Un gisement inédit

Isabel Levy & Ingrid Trawinski, Métropole Gestion

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De nouvelles opportunités d’investissement sont apparues après les fortes baisses enregistrées sur certaines valeurs de croissance.

Le décrochage brutal des taux d’intérêts à long terme observé à partir de 2014 a engendré une inflation inédite des multiples de valorisation sur une partie de la cote européenne. Les secteurs peu cycliques ou prometteurs du point de vue des perspectives de croissance, i.e. des secteurs se prêtant bien à un exercice de valorisation par actualisation des flux futurs (Discounted Cash-Flow, DCF), ont particulièrement bénéficié de ce mouvement. De nombreuses valeurs ont ainsi vu, au cours de ces dernières années, leurs multiples de valorisation exploser à la hausse sous le simple effet de la baisse des taux d’actualisation utilisés pour les évaluer. Le plus souvent en total déconnexion avec leurs fondamentaux, les multiples de valorisation de ces entreprises ont atteint un paroxysme au moment de l’éclatement de la crise sanitaire.

Mais à l’instar de nombreux actifs à duration longue, ce pan de la cote, très représenté dans les indices «growth», a particulièrement souffert depuis le début de l’année dans un contexte marqué par le retour de l’inflation et une forte remontée des taux d’intérêts à long terme. Le PER du MSCI Europe Growth accuse ainsi un recul marqué passant de 26x en début d’année à 20x à fin mai. Une compression de multiple impressionnante mais dont le niveau représente toujours 125% de la moyenne de long terme de cet indice. Si la grande majorité des sociétés appartenant à ce segment n’ont donc pas encore gommé leurs excès de valorisation, certaines d’entre elles affichent cependant des décotes attrayantes.

Utiliser une approche de valorisation industrielle ouvre un gisement d’opportunités d’investissement inédit.

Il serait erroné d’évaluer les opportunités d’investissement d’un gérant «value» uniquement à partir des critères de valorisation retenus pour la construction des indices «value». Une approche basée sur une valorisation industrielle des entreprises ouvre un spectre beaucoup plus large et conduit parfois à investir dans des sociétés traditionnellement considérées comme des valeurs de croissance. Or les sociétés ne sont intrinsèquement «growth» ou «value». En effet, toute société, au cours de son histoire boursière, peut basculer dans l’une ou l’autre de ces catégories.

Le luxe, un bon exemple

Secteur par nature associé à la croissance, le luxe n’apparait pas à première vue comme une opportunité d’investissement pour un gérant value. Reste qu’en 2008, au moment de la grande crise financière, ou encore en 2014, au moment de l’instauration des mesures anti- corruption en Chine, des opportunités «value» sont apparues dans le secteur du luxe. Ces aléas de court terme ne remettaient pas en cause la rentabilité structurelle de ces groupes de luxe mais en introduisant des craintes de ralentissement de l’activité, ils ont participé à effacer les primes de croissance qui leur étaient à l’époque conférées. Les annonces de confinement prises par la Chine au cours de ces derniers mois face à la résurgence de la COVID et plus récemment les craintes de récession mondiales ont eu les mêmes effets sur la valorisation de certaines sociétés de ce secteur et ouvrent une nouvelle fenêtre d’opportunités d’investissement.

Pour exemple, le titre Kering dont le PER 12 mois est passé de 25x à 14x en l’espace de quelques mois. Son multiple de valeur d’entreprise/chiffres d’affaires a fortement chuté passant de 5,5x à 3x. Même en intégrant un scénario de récession, ce multiple resterait en deçà de la valorisation industrielle d’un groupe de luxe qui se situe à plus de 4x le chiffre d’affaires.