Nous publions pour la première fois une introduction aux marchés du financement de projets d'infrastructures privées (infra) avec des données sur les émissions passées, les rendements et les risques par région du monde et sous-secteur. L'investissement dans les infrastructures est une classe d'actifs à multiples facettes, fournissant des services essentiels qui sont primordiaux pour le fonctionnement de nos économies, allant des transports aux énergies renouvelables et traditionnelles, en passant par les télécommunications.
Historiquement, les projets d'infrastructure étaient financés par les entités publiques et semi-publiques ainsi que par les banques privées. Cependant, depuis le début des années 2010, la dette infrastructure est devenue une classe d'actifs plus institutionnalisée, sous l'effet de réglementations bancaires plus contraignantes (Bâle Ill) et de réglementations favorables pour les compagnies d'assurance (Solvabilité Il).
En raison de pressions toujours plus importantes sur les marges de manoeuvre budgétaires, accentuées suite à la pandémie de Covid, les gouvernements mettent de plus en en plus à contribution le secteur privé pour combler le déficit d'investissements dans les infrastructures. En raison du resserrement de la politique monétaire, d'un financement bancaire limité et de la hausse des taux d'intérêt, les prêteurs privés bénéficient de marges de crédit attractives.
Ce changement dans les sources de capitaux est également lié par l'écart croissant entre les besoins futurs de financement des infrastructures et les montants investis. Le G20 estime le déficit d'investissement annuel moyen à 75 milliards de dollars entre 2023 et 2027.
La dette infra représente généralement 80% de l'investissement privé dans les infrastructures (avec des ajustements en fonction du risque lié à chaque transaction). Malgré des conditions macroéconomiques peu favorables, une croissance annuelle de 42% des volumes de dette infra a été enregistrée en 2023 dans le monde.
Il convient de noter que, contrairement aux financements de dette immobilière, souvent in fine, de nombreux financements d'infrastructures sont structurés avec un profil d'amortissement total. Dans ce cas, la plupart des refinancements d'infrastructures résultent ainsi de changements au sein de la société qui construit et opère l'infrastructure, telles que des fusions-acquisitions ou de la fin de la période de construction.
En dépit d'une solide performance historique, les indices boursiers mondiaux et européens des infrastructures ont été moins performants que l'indice boursier mondial tous secteurs, après la pandémie de Covid. En ce qui concerne les obligations, l'augmentation de l'inflation et la crainte d'une hausse des taux directeurs des banques centrales ont entraîné un affaiblissement des performances des indices d'obligations d'entreprises tous secteurs et des infrastructures.
D'après les données de Moody's, le taux de défaillance cumulé moyen des financements de projets d'infrastructure s'élève à 5%, juste au-dessus de la moyenne des obligations d'entreprise Baa, le secteur des métaux et des mines ainsi que les télécommunications étant plus proches de la moyenne des obligations d'entreprise Baa. Les taux de recouvrement varient de manière significative entre 92% pour l'énergie et 61% pour le secteur des métaux et des mines.
Notre base de données montre que dans les sous-secteurs, la moyenne des marges de prêt se situe entre 200 et 250 points de base. Le secteur des transports présente les marges de prêt les plus faibles sur la période 2002-2022. Les marges sur les énergies renouvelables ont considérablement baissé ces dernières années, car de plus en plus de prêteurs sont désireux d'accroître leur exposition à ce secteur et certains sous-secteurs initialement nouveaux comme l'éolien offshore sont devenus matures.
Les données crédit par crédit font apparaître une fourchette de marges encore plus large, comprise entre 40 et 600 points de base. Cela confirme l'idiosyncrasie du niveau de marge des financements de projets d'infrastructures, où les spécificités de chaque projet jouent un rôle clé dans le pricing de chaque prêt.