Le Royaume-Uni pris à la gorge par l’inflation: un avertissement?

Thomas Planell, DNCA Invest

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Pour limiter les effets de l’inflation, la BoE pourrait relever ses taux plus tôt que prévu.

«Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu'il ne nous prenne à la gorge» disait Churchill. Avec le risque de voir l'inflation échapper à leur contrôle, les banquiers centraux s'apprêtent à devoir agir plus tôt que prévu. Parmi les premiers de ces duellistes de la théorie moderne de la monnaie à devoir croiser le fer avec la hausse des prix figure Andrew Bailey. Le gouverneur de la Bank of England, qui a pris ses fonctions en mars dernier au plus fort de la tempête pandémique, est originaire de Leicester. Outre la prépondérance de son industrie textile et son célèbre condiment, la cité manufacturière des Midlands est aussi connue pour partager son nom avec la célèbre place londonienne qui fut l'un des épicentres les plus emblématiques de «l'hiver du mécontentement» de 1978-79.

Furoncle d'immondices au cœur de Londres, bourgeon de l'exulcération sociale de la souffrance causée par l'inflation des années 1970, le souvenir de la «place putride» est ainsi peut-être particulièrement prégnant chez Bailey qui doit déjà prendre acte au 17e mois de son mandat d'une chute à son plus bas niveau depuis février de la confiance des ménages.

La peur de voir leur pouvoir d'achat réprimé par la hausse des prix entame l'optimisme des Britanniques.

Malgré près de 6% de croissance nominale au deuxième trimestre et une hausse des salaires jamais vue depuis 24 ans, la peur de voir leur pouvoir d'achat réprimé par la hausse des prix entame l'optimisme des Britanniques qui craignent pour certains jusqu'à 60% de hausse de leurs coûts énergétiques. A cela s'ajoute la facture du Brexit: les pénuries de biens et de main d'œuvre dans l'industrie, l'artisanat et les services paralysent le pays de ses stations-services à ses étals de boucherie et aggravent les perturbations de la chaîne logistique internationale.

Cette hausse de l’inflation n’intervient pas au meilleur moment. Grevé d'un déficit budgétaire et commercial (respectivement 10 et 2% du PIB), le pays se trouve dans une situation de dépendance au financement étranger d'autant plus grande qu'après 17 mois de soutien, la BOE cessera de financer directement l'endettement de l’Etat à partir de décembre. Or une inflation trop forte réduit l'attractivité de la zone Sterling.

Plus la livre baisse, plus les matières premières importées se renchérissent.

Les investisseurs exigent donc une prime de risque pour investir au Royaume-Uni. Le rendement à 10 ans demandé par le marché se renchérit tandis que le Sterling cède 6% de sa valeur face au dollar depuis mai. Cette double sanction financière entraîne un cercle vicieux terrible: plus la livre baisse, plus les matières premières importées se renchérissent, accentuant à la hausse les prix à la production et à la consommation. Ce qui rappelle ainsi les années succédant à Bretton Woods et au choc pétrolier pendant lesquelles la chute de près de la moitié de la valeur du Sterling face au dollar avait précipité l'Angleterre dans les heures les plus sombres de son histoire depuis la Seconde Guerre mondiale.

Pour mettre un terme à ce cercle vicieux et restaurer la crédibilité de la BoE et de sa devise, Bailey va devoir prendre une décision difficile: relever les taux d'intérêt plus tôt que prévu et cela probablement à plusieurs reprises. Dans un contexte de ralentissement économique et d'inflation record des prix alimentaires ou énergétiques, ce changement de politique monétaire pourrait déclencher une récession aux portes de l’Europe. Se couper la main pour ne pas perdre le bras… de l’autre côté de la Manche et de l’Atlantique, ni Lagarde ni Powell ne peuvent se vanter de pouvoir rester indifférents au destin britannique.

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