Les marchés occultent la crise à Hong Kong

Axel Botte, Ostrum AM

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Les marches d’actions poursuivent leur hausse avec une surperformance des défensives et une baisse des taux obligataires.

© Keystone

Les marches d’actions poursuivent leur ascension. Le S&P s’échange au-dessus des 3120 points. Le dernier mouvement haussier est toutefois tiré par les secteurs défensifs des services publics (sensibles aux taux bas) et de la santé. L’indice Euro Stoxx 50 dépasse le seuil de 3700. La dynamique des valeurs cycliques et des bancaires s’essouffle néanmoins. La hausse de Hong-Kong est plus surprenante compte tenu des violences émaillant le territoire. La hausse des cours boursiers n’entraine pas de hausse supplémentaire des taux. Après le discours de Jerome Powell, le 10 ans américain cote de nouveau dans la zone 1.80-1,85%, quelque 10pb sous les sommets de début novembre. Les rachats de Bund (-0,32%) semblent la contrepartie d’une réduction du positionnement acheteur des investisseurs finaux sur les dettes souveraines périphériques.

Les spreads de crédit se sont aussi élargis d’environ 4pb sur la semaine écoulée. Le high yield pourtant soutenu par les flux finaux s’est déprécié. Les spreads sur la dette spéculative remontent vers 375pb contre Bund. Sur le marché des changes, peu de mouvement notable hormis la glissade du réal vers 4,2 pour un dollar et le rebond du sterling.

Le graphique de la semaine

L’approche de la fin d’année s’accompagne de réallocations d’actifs, d’autant que la reprise QE offre une porte de sortie.

Sur les marchés de dettes souveraines, des ventes de blocs de contrats BTP ont initié un écartement des primes sur la dette italienne qui a progressivement fait tache d’huile sur les emprunts espagnols et portugais.

Le resserrement des spreads depuis le début de l’été a été effacé concernant le 10 ans  La correction est violente sur la dette portugaise.

 

La croissance américaine devrait ralentir au 4t19

Les publications économiques sont passées au second plan la semaine passée. L’inflation américaine (IPC) ressort à 1,8%a en octobre. La surprise à la hausse (+0,1%) par rapport aux attentes du consensus est compensée par l’arrondi baissier de l’indice sousjacent (2,3%a). La Fed voit toujours le verre à moitié plein sur la question de l’inflation pointant le niveau des points morts de marché pour justifier sa politique accommodante. Parallèlement, les ventes au détail s’avèrent un peu meilleures que ne laissait suggérer la hausse du crédit à la consommation en septembre. Les dépenses ont progressé de 0,3%m le mois dernier. La production industrielle s’est dans le même temps contracté de 0,8%m. Au total, les premières statistiques du 4t19 indiquent une légère inflexion. La croissance devrait se situer légèrement sous le potentiel au dernier trimestre.

Rebond du T-note dans le sillage du discours de Powell

L’allocution de Jerome Powell n’a apporté aucun élément nouveau. Le Président de la Fed continue de décrire les interventions sur le marché du repo comme une mesure technique indépendante de l’orientation de la politique monétaire. Les minutes du dernier FOMC publiées cette semaine nous éclaireront peut-être sur les réels enjeux de ces interventions. La Fed accroit régulièrement ses prêts sur le marché du repo.

L’encours prêté se situe au-delà de 220 milliards de dollars alors que l’injection initiale en septembre était limitée à 75 milliards de dollars. La Réserve Fédérale procèdera par ailleurs à plusieurs opérations spéciales dont les maturités couvriront les de fin d’année. Parallèlement, les achats de T-bills se poursuivent au rythme de 60 milliards de dollars par mois.

Le réinvestissement des tombées de MBS ajoute jusque 20 milliards de dollars au bilan de la Fed chaque mois. Malgré une pause en décembre, l’assouplissement monétaire n’est pas terminé.

Dans ce contexte, le mouvement de la semaine passée constitue une alerte. Les intervenants vendeurs de contrats T-note, notamment les hedge funds ayant accru leurs positions récemment, auront tendance à réduire leurs risques à court terme. Les baisses de taux depuis le mois de juillet améliorent le portage sur les Treasuries, consolidant ainsi le consensus acheteur. L’action de la Fed favorise aussi un scénario de pentification.

Prises de profits sur les emprunts périphériques

En zone euro, l’Allemagne évite la récession au 3t19. Les enquêtes conjoncturelles ont cessé de se dégrader, sans toutefois préfigurer un redressement à brève échéance. La zone euro a cru de 0,2%t au troisième trimestre. Les intervenants prennent des profits sur leurs surexpositions aux marchés périphériques. Ces rotations bénéficient au Bund qui s’échangent de nouveau sous -0,30%. Si une baisse des taux en décembre apparait désormais moins probable, le premier discours de Christine Lagarde donnera le ton de ses premiers mois à la tête de la BCE. La reprise du QE est peut-être l’élément déclencheur des ventes d’emprunts périphériques.

L’Espagne (+9pb à 76pb à 10 ans) et le Portugal (70pb) suivent le mouvement initié, semble-t-il, par des ventes de contrats BTP. L’Italie s’échange à 153pb du Bund. Parallèlement, les comptes spéculatifs sont acheteurs de Schatz asset-swappés, autour de -30pb. Tout retour de l’aversion pour le risque ou accès de tensions sur la liquidité en fin d’année entrainerait un élargissement des swap spreads. Ainsi, la neutralité prévaudra sur les de taux cette semaine. La tendance reste à la pentification sur le marché des Treasuries.

Le crédit subit un léger écartement. La hausse des primes se chiffre à 4pb sur une semaine. Le spread de l’investment grade européen repasse le seuil 100pb contre Bund. La balance des flux est moins favorable depuis quelques semaines. L’élargissement du high yield ne traduit en revanche aucun affaiblissement de la demande d’obligations spéculatives. Le spread moyen proche de 375pb offre un surcroit de rendement attrayant.

Les actions au plus haut

Le marché des actions poursuit sa hausse. L’absence d’alternative aux actions est souvent avancée pour expliquer le mouvement. La prime de risque est élevée mais le niveau absurde des taux y contribue grandement. Il est néanmoins étonnant de constater que les marchés ignorent totalement la situation hongkongaise, qui pourrait compromettre un éventuel accord commercial entre la Chine et les Etats-Unis. Le statut spécial accordé à Hong-Kong par les américains dépend étroitement de son indépendance de Pékin (et bien sûr de la qualité de ses infrastructures). La hausse des indices et l’absence de volatilité (VIX sous 13%) révèlent une certaine complaisance des opérateurs vis-à-vis des tensions à Hong-Kong. Cela étant, la récession des profits en cours et la surperformance des services publics ou d’autres secteurs défensifs tels la santé semblent préfigurer l’essoufflement du mouvement haussier sur le S&P.

En zone euro, le rally des cycliques et des valeurs bancaires suscitent quelques prises de profit sur la semaine écoulée. Les indices cotent au plus haut de l’année avec un Euro Stoxx 50 au-delà des 3700 points. Les flux vers les actions ont marqué une nette inflexion à la hausse ces dernières semaines. Les finaux semblent vouloir rattraper le temps perdu, ce qui n’est jamais bon signe.

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