Fed, quelques certitudes et de gros doutes

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 
Jay le faucon

Le premier FOMC de l’année a enfin eu lieu et nous sommes restés sur notre faim. Premier constat, et non des moindres, le 30 ans US a plutôt bien encaissé le choc, passant de 2,18% à 2,08% entre mercredi et vendredi. Le sell-off obligataire joue donc toujours à l’Arlésienne. Jerome Powell a confirmé que le tapering se terminera en mars et que la première hausse de taux devrait intervenir (sauf événement imprévu) le 16 mars. En revanche, il n’a pas tranché entre 25 et 50 points de base. Nous sommes partisans de 50 bp car la raison pour laquelle les taux Fed funds doivent être relevés est le niveau élevé d’inflation. Passer les taux de 0% à 0,25% ne changerait pas grand-chose à notre avis. Nous pensons qu’un relèvement de taux de 25 bp s’analyse différemment s’il s’agit de passer de 0% à 0,25% ou de 2% à 2,25%. Il y a soi-disant péril en la demeure, avec un CPI à 7%, donc pourquoi tergiverser? une décision timorée de 25 bp le 16 mars reviendrait à demander à un pompier d’éteindre l’incendie de Notre-Dame de Paris avec un tuyau d’arrosage!

Trois hausses de taux en 2022, mais rien n’est gravé dans le marbre.

Récapitulons: au niveau des certitudes, la Fed nous a donc annoncé un tapering terminé et une hausse de taux dans les six à huit semaines à venir. C’est bien peu mais elle a sans doute intérêt à maintenir un flou, une manière de sous-entendre «wait and see» afin de se laisser éventuellement une porte de sortie. Venons-en aux gros doutes: trois hausses de taux en 2022, mais rien n’est gravé dans le marbre. Ensuite, les minutes du FOMC de décembre avaient jeté un pavé dans la mare début janvier en mentionnant l’idée de réduction de la taille du bilan de la Fed (QT, Quantitative Tightening). Jay Powell l’a bien évoqué mais du bout des lèvres en se gardant bien de donner des éléments trop précis ou d’évoquer un calendrier. Si la perception du marché a été plus que mitigée, Wall Street trouvant le patron de la Fed trop hawkish, notre sentiment a évolué au cours de la semaine. Dans un premier temps nous avons également perçu le ton de ce FOMC comme exagérément restrictif mais nous avons, après réflexion, estimé que le flou entretenu par «Jay le faucon» était peut-être le bienvenu, laissant la porte ouverte à plusieurs options dans le cas où la croissance et l’inflation ralentiraient en seconde partie de l’année. Enfin, nous pêchons peut-être tous par excès d’optimisme comme si Omicron était le dernier variant et que la crise sanitaire touchait à sa fin. Aujourd’hui encore, personne, surtout pas l’OMS, peut nous garantir que ce sera le cas.

Stratégie de taux

Qu’avons-nous fait récemment sur le marché européen? Pas grand-chose car les spreads hybrides n’ont pas encore assez corrigé à notre goût. Nous avons poursuivi l’allègement des high beta au profit… du Bund 10 ans à +0,01% et +0,02%! Dans l’univers de crédits Investment Grade européens, nous suivons de près quelques dossiers: la saga EDF (dont le dénouement interviendra une fois connu le nom du nouveau ou de la nouvelle locataire de l’Elysée), les activistes qui essaient de monter au capital de Vodafone avec des remous en perspective et Repsol qui doit affronter une marée noire au Pérou en termes de moyens mis en œuvre pour gérer la catastrophe ainsi qu’en termes de communication. Les crédits européens ainsi que la dette périphérique devraient poursuivre leur petit bonhomme de chemin. La BCE devrait toujours être plus prudente que la Fed et dans un proche avenir, nous n’envisageons pas de hausse de taux ou d’arrêt brutal des achats d’actifs. 

Il n’a échappé à personne qu’en janvier, le High Yield a déjà effacé la totalité de sa remarquable performance 2021.

Sur le marché en dollars, nous restons également très prudents en ce qui concerne les émetteurs high beta. Il n’a échappé à personne qu’en janvier, le High Yield a déjà effacé la totalité de sa remarquable performance 2021. Nous avons songé dans un premier temps à céder nos crédits BBB à maturités 7-9 ans afin de conserver une duration globale raisonnable. Nous l’aurions fait à contrecœur car certaines obligations sont relativement rares à trouver (donc autant les conserver) et le «carry» qu’elles offrent est tout à fait convenable. Nous avons donc décidé de les conserver mais en couvrant une partie de leur duration à travers des positions shorts de contrats Futures 10 ans US (en réalité plutôt 7 ans, novembre 2028 pour être précis). Ainsi, nous pouvons appliquer une stratégie un peu plus tournée vers le «short duration credits» dans notre gestion Investment Grade sans abandonner la partie intermédiaire de la courbe. Février pointe déjà le bout de son nez et la question qui nous brule les lèvres est: Wall Street va-t-il tenir ou lâcher? Une grande partie du comportement des marchés de taux (à la fois partie longue de la courbe Treasuries et spreads de crédits) découlera de la réponse à cette fameuse question. Nos amis Chinois fêtent aujourd’hui l’année du Tigre mais en mars, aux Etats-Unis, ce sera l’année du faucon!

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