A l’instar des marchés actions, les marchés de taux en zone euro ont connu des mouvements marqués au cours des derniers mois. A la hausse dans le sillage de l’annonce du plan de relance allemand, avec un taux swap 10 ans qui est remonté de plus de 30 points de base en mars. Puis à la baisse avec la montée de l’aversion pour le risque aux Etats-Unis (-23pb en avril). Enfin, depuis début mai, ils repartent à la hausse d’une dizaine de points de base alors que le risque de récession recule aux Etats-Unis compte tenu de la détente sur les guerres commerciales.
Dans ce contexte, difficile d’y voir clair et d’identifier les tendances qui se dégagent. La hausse des droits de douane est-elle haussière taux en raison du risque inflationniste ou au contraire baissière via le risque de récession causé par le choc d’incertitude?
Au cours des dernières semaines, la remontée des taux est le résultat de facteurs globaux plutôt rassurants. L’apaisement des craintes sur les guerres commerciales réduit le risque de récession, qui effrayait les marchés le mois dernier. Si la croissance reste bien orientée, la Réserve Fédérale ne sera pas amenée à baisser les taux autant que ce que le marché escomptait. Cela fait monter les taux courts et cette dynamique se traduit sur la partie longue de la courbe des taux, en dollars et en euros.
L’influence de ces facteurs globaux sur les taux euros offre des opportunités selon nous car la BCE maintient un biais accommodant et devrait baisser les taux directeurs en deçà de 2% cette année, versus 2,25% à l’heure actuelle. Les tensions commerciales font peser un risque sur la croissance, qui a mené la banque d’Angleterre à baisser ses taux il y a quelques jours. Les prévisions de croissance d’ici fin 2027 de la BCE et du FMI restent basses, à 1,1-1,3% par an en zone euro.
D’un point de vue moyen terme, les taux swaps à 10 ans en euros sont aujourd’hui dans la borne basse du corridor 2,5-3,5% dans lequel ils évoluent depuis septembre 2022. Nous pensons qu’ils vont revenir vers le bas de la fourchette 2,0%-2,5% d’ici fin d’année et qu’il y a un risque non négligeable qu’ils cassent à la baisse au cours des prochaines années, dans une fourchette 1,5-2,0% voire en dessous à plus long terme, compte tenu des dynamiques démographiques, technologiques, et géo-stratégiques.
Les progrès technologiques et vieillissement de la population continuent de militer pour des taux bas. Aussi, la globalisation et la faiblesse de l’inflation en Chine reste un vecteur de désinflation. Ces deux points sont évidemment sujet à débat car on peut facilement dresser des tableaux noirs sur l’inflation en raison des droits de douane, de la transition énergétique et du risque de dé-globalisation.
Un facteur qui renforce notre conviction baissière sur les taux est la baisse récente du prix du pétrole, qui nous paraît durable. L’Arabie Saoudite se désolidarise de l’Opep, se rapproche des Etats-Unis (avec une coopération sur le nucléaire civil qui se met en place) et augmente sa production. Nous estimons que la surproduction de brut au niveau mondial est amenée à durer au cours des deux prochaines années et qu’elle devrait maintenir les prix du brut autour de 60 dollars le baril, voire en dessous. Si les impacts sont immédiats sur la composante énergie de l’inflation, il y a aussi de effets de second tour sur l’inflation cœur, qui devrait convaincre les banques centrales de poursuivre la baisse des taux directeurs au S2-2025 et en 2026.
Enfin, ce qu’on constate en Suisse à l’heure actuelle, où les taux interbancaires à deux ans sont revenus en territoire négatif comme nous l’escomptions, est susceptible de se produire à nouveau en zone euro à l’avenir. Le niveau actuel des taux offre des opportunités qu’il convient de verrouiller pour le moyen terme. L’Europe en particulier souffre d’un excès d’épargne et d’un déficit de consommation, qui a un effet baissier sur les taux à long terme.