Actions suisses: savoir distinguer les gagnants des perdants

Peter Romanzina, Vontobel

3 minutes de lecture

Pour connaître le succès, les entreprises suisses doivent se développer très tôt sur d’autres marchés.

©GettyImages

De nombreux investisseurs se souviendront à n’en pas douter du printemps boursier 2021. Devons-nous désormais nous préparer à un véritable «automne» boursier? Pour obtenir des éléments de réponse, de nombreux observateurs font appel aux tendances – hors coronavirus – qui ont conduit à la reprise. Découvrez pourquoi l’analyse des tendances n’est pas toujours déterminante pour évaluer les actions et les raisons pour lesquelles le marché boursier suisse intègre si bien de nombreuses tendances.

Se préparer à l’automne boursier

En période de flambée des cours des actions, les investisseurs se demandent tôt ou tard quand la tendance va s’inverser. A partir de quel moment devient-il plus judicieux de se désengager et de prendre ses bénéfices que de continuer à acheter?

Cette question n’est pas seulement motivée par la crainte du prochain marché baissier ou du prochain grand krach. Elle se justifie aussi par la nécessité croissante de déceler la valeur réelle et le potentiel à long terme plutôt que de se contenter de surfer sur la tendance haussière actuelle, autrement dit de séparer le bon grain de l’ivraie. Plus les investisseurs seront à même d’opérer cette distinction avec précision, plus ils pourront espérer participer longtemps à la tendance haussière, et moins leurs placements seront vulnérables aux corrections ultérieures.

Pour essayer d’y voir plus clair dans la pléthore d’opportunités et de risques, de nombreux investisseurs s’en tiennent aux mégatendances. On entend par exemple souvent que «la numérisation permet d’identifier les gagnants et les perdants», ou encore que «les entreprises pharmaceutiques sont avantagées par la pandémie de coronavirus.». Malgré l’omniprésence de telles affirmations, il convient d’y apporter un peu de nuance. En effet, les investisseurs qui n’envisagent les marchés que sous l’angle des tendances, selon une approche «top-down», négligent souvent le revers de la médaille: tous les acteurs du secteur technologique (pour garder cet exemple) ne bénéficient pas de la même manière de la fameuse «quatrième révolution». Bien au contraire. Si les «Big Five» de la Silicon Valley nous enseignent quelque chose, c’est que l’enjeu n’est pas de développer des technologies disruptives, mais bien de perturber les marchés au sens large. En d’autres termes, nous vivons dans un monde où «le gagnant rafle tout».

Une analyse bottom-up plutôt que fondée sur les tendances

D’un point de vue «bottom-up», les actions suisses constituent-elles des placements sûrs? Dans la pratique, il est recommandé, sur la base des tendances, d’examiner les titres individuels sous un angle «bottom-up». Les analystes qui couvrent une entreprise ou un secteur depuis des années, voire des décennies, partent ici avec un avantage, car ils bénéficient souvent d’un accès direct aux équipes de direction et aux décideurs. Vontobel encourage activement cette approche bottom-up et s’appuie à cet égard sur onze analystes internes qui cumulent au total plus de 200 ans d’expérience dans le domaine de la recherche sur le marché des actions suisses.

Ce vaste savoir-faire, associé à une recherche systématique, permet d’identifier les gagnants et les perdants au sein des différentes tendances. Pour ce faire, le secteur dans lequel évolue une entreprise est certes important, mais il convient également de tenir compte des technologies et des modèles d’affaires qui sous-tendent son activité commerciale, de la cohérence dont fait preuve l’équipe de direction dans l’exécution de sa stratégie ou encore de l’intégration des critères ESG. Le diable se cache souvent dans les détails.

Les facteurs clés de la bonne santé des actions suisses

Les actions suisses ont en moyenne bien, voire très bien, résisté à la crise sanitaire, à quelques exceptions près, comme le secteur des voyages. Cependant, attribuer uniquement ces résultats à l’environnement de marché qui a prévalu ces derniers mois reviendrait à ignorer quatre facteurs clés qui peuvent améliorer la résistance des actions suisses face aux crises.

  • Premier facteur de «Swissness»: le franc suisse encourage l’innovation. Le franc suisse, que de nombreux investisseurs considèrent comme une valeur refuge, est à la fois une malédiction et une bénédiction pour les entreprises exportatrices suisses. Depuis des décennies, les entreprises suisses doivent compenser un désavantage monétaire sur le marché mondial, ce qui rend les stratégies de leadership en matière de prix difficiles voire impossibles dès le départ. Cette «malédiction» a cependant tendance à les pousser à être à la pointe de l’innovation, que ce soit sur les marchés mondiaux pour les plus grandes entreprises ou sur des marchés de niche où elles font figure de chef de file pour les PME. Les entreprises bénéficiant d’une telle position ont démontré à maintes reprises leur excellente résistance face aux crises.
  • Deuxième facteur de «Swissness»: le succès ne s’arrête pas aux frontières nationales. Le marché suisse n’est pas très grand. Les entreprises doivent donc presque toujours se tourner vers l’international pour maximiser leur potentiel de croissance. Cette pression à l’exportation pousse les entreprises suisses à intégrer très tôt la perspective d’un développement à l’étranger dans leurs produits, leurs modèles commerciaux et leurs stratégies. Cela inclut, entre autres, la capacité de faire évoluer son activité au-delà des frontières nationales.
  • Troisième facteur de «Swissness»: la grande stabilité du droit suisse. D’un point de vue historique, on ne peut pas dire que le fédéralisme suisse soit prompt au changement. Par conséquent, les entreprises peuvent s’appuyer sur un fort degré de stabilité juridique. Les dispositions réglementaires sont pensées pour s’appliquer sur le long terme. Les changements peuvent être anticipés et ont rarement pour effet d’avantager ou de désavantager des concurrents individuels.
  • Quatrième facteur de «Swissness»: la localisation joue un rôle important. La Suisse jouit d’une excellente réputation internationale en tant que lieu d’implantation pour les entreprises, malgré le niveau relativement élevé des salaires. Les entreprises qui s’installent en Suisse accordent une plus grande importance au fait que le pays se caractérise par un marché du travail flexible, une main-d’œuvre hautement qualifiée et une fiscalité attrayante. Tous ces éléments favorisent l’innovation et, en fin de compte, la possibilité d’acquérir une position forte sur le marché et de surmonter les crises.

Quiconque trace une ligne entre gagnants et perdants sur le marché boursier suisse le fait sur un segment bien particulier du marché mondial. Les tendances telles que le progrès technologique ou l’intégration des critères ESG peuvent trouver un terreau fertile en Suisse. Mais c’est également le cas d’autres tendances moins favorables, comme celle qui a mis les nerfs des investisseurs à rude épreuve dans le secteur des voyages sur d’autres marchés développés. C’est la raison pour laquelle il est toujours utile d’adopter une perspective à la fois «top-down» et «bottom-up».

Pour en savoir plus sur notre recherche suisse, cliquez ici.