Le prix du pétrole s’effondre

Philippe Waechter, Ostrum AM

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L’incertitude sur le moment où la demande sera plus forte va provoquer de l’instabilité économique et politique.

© Keystone

Le prix du pétrole est tombé à 0 aux USA, il a clôturé en négatif Il fallait trouver preneurs pour les contrats/barils arrivant à échéance ce mardi afin de ne pas être livré. Le baril de WTI a été bradé.

Même si le contrat pour une échéance en juin est autour de 20 dollars, cette situation est tout à fait particulière et pour plusieurs raisons.

D’abord parce que le pétrole est au cœur du modèle de croissance des pays occidentaux depuis la fin du 19eme siècle. Si sa valeur tombe à zéro est ce un signe de changement de modèle?

La baisse du prix est facilement compréhensible. La demande a baissé de 30 millions de barils/jour alors que les producteurs, pour maintenir leur part de marché, continuaient à produire au maximum. Les stocks se sont gonflés à l’excès et les prix se sont effondrés. Il faudrait réduire la production de 30 à 40 millions de barils/jour pour rééquilibrer progressivement le marché.

Cette chute reflète le rapport de force entre les trois plus gros producteurs que sont les US, la Russie et l’Arabie saoudite. Aucun des trois n’a voulu être celui par lequel l’ajustement aurait pu se faire. Chacun a tenu le plus longtemps possible mais ce n’est plus viable.

Le nombre d’emplois aux USA dans le secteur va baisser
rapidement pénalisant les régions productrices.

La baisse du prix, même s’il n’est plus à 0 il restera très peu cher, va avoir des conséquences dramatiques dans les pays producteurs pour lesquels le prix du baril trop bon marché ne permet pas l’équilibre du budget (dans ce budget il y a généralement beaucoup de subventions pour réduire les tensions sociales). Les risques sociaux sont forts (le prix du Brent va être tiré vers le bas car les problématiques sont les mêmes).

Aux US les producteurs de shale oil et les exploitations du Texas vont souffrir. De nombreux puits vont fermer, parce qu’ils ne sont plus rentables. Le nombre d’emplois aux USA dans le secteur va baisser rapidement (le secteur représente environ 150'000 emplois) pénalisant les régions productrices. La mobilité des américains est plus faible désormais et il n’y a plus ces grands mouvements de population permettant un rééquilibrage de l’économie US.

Le risque est aussi sur le marché du high yields US puisque de nombreux producteurs s’y sont financés. Ils ont un poids considérable dans ce marché.

Une conséquence direct est que l’investissement dans le secteur va s’effondrer. Cela se traduira dans le futur par une offre insuffisante et des prix qui remonteront. C’est le mécanisme habituel (rappelez vous, moins de 10 dollars à l’automne 1998 mais 145 dollars en juillet 2008). Il n’empêche que la dynamique de l’économie globale va être affectée par la crise sanitaire et par une incertitude forte quant à la date de «retour à la normale». C’est durant cet espace de temps de plusieurs mois que les troubles politiques risquent de se manifester. Soit parce que des pays n’arrivent plus à faire face à leurs engagements internes et externes soit parce que cela aura un effet sur l’emploi comme aux US alors que le marché du travail s’effondre déjà.

C’est cette période qui s’ouvre qui va être intéressante mais elle est porteuse d’instabilité économique et politique.

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