Colombes chinoises et faucons américains

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Un monde dovish

Le ralentissement chinois pressenti fin 2021 se précise et la PBoC ne tient pas à tergiverser. Elle a, comme elle l’avait d’ailleurs annoncé, réduit son taux reverse repo de 10 bp à 2,10%. Il s’agit sans doute d’un premier pas puisque les perspectives de croissance du Q1 ne s’annoncent pas très bonnes, entre baisse de la demande et poursuite des problèmes dans le secteur de l’immobilier. Symboliquement, ce geste est fort car il s’agit de la première baisse de taux depuis mars 2020, lorsque nous basculions dans l’enfer de la première pandémie. 

Les politiques plus restrictives mises en place un peu partout dans le monde seront «compensées» par l’attitude ultra-accommodante de la PBoC.

Ensuite, cette attitude dovish s’inscrit dans un cadre mondial dans lequel de nombreuses banques centrales, la Fed en premier lieu, prennent un tournant résolument hawkish pour briser l’inflation. Cet événement, car c’en est un, nous permet de rappeler notre conviction: nous analysons les politiques de banques centrales d’un point de vue global. Autrement dit, les politiques plus restrictives mises en place un peu partout dans le monde seront «compensées» par l’attitude ultra-accommodante de la PBoC. Cela signifie qu’il faudra bien entendu tirer les conséquences de telles divergences de politiques monétaires d’un point de vue allocations d’actifs et surtout évolution des cours de change. Mais d’un point de vue macro, le monde restera plus ou moins aussi dovish qu’en 2021 puisque la Chine ouvrira les vannes de sa politique monétaire. 

Quant à la Fed, elle semble désormais prise au piège de son retournement de veste très (trop?) brutal. Son tournant très hawkish ne convainc pas grand monde et les deux marchés les plus sensibles sur ce thème, le Dollar Index (DXY) et le taux US Treasury à 30 ans, sont bien la preuve qu’il y a un doute. Que la Fed monte ses taux en 2022, ce n’est plus un scoop! Mais selon nous, après une première hausse des Fed Funds au cours du deuxième trimestre, elle pourrait bien être rattrapée par la réalité (tassement de l’inflation, baisse de la croissance) et pourrait basculer en mode «wait and see». Raison de plus pour, peut-être, envisager une première hausse de taux de 50 points de base d’un coup avant une pause estivale, le temps de voir venir…

7% d’inflation, so what?

Les taux longs US sont particulièrement résistants. S’ils ont glissé d’une vingtaine de points de base depuis fin décembre, c’est uniquement dû au fait que les minutes de la Fed de décembre envisageaient un Quantitative Tightening. La semaine dernière était la semaine de tous les dangers avec la publication du CPI, suivi d’adjudications de 10 et 30 ans par le Trésor américain. Premièrement, le CPI s’est affiché à 7%, un record, mais les marchés n’ont pas réagi. Ensuite, les adjudications auraient pu se révéler catastrophiques, elles se sont déroulées sans véritable accroc. 

La volatilité va revenir, c’est une question de semaines.

Nous sommes finalement restés sur notre faim puisque nous attendions une poussée de fièvre du 30 ans vers 2,16%-2,17% pour rajouter un peu de duration. Nous verrons comment les marchés réagissent aujourd’hui après un week-end de trois jours dû au Martin Luther King Day. En termes de stratégie, nous avons poursuivi notre dégraissage de high beta en diminuant significativement nos expositions aux émergents (malgré la bonne nouvelle provenant de la PBoC) ainsi qu’aux hybrides. 

Nous adoptons une attitude prudente avec 10% de cash et presque autant de Treasuries 6-18 mois. La volatilité va revenir, c’est une question de semaines. Nous ne sommes pas en train de dire que les crédits high beta vont partir dans le décor. 2022 va être une année au moins aussi difficile que 2021 pour dégager des performances respectables: nous réduisons donc notre risque «spreads» pour mieux revenir dessus au moindre écartement significatif. Nous tentons également d’augmenter notre risque duration pure à travers une exposition plus élevée en 30 ans US mais pas à n’importe quel prix. L’année a commencé depuis seulement deux semaines mais décembre 2021 nous paraît déjà si loin. Il va encore falloir faire preuve d’humilité et de pragmatisme. Toute vérité d’un jour peut devenir obsolète en quelques heures. Vive la gestion active! 

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