Noël avant l’heure

Olivier de Berranger, La Financière de l'Echiquier

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 Faute de nouveaux catalyseurs, et encore davantage si des signaux moins positifs réapparaissaient, les marchés, qui ont fêté Noël avant l’heure, risquent bien de passer la trêve des confiseurs avec la gueule de bois.

L’Eurostoxx 50 en hausse de 20%, le S&P 500 de près de 15%, les primes de risque sur les obligations d’entreprises revenues à leur niveau d’avril, les taux longs qui ont nettement baissé… Depuis fin septembre, les investisseurs ont fait feu de tout bois, portés par un vent d’optimisme, né d’un pessimisme exacerbé au début de l’automne et alimenté depuis par des chiffres d’inflation américaine en baisse ainsi que par la perspective de hausses de taux moins fortes de la part la Réserve fédérale américaine (Fed) dans les prochains mois.

Un optimisme qui pourrait, à présent, se muer en complaisance peu rationnelle. En témoignent les mouvements des marchés la semaine dernière. A l’issue d’un discours de Jerome Powell, les indices actions, notamment américains, ont fortement progressé; pourtant, il n’y avait pas une syllabe dans les propos du patron de la Fed qui ait fourni une nouvelle information. Simplement, M. Powell a confirmé que la prochaine hausse des taux serait certainement de moindre ampleur que les précédentes, c’est-à-dire plutôt de 0,5% que de 0,75%. Soit le scénario de base du marché depuis plusieurs semaines.

Une réaction aussi positive sur une nouvelle qui n’en était pas pose donc question quant à la rationalité des récents mouvements. En plus de confirmer une baisse du rythme de hausse de taux, M. Powell a également assuré que le taux directeur terminal serait certainement plus élevé que les prévisions de la Fed en septembre et que la banque centrale était loin d’avoir gagné son combat contre l’inflation. Aussi, la perspective d’une récession mondiale marquée pour 2023 croît chaque semaine en probabilité, alors que les attentes de bénéfice à 1 an n’ont encore été que modérément révisées à la baisse. Enfin, de nombreuses incertitudes persistent, du conflit russo-ukrainien à la situation économique et sanitaire de la Chine, en passant par le risque énergétique en Europe. Avec autant de nuages à l’horizon, comment justifier une telle confiance?

Rappelons que les «bear market rallys» – forte hausse de court terme des actions dans une tendance baissière moyen terme- ne sont pas rares. En moyenne, depuis les années 1970, ils ont été de 15% sur le S&P 500, dépassant parfois les 20%, et ont duré 55 jours. A ce titre, le rebond récent – +14,5% sur le S&P 500 en un peu plus de 2 mois – est donc dans la norme. Toute la question est donc de savoir s’il s’agit d’un nouveau «bear market rally», prélude à une nouvelle baisse, voire à un nouveau plus bas, sur les marchés actions, ou si nous sommes au début d’un retournement de tendance plus durable. La deuxième hypothèse semble bien peu probable, au regard de la morosité des perspectives sur la politique monétaire et le cycle économique, mais aussi des valorisations – raisonnables mais pas attractives – et du positionnement technique – de nombreux marchés étant sur des niveaux d’excès d’appétit pour le risque. De plus, les bonnes nouvelles – ralentissement du risque de hausse des taux de la Fed, pic d’inflation aux Etats-Unis, début d’hiver doux en Europe abaissant le risque de crise énergétique – sont toutes intégrées.

Afin que la tendance se poursuive, d’autres bonnes nouvelles seraient nécessaires, à commencer par une confirmation que l’inflation américaine connaît une réelle décélération. Faute de nouveaux catalyseurs, et encore davantage si des signaux moins positifs réapparaissaient, les marchés, qui ont fêté Noël avant l’heure, risquent bien de passer la trêve des confiseurs avec la gueule de bois.

 

Rédaction achevée le 05.12.2022

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