Les banques centrales vont-elles faire dérailler la reprise mondiale?

Adrien Pichoud, SYZ

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Les avis haussiers sur l'inflation soutiennent un vieil adage d'économiste: une fois sorti du sac, un tigre inflationniste est difficile à faire rentrer.

Parmi les économies développées, les États-Unis continuent de mener la reprise mondiale. En effet, la force de leur rebond économique est telle que le débat est passé des risques liés à la pandémie aux préoccupations de surchauffe et d'inflation excessive.

Les avis haussiers sur l'inflation soutiennent un vieil adage d'économiste: une fois sorti du sac, un tigre inflationniste est très difficile à faire rentrer. Bien que nous pensions que la stratégie de relance restera soutenue à court terme, le contexte général indique une période durable de faible croissance et de faibles taux.  Dans ce scénario de «japonisation», des niveaux d'inflation plus élevés seront limités aux cycles de court terme.

La façon dont les banques centrales et les gouvernements tentent de contrôler la bête inflationniste potentielle (réelle ou imaginaire) et de supprimer la goutte d'eau due aux plans de relance Covid façonnera les marchés dans l'après-crise. D’autant que tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. La directrice de l’Administration fédérale des finances de la Suisse Sabine D’Amelio-Favez mentionnait, en juin, que la Suisse n’a pas besoin d’un plan de relance en raison de recettes de l’impôt fédéral du premier semestre 2021 identique à celui de 2020 et d’investissements non négligés avant la crise qui produisent leurs effets.

Jusqu’à maintenant, les responsables de la Fed ont fait preuve de patience en termes de resserrement de la politique monétaire.

Après tout, alors que les preuves de plus en plus nombreuses de la reprise de l'activité économique se multiplient, il est logique que l'attention se tourne vers la manière dont le soutien massif des banques centrales et des gouvernements, fourni en réponse à la pandémie, sera progressivement retiré.
Tout retrait prématuré ou désordonné du support risque de faire dérailler une reprise qui en dépend encore largement. Le risque de «taper tantrum» sera aigu si les marchés estiment que les banques centrales sont trop rapides à normaliser leur politique. Les investisseurs doivent se préparer à des phases de volatilité, à mesure que le cocktail de stimulus sera finalement retiré de la table.

Le jeu d'équilibre de la Fed

La dernière réunion de la Réserve fédérale américaine met en lumière le défi auquel sont confrontés les responsables politiques du monde entier. Ils doivent ajuster leur politique monétaire et budgétaire pour répondre aux exigences d'un environnement économique en amélioration, sans pour autant nuire à la croissance.

Jusqu’à maintenant, les responsables de la Fed ont fait preuve de patience en termes de resserrement de la politique monétaire. Les membres ont souligné l'accélération de la reprise économique, mais la condition de «nouveaux progrès substantiels» nécessaire pour commencer à resserrer la politique monétaire n’est pas encore remplie.

Cette réunion a également permis de réaffirmer le point de vue de la Fed selon lequel même si l'inflation a progressé plus rapidement qu'anticipé, la tendance actuelle est transitoire, faisant écho à notre thèse de japonification.

En reconnaissant l'amélioration de la situation de l'économie américaine, la Fed a rapproché les anticipations de normalisation de sa politique monétaire, en d'autres termes, le calendrier de réduction de ses injections de liquidités et de relèvement des taux d'intérêt à court terme. Toutefois, l'intention demeure de maintenir des conditions de financement très favorables pendant une période prolongée, afin de pouvoir guérir pleinement les profondes cicatrices économiques causées par la pandémie.

Les investisseurs doivent éviter la complaisance à tout prix.

La transition d'une «politique de crise» à une «politique de reprise et de normalisation» va générer de l'incertitude. Le calendrier et l'ampleur du processus auront de profonds impacts potentiels à court et à long terme sur la croissance, l'inflation et les marchés de capitaux.

Les facteurs macroéconomiques favorables soutiennent les actions

La Fed surveillera de près les conditions financières pour éviter de répéter l'expérience de décembre 2018, lorsque ses hausses de taux à court terme avaient fini par priver les sociétés high yield de l’accès au financement - conduisant finalement à un revirement de politique début janvier 2019.

Pour l'instant, la politique monétaire et budgétaire de soutien est fermement en place dans les économies développées. La reflation à l’oeuvre depuis la fin de l'année dernière a dépassé son pic.  Bien que nous ne puissions pas prédire exactement quand elle se terminera, nous sommes bien plus près de la fin que du début.

L'environnement continue de favoriser certains segments cycliques du marché actions pour l'instant, tant au niveau sectoriel que géographique. Notre allocation en actions, cohérente avec ces thèmes depuis le début de l'année, sera progressivement rééquilibrée vers des thématiques séculaires en ligne avec les tendances macroéconomiques structurelles.

Nous conservons une exposition élevée aux actions en général, avec une orientation tactique vers les secteurs et les marchés cycliques, afin d'offrir les meilleures perspectives de rendement pour les mois à venir. A l'inverse, l'allocation obligataire en général justifie une certaine prudence, notamment sur les obligations long terme qui restent sensibles aux pressions haussières sur les taux.

Nous approchons du début de la fin d'une extraordinaire relance budgétaire et monétaire. Ceci aura un impact perturbateur sur les marchés financiers. La question clé à l'avenir est de savoir comment les banques centrales s'extirpent de la plus grande expérience financière de l'histoire, sans effrayer indûment les marchés.  Dans cette transition, les investisseurs doivent éviter la complaisance à tout prix.

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