Le poids des réformes de la santé

Salima Barragan

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«Il y aura des changements sur le prix des médicaments», estime Jennifer Nichols de Janus Henderson Investors.

En vue des élections présidentielles américaines, le débat sur l’assurance universelle (Medicare for all) refait surface. Près de 115 millions d’Américains disposent d’une assurance maladie privée mais plus de 85 millions vivent mal-couverts ou sans couverture. Pour l’heure, une refonte totale du système de la santé semble peu probable. Cependant, une réforme du prix des médicaments pourrait vraisemblablement affecter les entreprises pharmaceutiques et de biotechnologie dès l’année prochaine. «Il y aura des changements sur le prix des médicaments qui créeront une plus grande volatilité sur les entreprises, alors que le débat sur la manière de réformer la tarification se poursuit», estime Jennifer Nichols, portfolio manager d’un fonds d’actions américaines chez Janus Henderson Investors.

Un secteur sous pression de la course présidentielle

Les actions de la santé, très défensives, ne souffrent pas de la décélération économique. Elles restent en territoire positif mais l’indice de la santé a sous-performé le S&P500 de près de 10 points. Les cours ont intégré les incertitudes liées aux réformes de la santé. Les valeurs du secteur seraient potentiellement pénalisées par ces réformes même si leurs fondamentaux restent bons. «Les entreprises sont toujours innovantes. Rien que sur l’année passée, la Food Drug Administration (FDA) a approuvé 48 nouveaux médicaments», relève Jennifer Nichols.

Les 155 millions d’assurés disposant d’une couverture privée
devront l’abandonner pour la couverture universelle.

Réunissant Medicare pour les personnes âgées et le Medicaid pour les plus démunis, le système se dirigerait vers une plateforme unique. Comme la plupart des Américains ignorent le concept d'assurance-maladie universelle, ils préfèrent de loin la réduction des prix des soins plutôt que la création d’un nouveau système. A noter que le programme Medicare for all couterait au gouvernement près de 2,75 trilliards de dollars, soit 3 à 4 fois le budget de la défense. Aussi, les 155 millions d’assurés disposant d’une couverture privée devront l’abandonner pour la couverture universelle.  

Les sociétés d’assurance maladie seront les premières à en souffrir. «Certaines pourraient survivre en tant qu’administratrices mais la majorité seront sévèrement impactées tout comme la majorité des hôpitaux qui sont subventionnés par les assurances commerciales et opèrent avec des marges déjà très réduites», explique Jennifer Nichols.  Mais si les hôpitaux - dépourvus de financements suffisants – doivent mettre la clé sous la porte, l’accès aux soins se réduira.

Le débat sur le prix des médicaments revient lui aussi sur le devant de la scène. Lors des dernières élections, Hillary Clinton avait déjà soulevé ce sujet. «Nous nous attendons à des changements sur le prix des médicaments, mais n’en connaîssons pas l’ampleur», estime Jennifer Nichols. Cette réforme s’annonce fastidieuse. En effet, comment les deux partis vont-ils s’entendre sur la manière de s'y prendre? Comment les sociétés pharmaceutiques et de biotechnologie vont-elles établir leurs prix et continuer d’être correctement rémunérées pour l’innovation qu’elles offrent?

Ces interrogations vont amener davantage de volatilité sur l’industrie. Les génériques comptent pour 90% des ventes de médicaments. Ils ne feront très probablement pas l’objet d’une réforme des prix. En revanche, certains médicaments spécialisés tels que Humira (polyarthrite rhumatoïde), Tecfidera (MS), Xarelto (anticoagulant) et Harvoni (hépatite C) sont onéreux. «Les médicaments de spécialité représentent une part disproportionnée des dépenses totales en médicaments d'ordonnance», relève Jennifer Nichols.

En attendant les élections, le lobby des biotech clame que l’innovation doit continuer à être soutenue. «Nous nous concentrons sur les sociétés qui peuvent continuer à innover pour croître telles que Merck, Global Blood Therapeutics et Biontech», conclut-elle.