Les faucons volent au-dessus des marchés

Axel Botte, Ostrum AM

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«Don’t fight the Fed»: les marchés de taux tanguent et les actions sont sans tendance.

©Keystone

Le message des banquiers centraux s’apparente au supplice chinois.  Les commentaires distillés au compte-goutte accroissent graduellement la pression haussière sur les taux. Une hausse des taux des fonds fédéraux de 50 points de base semble acquise lors du FOMC du 4 mai et le marché monétaire intègre trois relèvements similaires entre juin et septembre. James Bullard, souvent à l’avant-garde de l’action de la Fed, évoque même des mouvements de 75 points de base. Le calendrier s’accélère aussi au Canada et aux antipodes. La Banque du Canada semble disposée à accentuer le resserrement monétaire, compte tenu des derniers chiffres d’emploi et d’inflation. La banque de réserve de Nouvelle-Zélande et la banque de réserve d’Australie répondront également à l’accélération des prix.  

Indécisions, contradictions et volatilité

En zone euro, plusieurs membres de la BCE comme Pierre Wunsch et Luis De Guindos prennent leurs distances avec la prudence incarnée par Christine Lagarde. Une première hausse des taux dès juillet est évoquée. Le signal interviendrait en juin avec l’actualisation des projections d’inflation à l’horizon de 2024. L’offensive des faucons traduit la primauté du mandat de stabilité des prix sur l’activité. L’apparente solidité des enquêtes en zone euro (PMI composite à 55,8 en avril) est douteuse compte tenu de l’ampleur du choc énergétique, de la persistance des contraintes sur l’offre et de la perte de confiance des ménages.

Au Royaume-Uni, le plongeon sans précédent de la confiance des ménages interroge sur l’ampleur du resserrement à attendre.

La Bundesbank estime ainsi que l’économie allemande a stagné au premier trimestre et projette une contraction de l’activité de 5% en 2022 en cas d’interdiction des importations de gaz russe. Au Royaume-Uni, le plongeon sans précédent de la confiance des ménages interroge sur l’ampleur du resserrement à attendre. Andrew Bailey semble indécis alors que Catherine Mann souhaite relever les taux de 75 points de base face à l’inflation qui tangente 9% en mars. La politique de la banque d’Angleterre n’a pas fini d’alimenter la volatilité des marchés.

En l’absence de publications économiques majeures, ce sont les déclarations des banquiers centraux qui ont imprimé la tendance sur les marchés. Les contrats courts prédisent des hausses de 50 points de base à chaque réunion jusqu’en septembre, puis deux gestes de 25 points de base en octobre et décembre. Dans ce contexte, les positions spéculatives à la vente s’accumulent sur ces contrats (euro-dollar, 2 ans, SOFR, taux des fonds fédéraux). Le spread de 2-10 ans (-19 points de base cette semaine) a effacé en partie la pentification provoquée par l’annonce du resserrement quantitatif.  Les rendements obligataires entre 5 et 30 ans oscillent autour de 3%.

Toutefois, les points morts d’inflation continuent de se tendre (3% à 10 ans), après une émission de TIPS 5 ans réussie en milieu de semaine. L’ancrage des anticipations d’inflation n’est pas assuré. Jerome Powell vise un atterrissage en douceur, le marché semble rétorquer que les taux réels à 10 ans ne devront pas dépasser 0%. En zone euro, le Bund se tend vers 1%. L’attention des investisseurs reste focalisée sur le risque de hausse des taux dès juillet. Le Schatz cote désormais au-delà de 0,25%.

L’aplatissement est brutal et les perspectives de ralentissement pourraient accroître la surperformance des taux réels longs dans les mois à venir. Le spread Bund-T-note a plafonné à 200 points de base. Parallèlement, les spreads souverains ont peu évolué. L’OAT à 10 ans se resserre vers 45 points de base. Les swap spreads demeurent élevés, compte tenu de l’environnement de forte volatilité. Quant aux marchés périphériques, la dette italienne à 10 ans s’est dégradée en toute fin de semaine (169 points de base).

La volatilité intra-journalière reste forte sur les marchés d’actions, mais sans réelle tendance sur les principaux indices.
Une fragilité des marchés

Le resserrement monétaire attendu contribue à tendre les spreads de crédit. L’écartement sur l’euro IG se poursuit pour atteindre une prime de 137 points de base contre Bund (69 points de base contre swap). Les fonds et ETF de crédit enregistrent des sorties de près de 13,5 milliards d’euros depuis le début de l’année. On observe néanmoins un retour d’intérêt pour les fonds investis sur le 1-3 ans.  Les papiers éligibles à la BCE souffrent davantage. Sur le crédit en dollars, les flux sont restés positifs en 2022 (+5,8 milliards de dollars), ce qui atténue à peine les écarts de spreads, le marché primaire restant très actif en avril (53 milliards de dollars en avril). Le marché du high yield européen subit l’aversion pour le risque, mais les spreads semblent stabilisés au-dessus de 400 points de base. L’absence d’émissions primaires compense les rachats sur les fonds de high yield européen.

La volatilité intra-journalière reste forte sur les marchés d’actions, mais sans réelle tendance sur les principaux indices. L’Euro Stoxx gagne 1%, le S&P perd 1%. Toutefois, le Nasdaq (-3%) subit une nouvelle fois la pression haussière sur les taux d’intérêt. L’indice FANG qui rassemble les leaders du secteur plonge même de près de 8% cette semaine. Cette réaction est symptomatique d’une sensibilité accrue aux perspectives bénéficiaires. La saison des résultats est pourtant de bonne facture avec 80% de surprises favorables, jusqu’à présent. Cela dénote une certaine fragilité des marchés et le caractère asymétrique des réactions aux surprises lorsque les valorisations sont élevées. La hausse des taux pourrait aussi décourager la demande spéculative d’actions et engendrer un cercle vicieux de liquidation pour payer les appels de marge.

Le dollar reste au zénith. Le billet vert reste la valeur refuge, d’autant que les taux américains sont appelés à monter. C’est aussi une hausse par défaut tant l’euro peine à intégrer un environnement de taux plus élevés. La politique de la banque du Japon entretient aussi l’excès d’offre de yen qui teste de nouveaux points bas, jusqu’à 129,40 cette semaine. Le yuan est désormais pénalisé par l’effet délétère de la politique zéro-COVID et des sorties de capitaux encouragés par les rendements plus élevés sur les bons du Trésor.

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