Stablecoins: les cryptos passent à l’économie réelle

Brice Mari, Synapse Invest

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Légitimés par les Etats-Unis, les stablecoins sont en passe de devenir un élément clé de l’infrastructure financière et bancaire.

 

Ces dernières semaines ont été particulièrement riches pour les stablecoins, ces cryptomonnaies émises par des acteurs privés adossées à des actifs stables comme le dollar américain.

Circle Internet, émetteur de l’USDC, le deuxième stablecoin le plus important au monde, a fait une entrée fracassante à la bourse américaine, avec une action qui a bondi de plus de 7 fois par rapport à son prix d’introduction. Parallèlement, le Sénat américain a adopté le Genius Act, une loi qui instaure le tout premier cadre réglementaire fédéral pour les stablecoins. Ce texte impose notamment une couverture en réserves à 100%, des audits obligatoires et le respect des règles de lutte contre le blanchiment d’argent, afin de réduire les risques systémiques et renforcer la confiance des utilisateurs.

Cette légitimation des stablecoins marque une étape clé vers l’intégration des stablecoins dans la finance traditionnelle. Elle ouvre la voie à une multitude d’émetteurs potentiels : banques, fintechs, mais aussi grandes enseignes de la distribution, qui pourront lancer leurs propres stablecoins ou les intégrer à leurs systèmes de paiement existants.

L’application la plus immédiate – et sans doute la plus prometteuse – est celle des paiements transfrontaliers et B2B, où les stablecoins offrent une alternative plus rapide et moins coûteuse aux réseaux de paiement traditionnels.

Deux poids lourds du secteur des paiements, Fiserv et PayPal, ont ainsi annoncé des initiatives autour des stablecoins, visant à moderniser leur infrastructure pour les services de transfert et de règlement.

JPMorgan a lui aussi fait une entrée remarquée sur ce nouveau marché avec le JPMD, un jeton adossé à ses dépôts bancaires en dollar américain, émis sur la blockchain Base développée par Coinbase. Le JPMD permet des transferts quasi instantanés en dollars, et représente une alternative aux stablecoins leaders.

Le secteur du e-commerce accueille également les stablecoins à bras ouverts. Shopify, en partenariat avec Stripe et Coinbase, prévoit de permettre aux commerçants d’accepter des paiements en USDC d’ici la fin de l’année, avec des règlements possibles en monnaie locale ou directement en USDC. Amazon et Walmart étudient quant à eux des stratégies autour des stablecoins, même si l’on ne sait pas encore si elles viseront en priorité les paiements clients ou l’optimisation des paiements B2B avec leurs fournisseurs étrangers, un domaine à fort potentiel d’économies.

Il est intéressant de noter ici que la concurrence des réseaux de cartes traditionnels comme Visa et Mastercard est relativement faible dans le B2B, laissant ainsi la porte ouverte à des solutions innovantes.

En revanche, en ce qui concerne les paiements des consommateurs, l’adoption des stablecoins devrait prendre plus de temps. Les cartes bancaires devraient en effet rester dominantes, grâce à leur large acceptation, leur facilité d’utilisation, leurs programmes de fidélité et leurs garanties consommateurs. À court terme, nous pensons donc que ce type de paiements en stablecoins devraient rester un marché de niche et que Visa et Mastercard ne courent qu’un faible risque de perte de parts de marché.

L’initiative de Shopify, que nous avons abordée plus haut, pourrait toutefois servir de test intéressant pour évaluer le rythme d’adoption des stablecoins par les consommateurs pour des paiements discrétionnaires usuels (vêtements…).

Quoi qu’il en soit, les stablecoins sont clairement en voie de jouer un rôle structurant dans l’écosystème bancaire et financier, comme en témoigne l’intérêt marqué des multinationales ces dernières semaines.

Pour les investisseurs actions, les moyens de jouer cette thématique sont limités et Circle constitue le moyen le plus direct. Circle devrait bénéficier de la croissance de la demande en stablecoins (et donc de l’offre de pièces en circulation) et de l’augmentation des revenus d’intérêts sur ses réserves placées en bons du Trésor américain, à condition bien évidemment que les taux d’intérêt américains ne baissent pas significativement. 

La valorisation n’est certes pas bon marché, Circle se négociant à 17 fois les revenus estimés pour 2026. Au-delà d’un rythme de croissance de 25 à 30% par an sur son cœur d’activité, cette valorisation pourrait se justifier par le décollage de nouvelles activités (émission de stablecoins sous marque blanche pour des entreprises, tokenisation d’autres actifs…) et une forte expansion des marges. A noter que Circle est déjà profitable avec une marge opérationnelle autour de 10% et a une base de coûts largement fixe, permettant d’envisager des marges bien plus importantes dans le futur.

Coinbase représente l’autre moyen de jouer la thématique. D’une part, le géant des cryptos est le partenaire initial de l’USDC et de Circle avec lequel il partage les revenus générés. D’autre part, Coinbase propose, à l’instar de Circle, son infrastructure et l’accès à sa base d’utilisateurs à des entreprises désireuses de lancer leurs propres stablecoins. Cette nouvelle source de revenus pourrait accélérer la croissance de Coinbase et, là encore, améliorer sensiblement sa profitabilité.