Suisse/UE: quel avenir après Salzbourg?

Nicolette de Joncaire

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L'accord-cadre institutionnel est la clef unique de toute relation entre la Suisse et l'Union européenne. 

Au Sommet de Salzbourg, la semaine dernière, deux dossiers: la question migratoire et le dénouement du Brexit. Autant dire que les relations entre la Suisse et l’Union européenne n’y tenaient aucune place.  Il est vrai que la Suisse fait un peu figure de dernière roue du carrosse au regard des affaires de l’Union européenne. Ce qui, toute honte bue, n’est pas surprenant. Si les Suisses sont obnubilés par le comportement de leur immense voisin, la Suisse n’est qu’un tout petit caillou dans la chaussure européenne. Question de proportion.

Bourse suisse: l’échéance est proche

Accordée seulement pour un an en décembre dernier, l’équivalence boursière de la Suisse est essentielle pour que les investisseurs étrangers puissent continuer d'acheter et de vendre librement les titres, domestiques ou étrangers, cotés en Suisse. La limitation dans le temps de cette équivalence a été, à juste titre, perçue par la Suisse comme discriminatoire, d’autant qu’une équivalence pleine a été reconnue aux bourses d’Etats tiers comme Hong Kong ou les Etats-Unis. Pour Bruxelles pas d'équivalence de la Bourse suisse sans accord-cadre institutionnel. Pour la Suisse, le non-renouvellement de cette équivalence en décembre serait un signal hostile.

Passeport financier: quelle équivalence?

Peu importe semble-t-il que l'Autorité européenne des marchés financiers ait pratiquement déjà reconnu l’équivalence de la loi sur les services financiers (LSFin) et de la loi sur les établissements financiers (LEFin) qui toutes deux s’inspirent de la réglementation européenne. Même si, par le passé, la Commission européenne a associé, dans une certaine mesure, reconnaissance technique et reconnaissance politique, l’évaluation finale sera purement politique. Le marché financier étant au cœur des négociations avec la Grande-Bretagne, pas question pour l’UE de créer un précédent indésirable avec la Suisse sur de simples bases techniques. Etonnant d’ailleurs puisque Bruxelles défend vigoureusement le régime des équivalences alors que la Grande-Bretagne n’en veut pas, lui préférant un accord de libre-échange large. Mais en arrière-plan, se profile encore une fois l’accord-cadre institutionnel.

DE L'Accord-cadre institutionnel

C’est sur l’adaptation dynamique des acquis de l’UE et sur le règlement des différends dans le contexte des accords existants[1] que porte l’essentiel des points en suspens mais pas uniquement. Se pose aussi la question des subventions publiques qui aux yeux européens faussent la concurrence et dont l’abolition toucherait, entre autres, certaines banques cantonales. Le communiqué du Département fédéral des affaires étrangères de mai 2018 est éloquent : «L’interprétation homogène du droit de l’UE repris dans les accords bilatéraux doit être assurée conformément aux principes du droit international public et à la jurisprudence pertinente de la Cour de justice de l’UE». Arbitrage ou pas, l’interprétation de la Cour européenne de Justice pèsera lourd. S'il y avait encore un doute, il est clair qu'après Salzbourg, l’UE ne dérogera pas. Un «oui» à la votation populaire du 25 novembre sur l’initiative pour l’autodétermination de l’UDC[2] gripperait donc définitivement la machine.

Alors?

Confrontée au Brexit, aux divisions sur la question migratoire et à bien d’autres clivages, les institutions de l’UE perçoivent aujourd’hui tout désalignement de la Suisse comme un risque pour la cohésion de l'Union, nul ne lui étant reconnaissant des concessions qu’elle a pu faire (ou continue de faire) pour préserver ses relations avec l’Union[3]. Vu de l'UE, le bottom-up n'a pas lieu d'être. Sa stratégie est exclusivement top-down. 

 

[1] Accord de libre-échange de 1972, accords bilatéraux I de 2000 et accords bilatéraux II de 2005

[2] «Le droit suisse au lieu de juges étrangers (initiative pour l’autodétermination)»

[3] En dehors des lois sur les services financiers, on pense bien évidemment aux aménagements autour de la votation contre l'immigration et au projet de réforme fiscale

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