Biodiversité: le rôle crucial des investisseurs

Alvaro Ruiz-Navajas, La Financière de l'Echiquier (LFDE)

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Alors qu’une septième limite planétaire risque d’être franchie, le défi de la sauvegarde de la biodiversité s’impose aux investisseurs.

 

Selon un rapport du Potsdam Institute for Climate Impact Research, le seuil de tolérance d’acidification des océans sera prochainement dépassé, en raison principalement des volumes de CO2 déjà émis sur Terre et absorbé par les océans, et du changement climatique. De ce point de vue, les perspectives se sont assombries ces dernières semaines puisque les Etats-Unis sont sortis de l’Accord de Paris sur le climat, sous l’impulsion de l’administration Trump, favorable au «tout fossile».  

L’acidification des océans se traduit par une perturbation en chaîne de l’ensemble des écosystèmes : effondrement des populations de plancton – pilier de la chaîne alimentaire marine, de l’oxygénation des océans et de l’atmosphère –, vulnérabilité accrue du corail, des algues, des crustacés et poissons, prolifération d’espèces invasives, bouleversement des flux océaniques, érosion des fonds marins…
Face à ces défis, gestionnaires d’actifs et investisseurs ont un pouvoir d’agir à la hauteur de leur responsabilité. 

La première manche à remporter est celle de la mesure, c’est-à-dire la collecte de données permettant une évaluation crédible de l’impact des investissements sur la biodiversité. L’enjeu est d’intégrer une multitude de métriques, par exemple sur la diversité génétique, la diversité des espèces et des écosystèmes, puis de confronter ces données aux activités de l’entreprise détenue en portefeuille. En la matière, l’indicateur Global Biodiversity Score, conçu par CDC Biodiversité et Carbon4 Finance, fait figure de référence en Europe. Il permet de jauger la perte de biodiversité causée par les activités microéconomiques.

Stock-picking et objectif de préservation de la biodiversité

Ensuite, il est crucial de mettre en œuvre des stratégies d’investissement qui ciblent des entreprises pouvant contribuer à la sauvegarde et à la régénération de la biodiversité. Par exemple, des sociétés fournissant des solutions, notamment pour le traitement de l’eau, l’agriculture régénératrice, la construction verte ou encore la dépollution, afin de limiter l’impact des activités humaines. Mais aussi des entreprises ayant engagé leur transition pour réduire l’incidence de leurs produits et services sur la biodiversité. Dans le cas des écosystèmes marins, citons par exemple Xylem, dont les technologies de gestion et de traitement permettent d’améliorer la qualité de l’eau rejetée dans les océans, ou l’entreprise Advanced Drainage Systems : spécialisés dans la gestion des eaux pluviales, ses systèmes empêchent les polluants de pénétrer dans les cours d’eau, contribuant ainsi à protéger la biodiversité océanique de la contamination.  
Il est aussi pertinent pour les gérants d’actifs d’utiliser des leviers d’action extra-financiers : une approche d’engagement actionnarial, fondée sur un dialogue constructif avec les entreprises, peut par exemple  inciter ces dernières à réaliser des progrès mesurables dans leur gestion de la biodiversité. Pour les activités économiques exerçant des pressions irréversibles, à l’image de l’extraction minière, ou jugées non pertinentes pour la protection de la biodiversité, l’exclusion s’impose selon nous.

Puisque le pessimisme ouvre la voie à tous les renoncements comme l’affirmait un président de la République française, retenons qu’il a été possible de reconstituer progressivement la couche d’ozone, aujourd’hui en voie de guérison. Osons agir pour rétablir les limites planétaires.

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