Vers un nouvel écosystème financier?

Salima Barragan

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Selon les experts de la blockchain réunis par la SFAMA, l’asset management évoluera vers la digitalisation des actifs.

©Sworldguy/VisualHunt.com

Actions, bâtiments, œuvres d'art; la plupart des actifs peuvent être «tokenisés». C’est-à-dire symbolisés par des jetons virtuels et stockés dans une chaîne de blocs. Ces valeurs digitales peuvent ainsi être fractionnées, les démocratisant à tous les investisseurs. Mais avant d’atteindre ce monde financier utopique, les régulateurs devront travailler main dans la main avec les codeurs pour implanter un écosystème et sa régularisation. C’est ce qui est ressorti de la conférence organisée mercredi à Genève par la SFAMA (Swiss Funds & Asset Management Association), qui a réuni un panel d’experts pour débattre du sujet.

La Suisse dans les «startings blocks»

Aux États-Unis, à Singapour, mais aussi en Suisse, les places boursières ont commencé à s’activer pour accueillir une nouvelle génération d’investissements: elles ont lancé des plateformes d’échange dédiées aux actifs digitaux. Non seulement l’initiative de la SIX est une opportunité pour la Suisse d’exceller dans ce domaine, mais il s’agit également d’un grand pas en direction d’un monde de digitalisation des actifs.

Dans le secteur immobilier, la société immobilière Blockimmo basée à Zoug, a partiellement tokénisé un premier bâtiment d'une valeur de 15 millions de francs suisses et ses parts digitales ont été vendues avec succès. Pour Bastiaan Don, son fondateur et CEO, la Suisse fait figure de pionnière: «Actuellement, nous pouvons déjà faire beaucoup avec les lois et règlements en vigueur en Suisse», estime-t-il. Il a également tokénisé 20% du capital de sa société en émettant des jetons sur la chaîne de blocs publique Ethereum. «Dans l'ancien monde, ils représentent des bons de participation enveloppés dans un certificat global. La synchronisation d'un jeton de valeur et de l’actif est totalement conforme aux exigences réglementaires existantes», souligne-t-il.

Évolution de la gestion d’actifs

Hansjörg Hettich, directeur exécutif et membre du comité exécutif de la Multichain Asset Managers Association (MAMA), préfère se référer à une évolution de l’industrie de la gestion d’actifs plutôt qu'à une rupture. Le MAMA est une association à but non lucratif qui vise à développer l'écosystème suisse en partenariat avec des milieux universitaires de tous horizons. «A l'avenir, tous les actifs seront symbolisés, ce qui signifie que tous les investissements auront une représentation numérique sur une chaîne de blocs», explique le spécialiste. On distingue les jetons «natifs», qui n'ont pas de réalité fongible comme le bitcoin, et les actifs adossés à un sous-jacent comme les actions ou l'or.

Le concept d'un TROIF, fonds d'investissement technologique réglementé,
géré par une chaîne de blocs, est le véritable fer de lance de la vision du MAMA.

A l’heure actuelle, la blockchain reste encore difficile à utiliser, surtout auprès des acteurs les moins pointus, même si en théorie, symboliser un actif est une chose facile. De plus, les places d’échange ne sont pas légions. «Ce qui manque dans le monde numérique actuel, ce sont les possibilités de peer-to-peer, parce que nous avons encore besoin de tiers pour interagir les uns avec les autres», explique Hansjörg Hettich.

Même son de cloche du côté du Credit Suisse Asset Management. Son Chief Digital Office, Pascal Nägeli, travaille de plus en plus sur des projets liés à la chaîne de blocs, car cette technologie modifiera notre façon d’investir. «La disruption ne sera pas totale, mais cela va changer la manière de faire des affaires et de nouveaux produits seront créés», explique-t-il.

Démocratisation des actifs

La tokénisation des actifs implique un nouveau format standard. Les actions, les obligations, mais aussi la propriété d'œuvres d'art ou les paris seraient ainsi disponibles dans un unique format symbolique et pourraient être stockés dans des portefeuilles électroniques. Les contrats intelligents pourraient remplacer les intermédiaires: «Grâce à cette standardisation, il y a une harmonisation des actifs et un règlement instantané. Le rôle des dépositaires changera», explique Hansjörg Hettich. De plus, la possibilité de fractionner l'ensemble de ces actifs permettra aux petits investisseurs d'acquérir des parts infimes, chose impossible dans le monde financier actuel.  

Le concept d'un TROIF (fonds d'investissement technologique réglementé et opéré), où le fonds d'investissement est mis en place et géré par une chaîne de blocs, est le véritable fer de lance de la vision du MAMA. «Cette nouvelle structure décentralisée supprime le pouvoir des monopoles et des tiers, ce qui réduira la complexité des transactions. Les investisseurs auront leurs propres actifs dans leur wallet, et il ne sera même plus nécessaire d’avoir confiance dans les contreparties, dont la plupart de leurs services seront codés dans la chaîne de blocs», explique le spécialiste. Ce fonds n’est qu'à ses débuts, car la technologie et la réglementation doivent encore s'adapter. Et c’est ce dernier point, le développement d'une régulation de l’écosystème, qui déterminera l'avenir de la gestion des actifs. Une mission à long terme…

 

 

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