
Les récentes évolutions de la politique économique américaine suscitent des interrogations sur les perspectives macroéconomiques mondiales. Dans cette interview, François Collet, directeur adjoint de la gestion chez DNCA Finance, analyse les effets de ces changements.
Comment ces changements ont-ils affecté votre vision macroéconomique?
D’une part, cela représente un changement majeur pour la mondialisation et donc pour l’économie mondiale. Le flux de marchandises ne croîtra plus à l’avenir au rythme observé ces dernières années. D’autre part, la confiance, qui repose en partie sur des politiques économiques claires et stables, ne devrait pas revenir de sitôt, les fluctuations de l’administration américaine étant difficiles à anticiper pour les décideurs économiques.
Les chances d’une récession aux Etats-Unis ont-elles augmenté?
Oui, je pense que les probabilités ont augmenté. Si l’on examine les différents piliers de la croissance: d’abord, les dépenses gouvernementales américaines, qui sont déjà en contraction en raison des actions du département de l’efficacité gouvernementale, ce qui n’aidera probablement pas la croissance; ensuite, du côté des investissements, le resserrement des conditions financières et l’augmentation de l’incertitude signifient que la probabilité d’une récession a augmenté. Pour nous, le sujet crucial est: que se passera-t-il avec le troisième pilier – le consommateur? Nous pensons que la question principale est: «Le consommateur américain peut-il continuer à consommer à un niveau élevé?» Une grande partie de la réponse réside dans le chiffre de l’inflation qui sera publié dans les mois à venir. Si l’inflation reste en dessous de 4% (ce qui correspond à la croissance salariale prévue), le ralentissement sera probablement limité et l’économie américaine pourra éviter une récession. En revanche, si les prix augmentent plus rapidement, les revenus réels tomberont dans le négatif, et ni le taux d’épargne ni l’effet de richesse des développements du marché ne permettront aux ménages de compenser cette baisse de revenu. Il est donc très probable qu’une inflation supérieure à 4% réduira la consommation, entraînant ainsi une croissance négative.
L’impact sur les prix devrait se faire sentir principalement pendant l’été, car de nombreuses entreprises auront constitué des stocks dans les mois précédents, comme en témoigne la forte détérioration de la balance commerciale américaine. À très court terme, il est possible que nous assistions à l’effet inverse sur la consommation, avec de nombreux ménages se précipitant pour acheter des biens avant que les prix n’augmentent. Cela dit, si nous connaissons une récession, nous pensons qu’elle sera probablement légère. Nous ne pensons pas qu’elle ressemblera à celle de 2008, car le niveau de la dette privée, tant des ménages que des entreprises, est faible, ce qui devrait aider à limiter les retombées.
Quel impact la guerre commerciale aura-t-elle sur l’économie européenne?
L’impact de cette guerre commerciale sur l’économie européenne devrait se traduire par un ralentissement de la croissance à travers une baisse des exportations et une attitude attentiste en matière d’investissement. Si les ménages européens ont les moyens d’augmenter leur consommation, cela agira davantage comme un tampon que comme un accélérateur. Le plan de relance fiscal allemand soutiendra également la croissance sur le vieux continent, mais un impact significatif ne devrait pas être attendu avant au moins 2026, et d’autres pays européens n’ont pas les moyens d’augmenter considérablement leurs dépenses.
En ce qui concerne l’inflation, l’impact de cette guerre commerciale devrait être beaucoup plus faible en Europe, compte tenu du faible niveau de représailles attendu de la part de la Commission européenne. Au final, l’impact sur l’inflation devrait même être négatif en raison de la baisse des prix des matières premières et de l’appréciation de l’euro. Cela devrait permettre à la BCE de poursuivre ses baisses de taux et, potentiellement, de déplacer sa politique monétaire vers un territoire légèrement accommodant.
Les obligations d’Etat restent-elles une couverture contre la récession?
Je pense toujours qu’elles constituent une couverture valable. Nous avons constaté beaucoup de craintes concernant le statut des titres du Trésor et du dollar américain, et bien que je pense que le statut du dollar soit discutable, je ne pense pas que ce soit le cas pour le marché obligataire américain. La Réserve fédérale dispose de tous les outils nécessaires pour gérer le marché obligataire. De manière similaire à ce que nous avons vu avec la Banque d’Angleterre en 2022, nous ne croyons pas que la Fed permettra une augmentation désordonnée des taux d’intérêt américains. Cela dit, nous pourrions voir un ajustement des déficits jumeaux en raison de la baisse du dollar.
Les mouvements du marché ont-ils changé votre perception de la duration?
Nous avons tendance à être orientés vers la macroéconomie, et la macroéconomie ne bouge pas aussi vite que le paysage politique. Cela dit, nous avons légèrement allongé la duration. Nous pensons que nous allons voir un faible rendement et une inflation plus élevée aux Etats-Unis, tandis qu’en Europe, nous nous attendons à ce que la BCE réponde à une inflation plus faible dans la zone euro en abaissant ses taux.
Achevé de rédiger en avril 2024.
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