Cap).

Comparaison des performances (IRR) Private Capital par rapport aux indices d’actions

Source: PitchBook, Global PitchBook Benchmarks, T2 2022

Pendant les années de récession en particulier, les placements sur les marchés privés ont mieux résisté que les entreprises cotées. En effet, les entreprises contrôlées par le Private Equity peuvent souvent réagir plus rapidement aux problèmes opérationnels et aux évolutions de l’environnement de marché. En outre, les investissements dans l’innovation et la croissance sont souvent plus axés sur le long terme que dans la stratégie des entreprises cotées en bourse.

Fait intéressant: beaucoup des fonds Private Equity les plus rentables, axés sur les transactions de rachat, ont été lancés au cours des années de récession. Selon l’étude réalisée par la société de données d’investissement Preqin, le rendement annuel moyen était supérieur à 14 % par an, sur la base des données publiées depuis 1980.

Etant donné les rendements totaux attendus du portefeuille, la protection contre l’inflation et la préservation du capital, les investisseurs professionnels devraient envisager d’intégrer ou de conserver dans les portefeuilles des placements sur les marchés privés au cours des prochaines années et, si leur capacité à assumer les risques le permet, de les renforcer le cas échéant.

La sélection du gestionnaire de fonds est déterminante

Cependant, il existe de grandes différences dans la mise en œuvre de la stratégie d’investissement entre les divers gestionnaires de Private Equity. Cela se traduit par une large fourchette de performances. En 2019, la différence de rendement entre les meilleurs et les plus mauvais fonds Private Equity s’élevait à environ 35 points de pourcentage. C’est pourquoi pour les investisseurs, la sélection et l’accès aux meilleurs gestionnaires de fonds sont déterminants pour la réussite d’un investissement dans le Private Equity.

Différences de rendement des fonds Private Equity

Source: Preqin Private Capital Benchmarks
Les solutions de décarbonisation ont le vent en poupe

Le marché des actifs privés a connu une croissance considérable. Selon le rapport sectoriel de Bain & Company, le capital accumulé s’élevait à 108 milliards de dollars en 2003 pour grimper à plus de 1,2 billion de dollars en 2021. La «Dry Powder», c’est-à-dire le capital d’investissement disponible, s’élevait à environ 500 milliards de dollars en 2003, contre 3,4 billions de dollars en 2021.

Une évolution rapide se dessine actuellement pour les fonds Private Market qui mettent l’accent sur les thèmes environnementaux également. Nous nous concentrons sur les secteurs et les entreprises qui sont marqués par les tendances lourdes et qui innovent de manière disruptive afin de bouleverser les modèles d’affaires actuels. Nous nous attendons à ce que des primes plus élevées puissent être obtenues sur des thèmes spécifiques. Dans ce contexte, il est d’autant plus important d’avoir une gestion active qui maîtrise l’art de trouver, dans la jungle de l’industrie du Private Equity, les fonds et les entreprises en croissance qui profitent le plus des tendances lourdes de manière durable.

Il s’agit par exemple d’entreprises qui, grâce à leur offre de produits ou de services, se positionnent stratégiquement en tant que fournisseurs de solutions pour la transformation écologique et peuvent ainsi bénéficier de la grande tendance de la décarbonisation. La décarbonisation de l’économie mondiale rencontre un soutien croissant dans la société et reçoit un fort soutien financier au niveau politique. En 2022, les Etats-Unis ont ainsi adopté l’Inflation Reduction Act, qui a considérablement augmenté les crédits d’impôt accordés aux entreprises actives dans la production d’énergie durable, par exemple. L’Union européenne soutient elle aussi les solutions présentant de faibles émissions ou évitant les émissions de CO2 dans le cadre de son Pacte vert pour l’Europe.

Attention aux entreprises présentant un fort effet de levier

Les placements en Private Equity sont immunisés de façon variable contre les hausses de taux d’intérêt. Ainsi, les transactions largement financées par des capitaux étrangers et qui ne peuvent générer une croissance élevée sont fortement sous pression. En revanche, dans les domaines Growth et Venture Capital, le capital étranger joue un rôle minime. Les fonds spécialisés dans les rachats pour les transactions à très forte capitalisation s’efforcent également de réaliser des transactions à des prix de vente élevés.

D’une manière générale, il convient d’admettre que le secteur du Private Equity dans son ensemble est mis au défi par un contexte d’inflation soutenue et élevée. En fin de compte, la question au centre des préoccupations est la suivante: quel est le niveau de croissance rentable de l’entreprise et quelle est sa capacité à répercuter l’augmentation des coûts sur la clientèle? Dans ce contexte, un accès direct aux entreprises les plus prometteuses et à des capacités de sélection de titres supérieures à la moyenne est décisif.

Private Equity: un domaine réservé aux professionnels?

Jusqu’à présent, en raison de l’illiquidité et de la durée de détention longue des participations, huit à dix ans, la catégorie d’actifs Private Equity était principalement destinée aux investisseurs professionnels disposant d’un volume de placement élevé. Toutefois, une «démocratisation» a eu lieu entre-temps. Ainsi, les apports minimaux pour les fonds Private Equity sont passés de plusieurs millions de francs à environ 100'000 francs en moyenne et ont en partie été dotés de possibilités de rachat limitées.

Des produits financiers et des plateformes numériques, qui permettent des investissements individuels dans des entreprises et des fonds non cotés en disposant de volumes d’entrée encore plus faibles, continuent d’apparaître. Mais il faut également tenir compte de ce qui suit: plus la diversification est faible, plus le risque de perte potentiel est élevé.

 

L’article a été publié pour la première fois le 27 janvier 2023 dans le journal Neue Zürcher Zeitung.