Quel est le coût du COVID-19?

Salima Barragan

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Selon le think tank HJS, la Chine s’expose à des poursuites de 3500 milliards de dollars US. Le point avec Arthur Jurus de Landolt.

D’après le Règlement sanitaire international (RSI), la Chine pourrait être remise en cause dans sa gestion de la pandémie. Le Think Tank Henry Jackson Society estime que les poursuites contre la Chine pour violation des accords s’élèvent à 3500 milliards de dollars US, rien que pour les membres du G7. Un coût global vraisemblablement très loin de la réalité car il n’inclut ni le reste du monde, ni les pertes résultant d’une récession à venir. Au-delà des répercutions économiques, la Chine peut-elle être tenue pour responsable? Le débat promet d’être enflammé.  

Un coût mondial bien supérieur à 9000 milliards de dollars

Quelques calculs pour commencer. Le PIB annuel du G7 est de 25 trillions de dollars, soit près du tiers de la richesse mondiale. «Le chiffre de 3'500 milliards annoncé représente ainsi 10% du PIB du G7, un niveau bien inférieur aux 25% des soutiens budgétaires déjà annoncés par ces Etats, auxquels il convient d’ajouter la perte d’activité liée à une récession d’au moins 4%, soit 1000 milliards de dollars supplémentaires», estime Arthur Jurus, Chef économiste chez Landolt et Cie pour qui le coût total des pays du G7 dépasserait largement les estimations de l’institut de recherche britannique.

Très peu de pays disposait d’infrastructures, de ressources ou de schéma
de confinement suffisants pour prévenir une aggravation des contaminations.

De même, en avril le Fonds Monétaire International chiffrait de son côté le coût du Covid-19 à 9000 milliards de dollars, soit 10% du PIB mondial. Une estimation bien timorée qui ne tient non plus pas compte du coût budgétaire de tous les pays impactés ni de l’effet conjoncturel à terme de la crise. «La trajectoire de la croissance à long-terme sera durablement inférieure à celle pré-Covid. D’ailleurs, la Banque Mondiale a démontré que le PIB potentiel mondial se réduirait de 5% d’ici 2025», poursuit-il. Une facture sur plusieurs années qui s’élève bien au-dessus de la barre des 9'000 milliards de dollars articulés par le FMI.

Des responsabilités partagées?

Une étude de l'Université de Southampton a calculé que si la Chine avait introduit des mesures de quarantaine strictes trois semaines plus tôt, la diffusion mondiale de la pandémie aurait été réduite de 95%. Ce qui revient à dire que la Chine aurait dû réagir plus vite et annuler tous les vols internationaux sortants. D’après le HSJ, ses manquements sont clairement sanctionnables. «En janvier, la Chine a fourni à l'OMS des informations erronées sur le nombre d'infections, en violation des articles 6 et 7 du Règlement sanitaire international (RSI), un traité dont la Chine est signataire et donc tenue de respecter. De plus, elle n'a pas interdit les vecteurs évitables d'infections virales d'origine animale, en violation de l'article 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels», lit-on dans leur rapport.

Arthur Jurus ne partage pas cette position: «Toute crise est par définition organisationnelle. La Chine n’avait pas à gérer la réponse internationale et il y a un débat sur le partage et le traitement de l’information sur la situation sanitaire à fin 2019». Les torts pourraient-ils être partagés? «Très peu de pays disposait d’infrastructures, de ressources ou de schéma de confinement suffisants pour prévenir une aggravation des contaminations. Que les capacités hospitalières américaines rapportées à la population soient six fois inférieures à celles du Japon ne se justifient pas par la Chine. La réaction des autorités a donc été faite dans l’urgence et celles-ci devront répondre de leur politique auprès des populations», poursuit-il.

L’absence de confinement aurait eu un effet négatif plus important sur le
long-terme dans la mesure où la durée de la pandémie aurait été rallongée.
Le coût d’un confinement

Alors que la Bak a estimé le coût de la crise en Suisse à 81 milliards de francs suisses, l’on peut se demander quelle part est imputable aux mesures du confinement imposées par la Confédération. De l’avis d’Arthur Jurus, l’impact conjoncturel pour les économies dépend peu du degré de confinement. «Par exemple, la croissance suédoise devrait se contracter de 6% en 2020 en raison de la baisse des exportations qui représentent la moitié de son PIB. Pour la Suisse qui est dans la même situation, l’absence de confinement aurait eu un effet négatif plus important sur le long-terme dans la mesure où la durée de la pandémie aurait été rallongée, ce qui aurait accentué l’ampleur des sous-investissements qui suivent historiquement les épisodes de pandémie», argumente-il.                                    
La Chine passera-t-elle à la caisse?

Quels que soient les torts de la Chine, «il semble très peu probable que des demandes d’indemnisations aboutissent, car aucune juridiction internationale n’est légitime pour exiger unilatéralement une indemnisation financière à la Chine, du moment que celle-ci ne reconnaît pas son autorité», affirme Arthur Jurus. En théorie, le règlement sanitaire international au sein de l’Organisation Mondiale de la Santé pourrait être dénoncé, mais en pratique, aucune sanction n’a jamais été prononcée. Ce serait donc une première. Alternativement, l’on pourrait aussi imaginer, comme cela a été proposé en France, la création d’un tribunal sanitaire international doté d’une réelle autorité supranationale.

Le coût d’une vie sauvée

L’on ne peut clore le débat sans évoquer le coût d’une vie sauvé du covid-19. Certains experts économiques ont évalué le coût de la prolongation de la vie d’une personne ayant survécu au Covid-19 à 10 millions de francs suisses pour un an. Pour Arthur Jurus, ces 10 millions de francs correspondent soit au coût budgétaire du manque de préparation des autorités, soit au coût que devrait supporter une société pour préserver la vie d’une personne. S’il est encore un peu tôt pour établir le coût total du Covid-19, le coronavirus aura en revanche établit le prix que les Etat sont prêts à payer pour sauver une année de vie: 10 millions.

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