Le poids du paradigme #MeToo en finance responsable

Guillaume Compeyron, SYZ Asset Management

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Le monde des affaires a vu apparaître une clause, dite «clause Weinstein», dans certains contrats de fusion-acquisition.

 

Débutée en octobre 2017, l’affaire Weinstein, a eu les répercussions mondiales que l’on connaît regroupées sous la bannière #MeToo. Ce que l’on connaît moins, ce sont les conséquences de ce scandale sur le monde des affaires qui a vu apparaître une clause, dite «clause Weinstein», dans certains contrats de fusion-acquisition. Celle-ci prévoit des dispositions de récupération d’une partie du prix d’une opération en cas de découverte de comportements inappropriés au sein du management.

Cet exemple n’est pas anodin: il montre que des considérations d’ordre non-financier émanant de la société civile et prises en compte par les entreprises peuvent prendre la forme d’un impact négatif sur les résultats financiers de ces dernières. Force est de constater que les comportements responsables ont non seulement émergé, mais ont également pris de l’ampleur.

De plus en plus, les analystes scrutent la posture des entreprises vis-à-vis des questions sociales, environnementales ou de gouvernance (de la même manière qu’ils le font avec leurs bilans et comptes de résultats), à la recherche d’éventuelles faiblesses pouvant engendrer des charges financières. Leurs observations sont regroupées sous le thème d’«investissement responsable», c’est-à-dire l’investissement qui intègre des éléments extra financiers.

Des éléments non financiers
peuvent grever les résultats financiers.

Toutefois, puisqu’il n’existe pas de consensus clair, tant sur la taxonomie que sur la philosophie d’investissement, il existe de nombreuses interprétations possibles de la thématique. Malgré le florilège d’initiatives visant à établir un langage commun pour la finance durable, le problème persiste et il est visible dans de nombreux domaines, notamment celui de l’énergie. Réunis dans le cadre de grands accords internationaux, les gouvernements ont estimé qu’il était urgent de limiter le réchauffement climatique. L’utilisation de mécanismes d’incitations en termes de prix est une des solutions envisagées. C’est le cas du système d’échanges de quotas d’émission de CO2, stratégie utilisée au sein de l’Union Européenne pour encourager les industries à réduire leurs émissions polluantes.

Or, la réalité est plus complexe: prenons l’exemple d’EDF, le géant énergétique français. La majorité de l’énergie qu’il produit est issue du nucléaire (89%) qui ne rejette pas d’émissions de CO2, ce qui l’immunise en partie contre ces mesures. La difficulté provient cependant de la controverse autour du nucléaire, en particulier après la catastrophe de Fukushima. Ainsi, la limite du degré d’investissement responsable est déterminée par chaque client ou par chaque analyste en fonction de son analyse des enjeux économiques et environnementaux.

Un autre élément crucial à retenir est l’impact de l’investissement responsable sur la performance. Pour bien le comprendre, il faut se référer à la théorie classique des « rendements décroissants »: lorsque tout le capital disponible court après une idée, il en résulte un effet opposé à celui qui est recherché. L’investissement devient de moins en moins productif et il peut y avoir un phénomène de surcapacité, comme cela s’est avéré dans le cas de l’énergie solaire. En 2011, une faible demande combinée à une importante surcapacité avait causé une chute des profits; en conséquence, l’indice de référence, le MAC Global Solar Energy Index, a alors perdu 2/3 de sa valeur. Par la suite, ses performances ont été faibles au cours des dernières années.

A cela s’ajoute le phénomène des subventions, comme on a pu le constater en Chine notamment, où le gouvernement avait mis en place un programme volontaire dans ce domaine. Subitement, en juin 2018, l’exécutif a pris la décision de couper les subventions pour la majorité des projets solaires, provoquant de ce fait une nouvelle chute des actions du secteur.

Ces exemples montrent qu’il ne faut pas courir après la thématique responsable sans considérer attentivement les caractéristiques fondamentales des entreprises. Il convient d’adopter une approche pragmatique et non dogmatique de la question. Il est possible de créer de la valeur pour les investisseurs sur le long terme en intégrant ces éléments en combinaison avec une gestion traditionnelle.