Hervé Falciani arrêté en Espagne à la demande de la Suisse

AWP

2 minutes de lecture

Berne réclame l’extradition de l’ancien informaticien de HSBC Suisse. 

© Keystone

L’ex-informaticien franco-italien de la banque HSBC en Suisse, Hervé Falciani, lanceur d’alerte à l’origine de la révélation du scandale d’évasion fiscale des «Swissleaks», a été arrêté mercredi à Madrid à la demande de la Suisse.

«Son arrestation s’est produite à Madrid, dans la rue, alors qu’il se rendait à une conférence», a déclaré un haut responsable de la police espagnole à l’AFP.

L’ancien informaticien de 46 ans a été interpellé à la demande de la Suisse qui sollicite son extradition.

Condamné à 5 ans de prison en Suisse

«Il était visé depuis le 19 mars par un mandat d’arrêt international pour son extradition, émis par les autorités suisses, pour qu’il purge une condamnation à une peine de prison ferme de cinq ans», a précisé la police espagnole dans un communiqué.

En novembre 2015, Hervé Falciani avait été condamné - en son absence - par le tribunal pénal fédéral suisse à cinq ans de prison pour espionnage économique.

Arrestation dénoncée en Espagne

Le président du Syndicat des inspecteurs du fisc Gestha en Espagne, Carlos Cruzado, a aussitôt dénoncé cette arrestation dont il a lui-même été témoin.

«Le paradoxe, c’est précisément qu’il a été arrêté à l’entrée d’un débat sur la nécessité de protéger les lanceurs d’alerte et sa chaise est restée vide», a expliqué à l’AFP M. Cruzado.

Le débat à l’Université Pontificia de Comillas s’intitulait «quand dire la vérité est héroïque».

«Il est extrêmement regrettable qu’ils l’arrêtent, nous ne le comprenons pas», a ajouté M. Cruzado, fonctionnaire du ministère espagnol des Finances, plaidant que «Falciani a collaboré avec la justice, aidé à révéler des agissements illicites et à récupérer de l’argent des fraudeurs» du fisc.

Hervé Falciani est en effet considéré comme un héros chez les lanceurs d’alerte de la finance mondialisée.

Les fichiers de la banque HSBC qu’il avait divulgués ont permis à un consortium de journaux - auquel appartenait le quotidien français Le Monde - de dévoiler un immense système d’évasion fiscale européen.

Le scandale «Swissleaks» ou «HSBC» - déclenché par le vol de dizaines de milliers de documents bancaires secrets - avait révélé l’existence de comptes non déclarés dans la filiale genevoise d’HSBC, appartenant à des milliers de contribuables pratiquant l’évasion fiscale à travers le monde.

Ce scandale a éclaté en 2009 quand le ministère français de l’Economie a révélé disposer d’une liste de 3’000 Français titulaires de comptes en Suisse où étaient déposés 3 milliards d’euros.

Fin 2009, les fichiers de la «liste Falciani» avaient déjà permis d’identifier 127’000 comptes appartenant à 79’000 personnes de 180 nationalités.

Les données transmises par Falciani ont entraîné des condamnations et enquêtes fiscales en France, en Espagne, en Grèce, en Argentine ou encore en Grande-Bretagne...

La Suisse a en outre renoncé définitivement en 2017 au secret bancaire.

Ancien croupier de casino

Celui que la presse française avait surnommé le «Snowden de la fraude fiscale» aura eu un parcours rocambolesque, qui garde ses zones d’ombre.

Il avait débuté comme croupier au casino à Monaco au début des années 90, avant de devenir en 2000 un informaticien de la banque HSBC à Monaco puis à Genève.

Un journaliste du Monde ayant longuement enquêté sur l’affaire, Gérard Davet, avait relaté en 2015 à la radio la drôle de façon dont Falciani s’était converti en lanceur d’alerte après avoir «nagé en eaux troubles».

Selon M. Davet, l’employé de banque aurait eu accès en 2006 au sein d’HSBC à Genève «à des données cryptées qui n’ont plus été cryptées pendant un court moment»: «il se les procure puis essaie de partir avec sa maîtresse pour les vendre au Liban mais ça ne marche pas».

«Il revient en Suisse, qui veut l’arrêter, le met sur écoutes, il s’en rend compte, mais au même moment il est en relation avec les services secrets français: il se réfugie en France et décide de se transformer en lanceur d’alerte et transmet ses fichiers au fisc français», a résumé M. Davet.

Falciani avait accepté de collaborer avec la justice française.

Mais à l’été 2012, déjà à la demande de la justice suisse, il avait été arrêté à Barcelone et placé en détention provisoire pendant plusieurs mois. Selon Le Monde, il était alors sorti de prison avec «la promesse de prêter main-forte à la justice espagnole».

La France et l’Espagne avaient refusé de l’extrader vers la Suisse qui le recherchait pour «soustraction de données» et «violation du secret bancaire et secret commercial».