Le Vietnam à contre-courant des marchés émergents

Yves Hulmann

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De janvier à juin, le pays a bénéficié d’importants afflux de fonds dans les actions. Le point avec Mario Timpanaro de Vogt Asset Management.

Le deuxième trimestre n’a pas souri aux marchés émergents asiatiques. Entre avril et juin, pratiquement tous les marchés actions des pays émergents d’Asie (Inde, Indonésie, Corée du Sud, Malaisie, Philippines, Taiwan et Thaïlande) ont subi des sorties de fonds. Deux marchés qualifiés de «frontières», le Sri Lanka et le Vietnam, ont évolué à contre-courant de cette tendance en affichant des afflux positifs d’argent dans les actions. Sur l’ensemble du premier semestre, le tableau est similaire: le Vietnam sort du lot avec un afflux de fonds positif de 1,57 milliard de dollars. En comparaison, des pays ayant une dimension proche, comme la Malaisie (sortie de 1,72 milliard) et les Philippines (sortie 1,22 milliard), ont, eux, enregistré des flux négatifs.

Inflation divisée par six

Comment expliquer l’attrait retrouvé de ce pays de 96 millions d’habitants auprès des investisseurs? Mario Timpanaro, responsable de la clientèle institutionnelle et de la gestion des fonds auprès de Vogt Asset Management, évoque tout d’abord les aspects macroéconomiques. Pour le spécialiste, il faut garder à l’esprit le parcours effectué par le Vietnam durant les dix dernières années. «En 2008, l’inflation en termes nominal avoisinait encore les 27%. Le pays luttait contre la corruption et des prix hors de contrôle. En 2011, le nouveau gouvernement a réalisé qu’il devait changer en profondeur la politique du pays, sans quoi celui-ci se dirigeait dans le mur», rappelle-t-il. Chose faite en 2015, année où l’inflation est retombée à zéro. «Si la baisse des prix du pétrole l’a alors beaucoup aidé dans son effort de lutte contre l’inflation, le gouvernement a fait du bon travail», poursuit-il.

Le gouvernement a en effet réussi, à l’aide de mesures de politique monétaire, à combattre avec succès l’inflation et à gagner en crédibilité auprès des investisseurs. L’inflation avait alors augmenté en raison des coûts élevés dans les domaines de la santé et de la formation et aussi à cause des prix élevés du pétrole qui avaient renchérit les coûts de transport. Aujourd’hui, la hausse des prix évolue aux environs de 3,5%. En juin, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 3,45% en comparaison annuelle, tandis que l’inflation de base («core CPI») a, elle, crû de 1,41%.

Croissance de 7%

Côté croissance, le PIB du pays a augmenté de 7,1% au premier semestre en comparaison annuelle, une hausse soutenue en particulier par la bonne tenue du secteur manufacturier (+12,7% en comparaison annuelle). La consommation a aussi progressé à un rythme soutenu d’un peu plus de 7% au premier semestre. «Le Vietnam, qui a adhéré à l’OMC en 2007 seulement, est un pays en pleine transformation. Le phénomène d’urbanisation s’accompagne d’une population jeune, qui consomme. Les infrastructures sont en plein développement, aussi bien au niveau des chemins de fer et des aéroports. Comme l’Etat vend certaines de ses entreprises et les place en bourse, cela créée aussi de nouvelles opportunités d’investissement», analyse-t-il. Le produit intérieur brut (PIB) du pays devrait croître de 6,8% en 2018, selon les prévisions de la Banque mondiale.

Le gouvernement vietnamien a très vite compris
comment fonctionnait Donald Trump.

Les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis ne risquent-elles pas de remettre en question le boom de l’économie vietnamienne, qui dépend à son tour beaucoup des exportations chinoises? Mario Timpanaro relativise l’importance des risques de guerre tarifaire pour le Vietnam. D’une part, car la Chine n’est que le troisième pays de destination de ses exportations – derrière les Etats-Unis et l’Union européenne. D’autre part, selon lui, le gouvernement vietnamien a su très vite établir de bonnes relations avec le nouveau président américain. «L’actuel président du Vietnam, Tran Dai Quang, en fonction depuis 2016, est certainement l’un des dirigeants qui, à l’étranger, a le mieux compris comment Donald Trump fonctionnait. Dès l’arrivée au pouvoir du nouveau président américain, le gouvernement vietnamien a commandé pour 17 milliards de dollars de nouveaux avions à Boeing, à quoi se sont ajoutés d’importants achats effectués auprès de General Electric », met en perspective le gérant de fonds. Il ajoute aussi que le déficit de la balance commerciale du pays avec les Etats-Unis n’a été que de 32 milliards de dollars en 2017 (18,1 milliards en 2018), ce qui met le pays à l’abri d’éventuelles mesures de rétorsions. Et qu’en est-il du risque de change pour un investisseur étranger? Mario Timpanaro souligne que le dong, la devise vietnamienne, évolue de manière très stable face au dollar, les variations entre les deux monnaies se limitant à plus ou moins 2,5%.

Dans le MSCI d’ici 2020

En tant que marché «frontière», le Vietnam présente-t-il des risques plus importants que les placements dans les marchés émergents jugés plus mûrs? Pour Mario Timpanaro, ce désavantage relatif va de toute manière disparaître ces prochaines années. «Le Vietnam sera certainement intégré dans l’indice MSCI d’ici à fin 2020», anticipe-t-il. Quant à savoir à quel type d’investisseurs s’adressent le fonds de Vogt Asset Management dédié à ce pays, Mario Timpanaro cite trois conditions: «Il faut avoir une vision à long terme. Il faut s’intéresser à l’innovation et avoir une affinité avec l’Asie». Il précise que le fonds (disponible en dollars américains, euros, francs et dollars singapouriens) – qui compte deux tranches, l’une destinée aux institutionnels, l’autre à la clientèle de détail - n’est pas réservé aux seuls investisseurs qualifiés et qu’aucun montant minimum d’investissement n’est exigé.