Une prime de risque des actions fort tentante…vraiment?

François Savary, Prime Partners

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Une Fed qui ne semble pas vouloir plier face aux attaques de Donald Trump a perturbé les opérateurs.

Depuis juin nous ne nous sentions pas à l’aise avec la progression des marchés actions, en argumentant que les injections de liquidités, que les investisseurs avaient largement anticipées au cours du printemps, ne pourraient pas à elles seules doper les bourses. Dans ce contexte, nous avions réitéré, en juillet, notre postulat de continuer à gérer les risques dans toute politique de placement pour le second semestre 2019. La consolidation des actions au cours de l’été nous aura donné raison et justifié notre position défensive sur les actifs risqués. Nous sortons de la pause estivale avec une certaine satisfaction puisque nous avons pu éviter de trop pâtir du regain de volatilité sur les marchés.

Les causes du retour de l’aversion au risque sont connues et il n’y a pas besoin de s’étendre sur le contexte tendu tant sur le front géopolitique que sur celui des attaques récurrentes sur la liberté du commerce international, dont la Maison Blanche s’est faite le chantre. En outre, une Réserve Fédérale qui ne semble pas vouloir plier face aux attaques de D. Trump – en signifiant qu’elle entend conduire un cycle monétaire intermédiaire au regard de fondamentaux économiques qui ne sont de loin pas aussi catastrophiques que ce que le Président veut laisser croire – a perturbé les opérateurs. La conséquence immédiate est connue: les taux longs américains ont connu une «chute» brutale et historique, La peur de la Japanication de l’économie des Etats-Unis, à savoir l’entrée dans une ère de déflation et de taux zéro, s’est donc abattue sur les opérateurs.

Conjuguée à une tension sur la volatilité (indice VIX) et à une saison des bénéfices
qui a été «satisfaisante», l’attrait de la prime de risque des actions est grand.

Une nouvelle fois, Jérôme Powell se retrouve sous forte pression – mis dans la position du «vilain» par un Président qui a épuisé toutes ses armes budgétaires en début de mandat – même si tant les chiffres de l’inflation, que ceux des coûts unitaires du travail ou encore ceux des ventes de détail semblent valider son choix d’une attitude modérée dans la conduite de la politique monétaire. A cet égard, il sera intéressant d’observer les déclarations du chef de la Fed lors du Symposium de Jackson Hole, cette semaine; maintiendra-t-il le cap ou cèdera-t-il (un peu) aux pressions de Washington et des marchés financiers? La question n’est pas anodine à un moment où la prime de risque des actions a retrouvé de la hauteur, tant sous l’effet du recul de ces dernières que suite à la forte détente des rendements obligataires.

Il faut bien reconnaître qu’il devient tentant de s’intéresser à nouveau aux actions, lorsque l’on observe la prime de risque offerte par celles-ci, dans un monde où plus de 15 trillions de dettes offrent désormais des rendements négatifs. Est-ce à dire que le moment est arrivé de saisir l’occasion de renforcer sensiblement son exposition sur les bourses et de ne pas hésiter à mettre en place une surpondération de actions dans une allocation diversifiée. Il est vrai que, conjuguée à une tension sur la volatilité (indice VIX) – désormais plus en rapport avec les incertitudes diverses auxquelles nous sommes confrontés – et à une saison des bénéfices qui a été «satisfaisante», l’attrait de la prime de risque des actions est grand. Il n’en demeure pas moins que nous sommes dans la dernière phase du cycle économique et que la question du comportement de l’inflation au cours des prochains trimestres est lion d’être résolue. Dans un tel environnement, il serait erroné de se fonder sur la seule prime de risque pour s’engager dans une surpondération des actions dans un portefeuille.

Vous l’aurez compris nous ne souhaitons pas dévier de notre stratégie de placement fondée sur deux axes, la gestion des risques (au combien difficile dans le monde actuel) et une approche tactique de l’allocation d’actifs, que nous avons tenté de mettre en place depuis le début de l’année. Notre biais défensif dans la phase de consolidation estivale sur les bourses nous laisse une marge de manœuvre pour réduire notre sous-exposition. C’est sur cette dernière que nous devrions agir, sans pour autant que nous soyons vraiment attirés par l’idée de mettre tous nos œufs dans le même panier, car les actions sont loin de représenter un «bargain» évident! La visibilité économique et politique est trop limitée pour céder sans aucune modération à l’attrait de la prime de risque des actions. 

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