Donald Trump négocie des droits de douane moins élevés qu’initialement, mais il continue de croire aux mérites de cette taxe. Il continue de rappeler la prospérité de l’«ère dorée» de l’histoire américaine, à la fin du 19e siècle. Les économistes sont quasi unanimes à souligner les défauts de cette comparaison. «L’accumulation de capital et la croissance démographique ont conduit à une plus grande productivité et à une division du travail plus spécialisée. Ce n'était pas dû aux droits de douane», juge Joshua Mawhorter, sur le blog de l’Institut Mises. A son avis, «les droits de douane ont sans doute entravé ce processus. En outre, la croissance économique a augmenté après la Seconde Guerre mondiale alors que les droits de douane diminuaient largement; En réalité, ces dernières années, les Etats-Unis ont multiplié les freins au commerce. Quel était leur rang avant l’arrivée de Donald Trump et qu’en sera-t-il dans un an?
Si les Etats-Unis sont encore considérés comme l’un des systèmes les plus libéraux, la réalité permet d’en douter. L’économiste Dan Mitchell, sur son blog International Liberty, a procédé à une analyse des classements des pays les plus ouverts aux échanges. Il a analysé les travaux de l’OMC, de la Heritage Foundation, de la Banque Mondiale, de l’Institut Fraser et de la Tholos Foundation. Dans aucune de ces analyses comparatives, les Etats-Unis ne figurent dans les dix pays les plus ouverts au commerce. Et il s’en faut de beaucoup.
«La récente baisse du billet vert témoigne des risques d’une politique de restriction aux échanges».
Très loin des premiers rangs
En termes d’ouverture au commerce, les Etats-Unis ne sont qu’au 69e rang selon la Heritage Foundation, 61e la Tholos Foundation, 53e l’Institut Fraser, 51e la Banque Mondiale et 14e l’OMC, note Dan Mitchell.
Les Etats-Unis forment un très vaste marché qui respecte la propriété privée et encourage l’innovation, mais, avant même l’entrée en fonction de Donald Trump il était plus restrictif avec l’extérieur qu’on n’aurait pu le croire. Et lorsqu’ils émettent des droits de douane, ils frappent particulièrement fort leurs alliés géopolitiques qui sont les plus chauds partisans de l’économie de marché.
L'indice de la Tholos Foundation est moins connu que d’autres. Son indice pour 2025 a pour mérite d’une estimation prospective. Parlant des mesures de Donald Trump, «si ces barrières restent en place - et, à l'heure où j'écris ces lignes, la question reste incertaine –, les États-Unis dégringoleront à la 113e place sur 122», indique Lord Dan Hannan en introduction de ce rapport. Avant les droits de douane, cet indice 2025 place les États-Unis au 61e rang, une position médiocre qui, selon le rapport, «reflète leur nombre relativement faible d'accords commerciaux, leur penchant pour les actions protectionnistes à l'OMC et le maintien d'une série de barrières non tarifaires». Ce qui rend le déclin des États-Unis alarmante aux yeux de la Tholos Foundation, «c’est qu'il ne s'agit pas d'un revirement complet, mais plutôt de l'exagération et de l'accélération d'une tendance qui se développe depuis 2008».
Les pays de l’Union européenne, qui forment aussi un très grand marché, sont également mal classés selon les différents classements. Selon la Heritage Foundation, en Europe, seuls le Liechtenstein et la Suisse (7e) sont présents dans le Top 10. L’OMC ne place aucun pays de l’UE, ni la Suisse d’ailleurs, dans le Top 10. La Banque Mondiale non plus, s’il faut préciser que le Royaume-Uni est 10e. La Tholos Foundation place les Pays-Bas au 8e rang, , le Royaume-Uni au 9e. L’Institut Fraser est plus favorable puisque les Pays-Bas sont au 3e rang, devant Malte, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, l’Estonie et la France.
L’offensive contre les déficits est mal ciblée. Comme le montre Dan Mitchell, «un déficit commercial n'est que le reflet d'un excédent d'investissement. En clair, lorsque des étrangers gagnent des dollars en vendant des biens et des services à des Américains, ils décident souvent que la meilleure façon d'utiliser ces dollars est d'acheter des actions, des obligations et des biens immobiliers américains.»
«En termes d’ouverture au commerce, les Etats-Unis ne sont qu’au 69e rang selon la Heritage Foundation».
Une réaction surprenante du dollar
Les partisans du mercantilisme «Trumpien», de Scott Bessent à Stephen Miran, pensaient pourtant que les droits de douane pousseraient le dollar à la hausse. Le Secrétaire au Trésor estimait que des droits de douane de 10% augmenteraient de 4% la valeur du dollar. La réaction des marchés a été différente. Le dollar perd régulièrement des points. L’économiste Brad Setser, chercheur au Council of Foreign Relations (CFR), écrit sur le blog du CFR que cinq théories permettent d’éclairer pourquoi les tarifs ont mené à un recul du billet vert.
La première tient au fait que les droits de douane sont une forme d’impôt. Or une consolidation fiscale est mauvaise pour le dollar. Deuxièmement, une récession est négative pour les actions américaines. Or un grand nombre d’investisseurs détiennent des titres américains. La troisième concerne Pékin, la cible privilégiée des Etats-Unis. Cette fois, Pékin a la chance d’entrer dans le conflit commercial avec une monnaie largement sous-évaluée. Elle peut s’abstenir d’intervention et laisser le dollar reculer. Quatrièmement, l’Europe a réagi aux tarifs par une politique budgétaire expansive que n’attendaient sans doute pas les dirigeants américains. Les capitaux internationaux prennent ainsi le chemin de l’Europe. Enfin, la politique isolationniste des Etats-Unis a réduit l’intérêt à détenir des dollars dans le monde.
La tentative «Trumpienne» de créer un nouvel ordre mondial a surtout instauré une instabilité que répercutent les marchés financiers. Dans son nouveau livre,«Our dollar, your Problem» (Yale, 2025) Kenneth Rogoff rappelle que «la stabilité vantée par les banques centrales au cours du dernier demi-siècle est un artefact d'une période où la globalisation du commerce et de la finance se sont accrues, les conflits entre les grandes puissances se sont estompés et le populisme a été supprimé». Il ajoute que durant cette période,« le dollar s’est avéré plus dominant que jamais. Ne comptez sur la répétition de cette période, notamment en raison des dysfonctionnements politiques et des problèmes d’endettement des Etats-Unis». La récente baisse du billet vert témoigne des risques d’une politique de restriction aux échanges.