Accélérer la lutte contre la perte de biodiversité

Robert-Alexandre Poujade, BNP Paribas Asset Management

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Des écosystèmes naturels non dégradés produisent l’oxygène que nous respirons et contribuent à atténuer les effets du changement climatique.

Nos écosystèmes naturels soutiennent au moins 55% de l’économie mondiale. Face à ce constat, les investisseurs doivent accélérer leur action permettant de s’attaquer à la perte de biodiversité. Etant donné que le changement climatique et le déclin de la biodiversité sont deux phénomènes étroitement liés, les stratégies d’investissement axées sur la protection de l’environnement contribuent à répondre à ces deux enjeux. En effet, le financement de la biodiversité est un investissement, et non un coût: il permet de préserver les services écosystémiques essentiels qui sous-tendent l'économie mondiale et d’en dégager des bénéfices financiers, économiques et écologiques. Une étude d’Elsevier, une entreprise mondiale d'analyse de données, révèle que la destruction de la nature occasionne chaque année des pertes économiques estimées à 1’400 milliards de dollars, soit 1,6% du PIB mondial. En outre, plus de la moitié du PIB mondial dépend moyennement ou fortement de la nature et de ses services.

Bien que le nombre de produits d’investissement axés sur la biodiversité soit en hausse - on compte actuellement 14 fonds dédiés gérant quelque 1,6 milliard de dollars -, il existe par ailleurs plus de 1’000 fonds dédiés aux enjeux climatiques totalisant 350 milliards de dollars d’encours, selon Morningstar.

Des mesures pour préserver la nature

Lors de la récente COP15, près de 200 pays ont convenu du nouveau cadre mondial pour la biodiversité (Global Biodiversity Framework ou GBF), dont la pièce maîtresse est l’objectif ‘30×30’ qui vise à protéger 30% de la nature d’ici 2030. Un rapport de l’université de Cambridge indiquait justement que les retombées économiques procurées par la protection de 30% des terres et des océans de la planète sont cinq fois plus importants que les coûts supportés[1].

L’accord définit par ailleurs un objectif de 200 milliards de dollars devant être consacrés chaque année à la préservation de la biodiversité. En plus du secteur public, les capitaux pourraient provenir de la mobilisation de financements privés, encourageant le secteur privé à investir dans la biodiversité par le biais de fonds à impact et d’autres véhicules similaires. De plus, la suppression des déchets plastiques devra conduire à une réduction de la pollution globale, et la lutte intégrée contre les nuisibles à une diminution de 50% des risques liés aux pesticides.

Où en sommes-nous en termes de zones protégées?
Le graphique montre les types de zones concernées par les mesures de conservation (en % du total)

 

La compréhension des risques passe par la donnée

Les investisseurs requièrent des entreprises la publication transparente de leurs données environnementales, pour les aider à évaluer leur impact sur la biodiversité. Or, les chiffres du CDP montrent que la plupart des entreprises ne traduisent pas leurs engagements en actions concrètes.

Ainsi, alors que 31% des 8’850 sociétés interrogées par le CDP se sont publiquement engagées dans ce sens et/ou ont soutenu des initiatives en rapport avec la biodiversité, et que 25% d’entre elles projettent de le faire au cours des deux prochaines années, plus de la moitié de ces entreprises n’ont pris aucune mesure pour faire progresser leurs engagements.

Le cadre mondial pour la biodiversité (GBF) demande aux gouvernements d’intervenir pour encourager les entreprises à publier leurs données relatives aux risques, aux dépendances et aux impacts en lien avec la biodiversité. Ces informations devraient également aider les investisseurs à comprendre les risques et les opportunités qu’apporte la biodiversité dans leurs portefeuilles d’investissement.

Que peuvent faire les investisseurs et les gestionnaires d’actifs?

Les négociations de la COP15 ont également mis en évidence que le secteur financier devra investir dans des moyens permettant de stopper, puis de faire régresser l’effondrement des systèmes naturels d’ici fin 2030. Selon l’Institut Paulson, il manque actuellement 700 milliards de dollars par an pour permettre de financer la préservation des systèmes naturels. L’institut évoque deux moyens pour combler ce déficit: réduire les subventions dommageables à la biodiversité, et augmenter les ressources financières en faveur de la biodiversité, celles-ci comprennent les marchés du carbone, les crédits pour la biodiversité et les produits financiers durables.

BNPP AM a soutenu les dispositions du cadre mondial pour la biodiversité portant sur la publication des données des entreprises, notamment:

  • un cadre mondial post-2020 ambitieux et transformant, qui exige l’alignement des flux financiers sur les objectifs mondiaux en matière de biodiversité
  • un renforcement des stratégies et des plans d’action nationaux en faveur de la biodiversité afin de garantir une mise en œuvre réussie du cadre
  • un environnement réglementaire qui permette aux institutions financières de tirer parti des opportunités et de faire face aux risques en lien avec la biodiversité.

La lutte contre le risque systémique que représente la perte de biodiversité pour le secteur financier exige une réponse collaborative. Lors de la COP15, les investisseurs ont ainsi annoncé le lancement de l’initiative ‘Nature Action 100’, visant à encourager les investisseurs à prendre des mesures urgentes pour que les risques et les dépendances en lien avec la nature fassent l’objet d’un traitement prioritaire au sein des entreprises. Son lancement officiel aura lieu au printemps 2023.