Une rotation de court terme

Communiqué, Carmignac

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La rotation des marchés vers les secteurs «value» est un mouvement de court terme, pas un changement structurel de leadership de marché

Pour l’instant, nous restons principalement positionnés sur les actions de croissance à forte visibilité, nous gardons une exposition modérée aux valeurs cycliques, principalement européennes, et nous gardons dans le portefeuille actions de Carmignac Patrimoine 7 à 8% d’or. Et nous continuons d’utiliser principalement nos investissements dans le crédit pour capter ce qui peut rester du rebond tactique de la value.

La nature de ce rebond est très inhabituelle. Il se produit alors que le sentiment des investisseurs reste très déprimé. Autrement dit, faute de visibilité sur 2021, l’horizon d’investissement des investisseurs s’est énormément raccourci, et joue la tendance immédiate, qui est soutenue par la réouverture des économies et le soutien des Etats. Et cette dynamique de court terme est naturellement exprimée via les valeurs les moins chères. Le problème est que très peu d’investisseurs envisagent probablement de détenir très longtemps les titres qui affichent les plus fortes de hausses depuis quelques semaines, parce que ce sont des titres en moyenne de très mauvaise qualité. Donc cette rotation sectorielle repose sur du sable.

Lors de la bulle Internet, les valorisations très élevées étaient liées à des attentes excessives de croissance des résultats. Aujourd’hui, le schéma est très différent. La hausse des valorisations se produit dans le cadre d’une «japonisation» grandissante de l’économie mondiale, ce qui mène à un marché à deux vitesses : d’un côté les valeurs de croissance à forte visibilité, qui bénéficient d’une forte prime de rareté, et de l’autre les valeurs cycliques qui subissent une forte décote. Les valeurs cycliques peuvent rebondir maintenant parce qu’elles étaient devenues vraiment très bon marché, mais à notre avis elles vont demeurer bon marché parce que leur croissance potentielle est devenue plus fragile que jamais.

La rareté de la croissance va plutôt devenir
un phénomène encore plus prégnant à l’avenir.

Les faillites ont commencé à se multiplier, inévitablement, en dépit du soutien des Etats. Aux Etats-Unis, le rebond apparent des créations d’emplois la semaine passée était en réalité à la limite de la manipulation statistique : beaucoup des employés temporairement sans activité ont été basculé des programmes de chômage Fédéraux vers des programmes qui passent via les entreprises : celles-ci réembauchent leurs employés, leur donnent un salaire financé par le Gouvernement, mais les laissent rester à la maison faute d’activité. C’est très malin, ne serait-ce que d’un point de vue politique et psychologique, mais ne changera rien à la consommation des ménages. Le chômage permanent, lui a commencé à augmenter le mois passé, en partant d’un niveau très bas, c’est là que la détérioration est la plus probable.

Certes la crise du Covid 19 est un évènement exceptionnel et bref, et l’activité globale va probablement rebondir maintenant en direction de niveaux plus normaux, si le virus ne nous réserve pas de nouvelles surprises. Mais quand on regarde sous le capot, ce qu’on voit ce sont des facteurs récessifs qui s’accumulent, comme les marges des entreprises, qui étaient déjà sous pression depuis plusieurs années et qui vont souffrir encore davantage, ou les taux d’endettement, publics comme privés, qui augmentent encore et qui autorisent à brosser une perspective de croissance pour 2021 très peu réjouissante.

Nous pensons que la rotation des marchés vers les secteurs «value» est un mouvement de court terme, pas un changement structurel de leadership de marché. La rareté de la croissance va plutôt devenir un phénomène encore plus prégnant à l’avenir. Les actions «value» sont bon marché par ce que leur retour sur investissement est faible (le cas des banques européennes constitue un bon exemple). Et les valeurs de croissance sont chères parce que, à travers les cycles, leur rentabilité est élevée. Dans un environnement de croissance très faible, voire de récession, cette polarisation peut faire une très grande différence et c’est pourquoi, même si nous demeurons à court terme plutôt constructifs sur les marchés, le cœur de notre positionnement sectoriel demeure inchangé.

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