Quel scénario pour le cacao?

Nitesh Shah, WisdomTree

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La courbe des prix à terme pour le cacao a récemment enregistré son déport le plus marqué depuis 35 ans. Faut-il vraiment s’attendre à une hausse?

Les prix à terme du cacao ICE négocié à New York ont augmenté de près de 25% entre le 12 et le 19 novembre 2020. Une telle hausse paraît étrange dans la mesure où la demande s’est ralentie depuis le début de la pandémie. Les chiffres de broyage des fèves confirment d’ailleurs cette faiblesse, tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Alors, comment expliquer ce rebond du prix à terme?

Depuis le 1er octobre de cette année, la Côte d'Ivoire et le Ghana, qui sont les deux plus gros producteurs mondiaux, ont ajouté une taxe de 400 dollars par tonne de cacao au prix franco à bord. Ce mécanisme de vente aux importateurs qui ont conclu des contrats bilatéraux avec ces pays est appelé «différentiel de revenu décent». Il vise à mieux rémunérer les cultivateurs afin qu’ils ne changent pas d’activité. La prime actuelle s’appliquera durant toute la campagne 2020/2021 qui a débuté en octobre et sera révisée l’année prochaine.

Le cours du cacao reste déprimé et ceci s’explique
par la faiblesse d’une demande anémiée par la pandémie.

Sur le marché, le cours du cacao reste néanmoins déprimé et ceci s’explique par la faiblesse d’une demande anémiée par la pandémie. Jusqu’à la semaine dernière, les contrats à terme sur le cacao négociés à New York reflétaient cet état de fait. Un certain nombre d’acheteurs sont revenus sur le marché à terme de New York pour acquérir leurs fèves.

La faute aux négociants?

Or, le lundi 16 novembre était le premier jour où les négociants devaient notifier à leurs contreparties leur intention de prendre livraison de la matière première physique pour les contrats arrivant à échéance le 15 décembre. Ce jour-là, le prix des contrats a bondi, indiquant qu’il était sous-évalué la semaine précédente. Aussi, la courbe des prix des contrats à terme qui était en report (1) le jeudi 12 novembre, est passée en déport (2) et ce, manière très importante. Le timing de ce mouvement montre qu’il résulte davantage des décisions des négociants plutôt que de celles des spéculateurs.

Dans un scénario baissier, la demande de cacao resterait faible et un certain
temps serait nécessaire pour qu’elle revienne à son niveau antérieur.

On relève par ailleurs que les prix des contrats portant sur la première échéance de décembre ont passablement bougé, alors que le contrat «actif», celui qui entre dans la composition du sous-indice Bloomberg pour le cacao, est le contrat à échéance mars 2021. Or, même si le prix de ce dernier a augmenté, sa hausse n’a pas été aussi importante que celle observée sur le contrat à échéance décembre 2020. 

Hausse de la demande vs conscience des consommateurs?

Partant de là, deux scénarios sont envisageables, l’un haussier et l’autre baissier. Dans le premier cas de figure, le contrat à terme ICE à échéance mars 2021 pourrait suivre une tendance similaire à celle qui est alimentée par les achats de négociants et qui est haussière du fait de l’approche de la date de la livraison physique. Dès le moment où les livraisons physiques pour le contrat décembre 2020 commencent à intervenir, les stocks diminuent, ce qui a pour effet de pousser le cours du cacao à la hausse, en direction des prix pratiqués par le Ghana et la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, l’arrivée de vaccins contre le coronavirus pourrait faire augmenter la demande de cacao durant l’année à venir.

En revanche, dans un scénario baissier, la demande de cacao resterait faible et un certain temps serait nécessaire pour qu’elle revienne à son niveau antérieur. En outre, les consommateurs devenant de plus en plus conscients de leur responsabilité sociétale, on peut se demander si une réaction brutale de leur part serait en mesure de dissuader les importateurs de se fournir à New York plutôt que, directement, en Afrique de l’ouest.

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