Quand la Chine volait au secours des Etats-Unis

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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C’est au cours de la crise de 2008 que se révèlent le rôle cardinal de la Chine et le poids croissant des économies émergentes.

 

C’est entendu, la crise des subprimes aux Etats-Unis, «l’acheteur de premier recours», comme l’a qualifié l’économiste Yanis Varoufakis1, a entraîné le monde dans une récession majeure. C’est entendu aussi, les causes et les responsables – à commencer par le secteur financier – sont multiples. De nombreux écrits, cherchant à les identifier, en ont mesuré l’importance. Parmi les «coupables», la Chine figure en bonne place. Son rôle dans la formation de la bulle financière a été double: d’une part au travers d’une forte baisse des prix des biens qu’elle exporte de plus en plus depuis son accession à l’OMC, et d’autre part, en recyclant son épargne accumulée en dollars aux Etats-Unis, ce qui contribue à maintenir les rendements obligataires au plus bas. Ce faisant, elle aurait été indirectement responsable du manque de réactivité de la Réserve Fédérale, puis de l’inefficacité de sa politique alors que la courbe des rendements s’aplatissait fortement.

Nombre des résolutions sont encore loin
d’avoir été mises en œuvre.

Et il est vrai que l’ascension commerciale de la Chine a été spectaculaire. Entre 2002 et 2007, ses exportations passent de 7% à 12% du total mondial2. Les années 2000 sont le temps de la dispersion et de la recomposition des chaînes de valeur. La région Asie Pacifique (qui comprend la Chine) pèse aujourd’hui presque 30% du PIB mondial3.

Mais la Chine a également fortement contribué à contenir les effets de la crise lorsque celle-ci s’est déclenchée. C’est un des éléments qui à mon sens différencie la crise de 2008 de celle de 1929, avec la réaction des autorités monétaires américaines qui ouvrent les vannes du crédit, et celle de l’Etat Fédéral qui lance un plan de soutien de plus de 700 milliards de dollars. La troisième composante fut, à n’en pas douter, l’intervention économique de la Chine.

Dès le départ, il fut question de coordination internationale élargie, signifiée par la première réunion du G-20 au niveau des chefs d’états et de gouvernements en novembre 2008, consacrée à l’analyse et l’endiguement de la crise financière. Nombre des résolutions prises lors de ce sommet comme des suivants, sont encore loin d’avoir été mises en œuvre. C’est le cas notamment de celles concernant la réforme du système monétaire international. Cependant, à court terme, l’engagement fut pris par tous d’agir pour soutenir la croissance et garantir la liberté du commerce.

L’endettement total de la Chine est passé de 170%
de son PIB en 2008 à près de 260% en 2017.

De son côté et dès le début de 2009, le gouvernement chinois lançait un plan de soutien économique de près de 600 milliards de dollars (4’000 milliards de yuans), c’est-à-dire comparable au plan américain de 700 milliards de dollars annoncé juste quelques mois plus tôt.

Ces facteurs de stabilisation vont permettre un rebond rapide du commerce mondial: celui-ci s’effondre à partir de la mi-2008 pour amorcer son redressement dès la mi-2009. Au début des années 1930, il aura fallu attendre plus de trois ans pour entrevoir une reprise après une contraction de près de 40%, du commerce mondial.  

Au cours des années suivant la crise de 2008, la Chine connait une croissance à deux chiffres et frôle la surchauffe. Elle s’endette aussi – notamment ses entreprises publiques et ses régions – dans une course à la construction immobilière. Le prix à payer n’a donc pas été nul. L’endettement total de la Chine est passé de 170% de son PIB en 2008 à près de 260% en 2017 (dont 160% de dette d’entreprises).

C’est aussi l’amorce d’une progression marquée de la consommation des ménages et de l’élévation du PIB par habitant. Son poids économique a continué de croître (la Chine représente désormais 17% des exportations mondiales4) L’intégration du yuan chinois dans le panier des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du FMI, participe aussi d’une volonté d’internationalisation de la devise du pays, qui reste inachevée. Le contrecoup s’est fait sentir en 2014 - 2015 au cours d’un net repli de l’activité et des marchés du pays.

La confrontation commerciale avec les Etats-Unis est-elle le résultat de la crise de 2008 et de sa résolution – au demeurant incomplète? Une chose est certaine, à partir de 2008 la Chine a accéléré son ascension. Elle a pris sa part dans l’endiguement de la crise. Elle y a trouvé son compte. Il lui reste à s’intégrer plus encore dans le concert économique du monde.

 

1 «Le minotaure planétaire. L’ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial» Yanis Varoufakis – Ed du Cercle 2014
3 Selon le calcul 2017 de la Banque Mondiale. http://databank.worldbank.org/data/download/GDP.pdf
4 Source: Eurostat voir (2)

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